Emmanuel Falque

LE COUPLE DANS LA DURÉE
CHRISTUS N°213
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Emmanuel Falque Michèle Montrelay Jacques Perrier
Christus : Lorsqu’un homme et une femme se sont trouvés, se sont reconnus et ont noué une alliance conjugale, comment la promesse contenue au début de la relation se déploie-t-elle dans la durée ? Qu’est-ce qui attend ceux qui s’engagent dans le pacte conjugal ? Emmanuel Falque : Dans la promesse interviennent d’une part le serment, et d’autre part, l’engagement de la chair. On ne peut s’en tenir au seul serment de la parole. L’engagement de la chair, comme lieu de la promesse, est aussi essentiel. La fidélité est fidélité de la chair et à la chair, et non pas uniquement respect d’un pacte scellé au jour du mariage. Le « oui » dit un jour pourrait bien étrangler, voire étouffer, s’il n’est pas concrétisé dans la chair de toujours. C’est d’ailleurs tout le mérite du sacrement du mariage que d’attendre sa mise en oeuvre charnelle pour lui conférer sa véritable validité. L’union charnelle de l’homme et de la femme dans la vie conjugale reproduit en quelque sorte le « oui » de Dieu avec son peuple, ainsi que le « oui » du Verbe à l’incarnation. Dans tous les cas, il s’agit d’entrer dans une « alliance charnelle », concrétisée dans une histoire et tissée au jo...
Mots clés : Affectivité Amour Chair Communion Famille Mariage Parole d’homme Sacrement Désir
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LE POIDS D'HUMILITÉ
CHRISTUS N°208
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Emmanuel Falque
On parlera ici de « poids d'humilité » comme on se réfère en théologie à la vertu d'humilité, celle qui « subordonne l'homme à Dieu » et qui « réfrène son esprit pour qu'il ne tende pas de façon immodérée aux choses élevées » 1. Il y a là une position spirituelle, qui est plus qu'une simple thèse intellectuelle. Car la subordination volontaire de l'homme à Dieu, ainsi que l'interdit de s'élever par soi-même à la hauteur du divin, ne vont pas de soi, c'est le moins qu'on puisse dire. Aidant le croyant à atteindre cette fin, la tradition distingue ordinairement deux voies, l'une et l'autre tirées du Sermon sur la montagne. La première, plutôt extérieure, fait de l'humiliation le lieu d'un indéfectible témoignage porté à l'amour : « Heureux êtes-vous lorsqu'on vous insulte, que l'on vous persécute, et que l'on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi (...), car votre récompense sera grande dans les deux » (Mt 5,11-12). La seconde, plus intérieure, consacre l'humilité comme un mode d'être de l'homme, voire un choix personnel du disciple comme tel : « Heureux les pauvres de coeur [traditionnellement interprétés comme les humbles], car le Royaume de...
Mots clés : Chair Humanisme Humilité Incarnation Saints Vérité
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L'AGONIE DU CHRIST
CHRISTUS N°184
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Emmanuel Falque
Nous sommes faits de mort, rappelle trivialement mais justement le poète Fernando Pessoa... L'acte même de vivre équivaut à mourir, puisque nous ne vivons pas un jour de plus dans notre vie sans qu'il devienne, de ce fait même, un jour de moins » 1. Cette évidence si ordinaire d'une vie qui chaque jour avance davantage vers la mort, le croyant, pourtant, le plus souvent l'occulte, ou à tout le moins l'oublie, à force de voir « l'office du vendredi saint dans la lumière de Pâques » ou l'affirmation du non-sens à l'orée de la position du sens 2. C'est que la mort du Christ par rédemption pour nos péchés efface parfois la banalité ordinaire de sa mort par communion à notre pure et simple corruptibilité. Mort « pour notre salut », le Fils de Dieu ne l'est pas moins « pour nous les hommes », c'est-à-dire par simple partage de notre humanité charnelle. La mort du Christ envisagée dans la perspective de la rédemption (Rm 5) peut également l'être dans l'horizon de son incarnation comme « prise en chair » de notre propre chair et de ses conséquences les plus ordinaires : sa chair aussi aurait « connu la décomposition », proclame Pierre à la Pentecôte, « s'il avait été abandonné au séjour des mor...
QUI MANGE MA CHAIR ET BOIT MON SANG
CHRISTUS N°238
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Emmanuel Falque
Rien n’engage un homme autant que l’eucharistie. François Mauriac    «Est-il loisible de manger la chair ? » Cette question de Plutarque dans ses Œuvres morales au Ier siècle après Jésus-Christ doit nous mettre d’emblée en garde. En plein contexte d’essor de la pratique eucharistique, et alors même que les nouveaux disciples s’autorisent à manger de toutes les viandes, on se demande jusqu’où ils iront dans le franchissement des interdits. Le scandale du « Ceci est mon corps » n’a pas fini de faire parler de lui, et toutes les justifications pour en réduire l’offense aujourd’hui comme hier ne suffiront pas à faire taire l’embarras, pour ne pas dire l’indignation, qu’il cause. Les juifs eux-mêmes ne s’y sont pas trompés « qui se mirent à discuter violemment entre eux : “Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ?” » (Jn 6,52). La proposition a du mal à passer, c’est le moins que l’on puisse dire. Et une parole du Christ dans l’évangile de Jean nous le confirme : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui […]. Celui qui me mange [littéralement : « me mâche » (trôgon)] vivra par moi » (6,56-57). Et comme s’i...