VRAIS PROPHÈTES ET FAUX PROPHÈTES
CHRISTUS N°249
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Erwan CHAUTY
On trouverait bien des passages bibliques pour encourager à la bienveillance. Nous allons plutôt suivre un autre chemin, peutêtre plus difficile, mais en fin de compte plus riche : en lisant trois récits de l’Ancien Testament où s’affrontent vrais et faux prophètes, nous allons montrer comment ils offrent à leur lecteur une pédagogie expérimentale de la bienveillance. Ces textes jouent, en effet, avec les idées du lecteur pour l’aider à devenir davantage bienveillant. Et par la fragilité qui relie leurs éléments, par le « jeu » qui s’y manifeste, ils construisent pour le lecteur un chemin d’expérience intérieure.
Une certaine manière de raconter
Signalons d’emblée quelques difficultés. Ces prophètes, vrais ou faux, prononcent des paroles qui parfois disent du bien, parfois du mal ; parler alors en accord avec Dieu, est-ce annoncer malheur ou bonheur ? Cela a à voir avec une attitude bienveillante : quelle parole cette attitude nous dicte-t-elle face à celui qui souffre ? Mais paradoxalement, alors que les vrais prophètes annoncent fréquemment le malheur, ce sont souvent les faux prophètes qui annoncent le bonheur !
D’autre part, nous devons mesurer la distance qui nous éloigne du monde biblique. Nos préoccupations psych...
Mots clés :
Amour
Discernement
Vérité
Bienveillance
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LE ROI, LE PROPHÈTE ET LA FEMME
CHRISTUS N°250
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Erwan CHAUTY

L’exégète belge André Wénin s’intéresse à l’analyse narrative des récits liés aux premiers rois d’Israël depuis sa thèse de doctorat publiée en 1988. C’est donc en pleine maturité qu’il nous offre aujourd’hui un recueil reprenant cinq articles précédemment publiés. Il y traite de différents personnages des livres bibliques de Samuel et des Rois : Saül, David, Mikal, Bethsabée, Salomon. Plutôt que de présenter une vue d’ensemble, genre qui court toujours le risque d’être trop général et éloigné des textes, il préfère analyser quelques épisodes significatifs : l’attachement de Saül à son pouvoir royal ; l’accession de David au trône après la mort de Goliath puis sa perte de légitimité avec la mort d’Urie ; le mariage de David et Mikal au prix de deux cents prépuces de Philistins ; les trois épisodes où apparaît la belle Bethsabée depuis son bain sur la terrasse jusqu’à ses combines au moment de la succession ; le jugement de Salomon à propos de l’enfant revendiqué par deux prostituées.
Soulignons la remarquable conclusion de l’ouvrage. Elle commence par rappeler le...
"OÙ DONC ALLER, LOIN DE TON SOUFFLE ?"
CHRISTUS N°263
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Erwan CHAUTY
Derrière une apparente austérité, les psaumes transmettent une expérience spirituelle de Dieu qui a traversé les siècles. Ils prêtent leurs mots à celui qui désespère de la présence de Dieu et lui permettent ainsi de sortir du mutisme devant lui.
À la mémoire de Didier Rimaud, qui traduisit les psaumes.
L'Ancien Testament, s'il présente bien des personnages vivant en présence de Dieu, revêtus de sa bénédiction, proclamant ou écoutant sa Parole, est souvent avare d'introspection psychologique explicite. Le lecteur contemporain, s'il veut reconstruire l'expérience spirituelle de telle ou telle figure célèbre, ne peut éviter de faire jouer son imagination, projetant sur le texte biblique des concepts ou des états intérieurs qui risquent de lui être étrangers. Un livre, pourtant, donne la parole à la quête intérieure du croyant, à ce cheminement si personnel qu'il ne se réduit jamais aux systèmes logiques d'une théologie desséchée : le livre des Psaumes. Page après page, ses cent cinquante poèmes offrent de nombreux témoignages où l'aventurier de la prière se révèle en disant « je ». Dans ce sommet de la poésie biblique, à l'art austèr...
PROPHÈTE QUE VOIS-TU
CHRISTUS N°268
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Erwan CHAUTY

Quelques scènes tirées des livres prophétiques, et présentées ici, illustrent ce qui confère au prophète sa qualité de veilleur : sa capacité à voir et à rendre compte de ce qu'il a vu. Il s'agit pour nous, comme pour les prophètes, d'exercer notre regard et notre parole.
« Veilleur, où en est la nuit ? » Celui qui interpella Isaïe par ces mots en fut pour ses frais et reçut une réponse mystérieuse qui défie les exégètes : « Le matin est venu, comme la nuit1. » L'image nous reste, pourtant : le prophète biblique ne serait-il pas un veilleur ? Certes, Dieu a établi plusieurs prophètes comme « guetteurs »2 ; mais seul Habaquq assume cette métaphore pour lui-même, attendant la parole du Seigneur avec la vigilance d'un soldat dans la nuit :
Je tiendrai bon à mon poste de garde,
Je resterai debout sur les retranchements.
Je guetterai pour voir ce qu'il dira contre moi
Et ce que je répondrai au rappel à l'ordre.
Le Seigneur m'a répondu, il m'a dit :
« Écris une vision3 ! »
Son attente n'est pas paisible : ce qui vient risque d'être douloureux. Mais la métaphore glisse de l'observation militaire à l'écoute, la réponse, l'écriture. L'œil, l'oreille, la main qui tient la plume s'entrelacent ; le texte évoque une vision, qu'il s'agit moins de regarder que d'écrire.
Ces deux versets résument à merveille la mission d'autres prophètes, même s'ils ne s'identifient pas au veilleur : Samuel dans sa jeunesse comme devenu vieux, Élisée regardant le char de feu emportant son maître, Jér...