Emmanuelle MAUPOMÉ

Religieuse auxiliatrice, pédopsychiatre et accompagnatrice spirituelle, ancienne membre du comité de rédaction de Christus (2008-2021).
LE LIEN MATERNEL
CHRISTUS N°229
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Nicole JEAMMET Emmanuelle MAUPOMÉ
Christus : Le rôle de la mère n’est-il pas d’abord engagé dans la chair, alors que celui du père le serait davantage dans la loi, donc dans une certaine séparation d’avec la chair ? Nicole Jeammet : Au départ, la mère doit faire croire à l’enfant que c’est lui qui fait advenir les choses qu’il désire, qui crée le monde – illusion, en quelque sorte, du même que lui. S’il désire le lait, aussitôt le sein arrive dans la bouche. S’il est mouillé, aussitôt la mère le change, etc. C’est, selon Winnicott, la « préoccupation maternelle primaire ». Mais la mère ne sera « suffisamment bonne » que si, ensuite, elle peut « désillusionner » l’enfant. C’est aussi bien le rôle de la mère que du père. Car pour accepter l’altérité, accepter la différence, accepter que je ne crée pas le monde, et qu’à un certain moment c’est exactement le contraire de ce que je désire qui se passe, il faut avoir fait des expériences suffisamment sécures. C’est la sécurité qui permet la confiance. Emmanuelle Maupomé : Il me semble que les deux, père et mère, sont engagés dans un rapport à la chair et à la loi vis...
Mots clés : Amour Chair Discernement Ecoute Enfant Famille Femme Indifférence Jésus-Christ Loi Mère Paternité Pédagogie Psychologie Désir
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S’ORDONNER DANS LA NOURRITURE
CHRISTUS N°238
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Remi (de) MAINDREVILLE Emmanuelle MAUPOMÉ Yves ROULLIÈRE
Règles pour s’ordonner dorénavant dans la nourriture Ces Règles sont les seules proposées dans la troisième semaine des Exercices spirituels (nos 210-217). Nous reproduisons ici la traduction dite « Gueydan » (Desclée de Brouwer, 1985, pp. 129-131). La première règle. Pour le pain, il convient moins de s’en abstenir car ce n’est pas un aliment sur lequel, habituellement, l’appétit est tellement désordonné ou sur lequel la tentation se fasse pressante, comme pour les autres aliments. La deuxième règle. Pour ce qui est de la boisson, l’abstinence paraît plus opportune que pour ce qui est de manger du pain. C’est pourquoi il faut bien regarder ce qui est profitable, pour l’adopter, et ce qui est nuisible, pour le rejeter. La troisième règle. Pour les aliments, il faut pratiquer la plus grande et la plus complète abstinence car, en ce domaine, l’appétit est plus prompt à se désordonner et la tentation plus prompte à chercher une occasion. Ainsi, pour éviter tout désordre, on peut pratiquer l’abstinence sur les aliments de deux manières : l’une en s’habituant à manger des mets ordinaires, l’autre en n’en mangeant, s’ils sont raffinés, qu’en petite quantité. La quatrième r&e...
PÉDOPSYCHIATRE EN BANLIEUE ET EN MONDE RURAL
CHRISTUS N°242
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Emmanuelle MAUPOMÉ
J’exerce comme pédopsychiatre en Île-de-France, dans une cité de banlieue populaire et dans un gros bourg du monde rural. En me rendant dans les dispensaires où je travaille, grosses ruches bourdonnant d’activité, me revient souvent l’image de ces folles journées de Jésus : « On lui apportait tous les malades et les démoniaques, et la ville entière était rassemblée devant la porte » (Mc 1,32-33)... Les enfants, les familles sont partout. Dans la salle d’attente, les bureaux, les escaliers : des tout-petits avec encore la tétine à la bouche, des plus grands qui dessinent avec application sur un coin de table, des adolescents bougons et encapuchonnés, des parents bien sûr, des travailleurs sociaux parfois... Toutes les couleurs, toutes les races, toutes les situations sociales, familiales sont là, même si la gratuité des soins attire beaucoup de familles en situation précaire. Toutes les difficultés des enfants et des familles d’aujourd’hui sont représentées aussi – scolaires, comportementales, sociales –, qui me font prendre le pouls de la société française en ces deux lieux symptomatiques que sont les banlieues et le monde rural isolé. Et puis, toute la gamme des troubles pédopsychiatriques, dont les d...
