Gilles BAUDRY

Bénédictin à l’abbaye de Landévennec (Finistère), poète.
A publié Sous l’aile du jour (Rougerie, 2016).
CARNET D’UN HOMME DE LA CÔTE
CHRISTUS N°243
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Gilles BAUDRY
L’écriture marine, les pleins et les déliés de ses rouleaux, la fulgurance ou le chuchotement du monde en ses métamorphoses… Mais si la ligne d’horizon enseigne à se perdre de vue, je reste l’homme de la côte, l’homme distendu entre fini et infini. * Trop inégal, le face-à-face. Aussi m’arrive-t-il de me détourner un moment de la mer, de son regard émeraude, pour mieux l’entendre. * Avec la Mer en majuscule et de haute lignée, mais à juste distance d’un regard, terrien de basse extrace, je ne partage que le gris-bleu des yeux, le sel des larmes et l’amour fou de l’horizon derrière l’horizon. C’est peu, me direz-vous. Mais c’est déjà plus qu’il n’en faut pour s’ignorer. * Dans le bourdonnement lointain du remorqueur l’Abeille Bourbon, mer et forêt se pollinisent. Entouré de mon âme, seul au bout de l’attente, j’erre sur la jetée en demandant à mon cœur d’aller à mon pas et, soudainement, de naître de mon étonnement. * Là-bas, la mer qui n’en finit pas. Le ciel si lent que les mouettes se fanent en plein vol. Là-bas, dans un pays de fin du monde, le ciel s’en va épaules basses… * Une île ? Un rêve qui prend l&r...
PAS DE PAROLES DANS CE RÉCIT
CHRISTUS N°256
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Gilles BAUDRY
« Pas de parolesDans ce récitNulle voix qui s'entende »1Mais comme il parleCe paysage aiméPour qui l'embrasse du regardEt c'est ainsiPeut-êtreQue Dieu pose sur nous ses yeuxRédime tout et considèreD'un seul tenantNos élans et nos failles1 Psaumes 19 (18), 4.
TU MARCHES, PÈLERIN
CHRISTUS N°256
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Gilles BAUDRY
    Ciel rouge de cinabre Le bourdon à la main Tu marches, pèlerin Dans l'herbe à peine plus haute qu'un murmure En toi soudain Brûlante source d'une voix Sans éclair Ni éclat : « Heureux qui garde au cœur Sa part d'enfance Une douceur Capable d'attendrir les pierres Heureux celui Sur qui s'abat L'inconsolable joie »    
PAR UNE PORTE BASSE
CHRISTUS N°256
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Gilles BAUDRY
Si tu pouvais mince comme un signetTe glisser subrepticementEntre les pagesEntendre le bruissement végétalEt dans le grain du papierLe grain de la voix de DieuLe livre attendrait patiemment tes yeuxEt s'ouvrirait en confidenceLa voix de l'Écriture s'inviteraitChez toi par une porte basse
QUELLE SÈVE IRRIGUE LA LOUANGE
CHRISTUS N°263
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Gilles BAUDRY
« Dieu, on le cherche toujours, même en sa présence. » Bossuet   Quelle part de ciel l'oiseau a-t-il porté par gratitude sur la plus haute branche en chantant l'élégie des racines qui se dérobent à sa vue ?   Et toi, mon âme, quelle sève irrigue la louange plus haute que ta voix pour l'élever jusqu'à ton Dieu caché et le rejoindre sans jamais pouvoir l'atteindre ?
PORTER LE POIDS DE L'ABSENCE
CHRISTUS N°263
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Gilles BAUDRY
Dans la vie monastique où tout est centré sur la présence de Dieu, l'épreuve consiste à porter le poids de son absence. Mais la traversée du manque est une grâce purifiante.   « Personne n'a jamais vu Dieu » (Jn 1,18). Quel paradoxe et quel mystère que celui de la foi en un Dieu révélé et caché… dans la société spectacle qui est la nôtre et son besoin exacerbé de tout vouloir voir…   Tu te révèles en te voilant et tu te caches en te manifestant   Immensité intime tu existes si fort et nous si faiblement vivons.1   Le « vere tu es Deus absconditus » (Is 45,15), « Tu es vraiment un Dieu qui te cache », est la vérité centrale de la Révélation pour Pascal. Dieu est l'Autre. S'il se communique dans l'amour, il se révèle comme caché, voilé. Le désert est le lieu aride privilégié de l'expérience monacale. Le Dieu des présences d'absence dont parle douloureusement la béguine flamande, Hadewijch d'Anvers :   C'est en s'éclipsant qu'il se fait découvrir ; S'il se cache, il nous dévoile ses secrets ; C'est en refusant qu'il se livre ; C'est quand il s'en va qu'il nous est proche ; Son silence le plus profond est son chant le...