CAP SUR L'ESPÉRANCE
CHRISTUS N°246
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Emmanuelle MAUPOMÉ
« La foi se ressent, on sait ce que c’est. La charité se pratique, on sait ce que c’est. Mais qu’est-ce que l’espérance ? », s’interrogeait récemment le pape François. Voici une méditation, légère et grave à la fois, qui cherche à serrer au plus près cette dimension si mystérieuse de l’expérience chrétienne. L’auteure commence par recueillir diverses expressions actuelles de l’espérance, quelques-unes de ses formes, très simples, souvent non religieuses, dans un monde qui se veut pourtant désenchanté. Elle revisite ensuite, de manière fort suggestive, quelques figures bibliques qui donnent un visage propre à l’espérance chrétienne et son fondement évangélique : Jésus Christ mort et ressuscité. Elle poursuit en lançant un vibrant appel à revisiter l’espérance chrétienne, à dépoussiérer un langage religieux parfois trop convenu pour trouver des « mots qui parlent aujourd’hui », avant de dessiner les chemins possibles de l’espérance au coeur de ce « grand tourment » qu’est la maladie mentale. Deux qualités majeures sont à porter, selon moi, au crédit de cet ouvrage. La qualité de l’écriture d&rs...
POUR UNE VIE « EN RÉGIME DE RÉSURRECTION »
CHRISTUS N°248
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Emmanuelle MAUPOMÉ
  En guise d’introduction à ce propos, je voudrais évoquer un souvenir : celui d’une soeur de ma communauté qui se remémorait avoir reçu pour élection une ligne spirituelle de grand bon sens, qui tenait en quelques lignes et disait son désir de s’offrir simplement à Jésus, « sans faire d’histoire », pour mener avec Lui une vie « ordinaire », « comme tout le monde ». Cela l’avait un peu humiliée, ou tout au moins inquiétée, à cause de la banalité apparente de ce qui lui était indiqué là. Pourtant, elle avait écrit ces quelques lignes sur un tout petit papier qu’elle avait encore dans son portefeuille à 75 ans. Et, au soir de sa vie religieuse, elle disait : « C’était bête comme chou et, pourtant, c’est bien ça qui a été la ligne de fond de toute ma vie ! Sans même que j’y pense, j’ai toujours été ramenée à ça par mes engagements apostoliques, par la prière, les envois des supérieures, les événements aussi… » Le repérer ainsi, à 75 ans, lui donnait le sentiment d’un accomplissement, d’une confirmation, non seulement de l’élection reçue à ses 18 ans, mais aussi de toute sa...
L'APPLICATION DES SENS
CHRISTUS N°259
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Emmanuelle MAUPOMÉ
Le rapport juste à autrui n'est pas d'abord fondé sur une injonction morale mais sur un « sentir juste » qui est une capacité à participer au sentir même de Dieu. Comment le faire naître et l'éduquer en nous ? Quel lien avec les sens du corps ? L'exercice de l'application des sens proposé par Ignace permet d'entrer dans l'expérience de ce sentir juste.   Qu'est-ce qu'être juste ? Un maître hassidique de la fin du XIXe siècle, rabbi Tsadoq haCohen de Lublin2, raconte que la lumière du premier jour de la Création, celle qui permettait de voir jusqu'aux périphéries du monde, n'a pas complètement disparu puisque Dieu en a placé un éclat au cœur de chacune de ses créatures. C'est cet éclat qu'il contemple en elles, au moment où il les arrache au chaos, et qui les lui fait voir bonnes. Qu'est-ce qu'un juste alors ? C'est celui ou celle qui perçoit, comme Dieu, l'éclat de la lumière en son prochain, quand bien même cet éclat serait caché sous un « monceau de détresse ou de méchanceté ». Merveilleuse histoire : le juste n'est pas d'abord celui qui possède la lumière de Dieu mais celui qui perçoit cette lumière hors de lui-même, à la périphérie de lui-mê...
PRIER AVEC SON COEUR
CHRISTUS N°263
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Emmanuelle MAUPOMÉ
Salvator, 2017, 144 p., 14,90 €.Comme le thème de la fragilité, celui de la joie suscite un grand nombre de publications philosophiques, pastorales ou spirituelles ces dernières années, peut-être parce que notre temps connaît mieux le piège des « passions tristes » dans lesquelles il peut se stériliser et qu'il cherche avec plus ou moins d'inquiétude à trouver ou retrouver le chemin de la joie. « Retrouver la joie », c'est ainsi le sous-titre et la perspective centrale de ce petit livre de Catherine Aubin, religieuse dominicaine, professeure de théologie spirituelle et de théologie sacramentaire à l'université pontificale Saint-Thomas-d'Aquin. L'auteure développe la conviction que la joie n'est pas un événement extérieur au cœur de l'homme mais son essence même puisque « nous sommes faits pour la joie ». Dans un itinéraire qui voudrait aider le lecteur à s'éveiller à la joie, elle explore successivement les « lieux sources » de la joie (l'amitié, le moment présent, l'attention), les obstacles qui peuvent l'obscurcir (la peur et l'oubli), les moyens qui permettent de la cultiver (la confiance, la force, la gratitude, le chant).L'auteure nous partage ici une parole à la fois fondée et...
POUR UNE VIE EN RÉGIME DE RÉSURRECTION
CHRISTUS N°258HS
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Emmanuelle MAUPOMÉ
En guise d'introduction à ce propos, je voudrais évoquer un souvenir : celui d'une sœur de ma communauté qui se remémorait avoir reçu pour élection une ligne spirituelle de grand bon sens, qui tenait en quelques lignes et disait son désir de s'offrir simplement à Jésus, « sans faire d'histoire », pour mener avec lui une vie « ordinaire », « comme tout le monde ». Cela l'avait un peu humiliée, ou tout au moins inquiétée, à cause de la banalité apparente de ce qui lui était indiqué là. Pourtant, elle avait écrit ces quelques lignes sur un tout petit papier qu'elle avait encore dans son portefeuille à 75 ans. Et, au soir de sa vie religieuse, elle disait : « C'était bête comme chou et, pourtant, c'est bien ça qui a été la ligne de fond de toute ma vie ! Sans même que j'y pense, j'ai toujours été ramenée à ça par mes engagements apostoliques, par la prière, les envois des supérieures, les événements aussi… » Le repérer ainsi, à 75 ans, lui donnait le sentiment d'un accomplissement, d'une confirmation, non seulement de l'élection reçue à ses 18 ans, mais aussi de toute sa vie, et surtout de la fid&...
CE QUI SE RÉPÈTE, CE QUE JE RÉPÈTE
CHRISTUS N°273
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Emmanuelle MAUPOMÉ
La répétition dont ce numéro fait l'éloge est malgré tout porteuse d'une ambivalence car elle peut virer à l'obsession et servir une pulsion de mort. Il est donc nécessaire, en ce domaine comme en d'autres, de discerner la répétition féconde de celle qui étouffe la vie. Peut-on faire l'éloge de la répétition ? Bien avant ce numéro de Christus, un philosophe amoureux de la répétition s'y est essayé résolument : le danois Søren Kierkegaard, avec la publication, en 1846 sous le pseudonyme savoureux de Constantin Constantius, d'un essai étonnant intitulé La répétition1. Il y chante, avec des accents parfois lyriques, la beauté de la répétition : elle est pour lui « un habit inusable qui vous tient comme il faut en restant souple, sans vous étouffer, ni vous ballonner […], une épouse adorée qui ne vous lasse jamais, car seule la nouveauté est lassante […], le pain quotidien qui nourrit votre faim à profusion ». Et de poursuivre : « Seul celui qui a choisi la répétition vit vraiment […]. Il va tranquillement son chemin, enchanté de cette répétition. » Mais si Kierkegaard a raison, comment se fait-il que la répétition fasse si peur, qu'elle soit d'emblée associée pour nous à l'expérience grise de la monotonie, à la facilité de la redite, à ces sentiments si peu désirables que sont l'ennui et la lassitude ? Et surtout, de quelle répétition parle Kierkegaard, qui mériterait cet éloge ? Car il semble bien qu'il y a différents visages de la répétition et donc convocation au discerne...