Journaliste au quotidien La Croix, membre du comité de rédaction de Christus.
A publié Les Lumières de la religion (avec Jean-Marc Ferry, Bayard, 2008).
REFAIRE SA VIE
CHRISTUS N°236
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Elodie MAUROT
La vie a toujours été une succession d’événements, mais jamais le changement n’a autant dominé nos existences. Nous aimons prendre nos vies en main, les imaginer, les forger, les reprendre comme l’artisan peaufine l’objet sur lequel il travaille pour lui donner la forme souhaitée. Plus que l’artisan, encore guidé par la reproduction d’un modèle à imiter, nous voici même dans le rôle de l’artiste, inventant la forme qui s’incarne sous ses yeux, se laissant guider par son inspiration. Nos vies sont devenues l’expression de nos individualités.
Dans Les Sources du moi, le philosophe canadien Charles Taylor a bien identifié l’« expressivisme » comme l’une des pierres angulaires de la culture moderne et l’une des sources de la subjectivité moderne : « L’expressivisme fournit la base d’une individuation nouvelle et plus pleine. C’est l’idée qui se développe à la fin du XVIIIe siècle que chaque individu est différent et original et que cette originalité détermine la façon dont il doit vivre. […] Les différences ne sont pas seulement des variations accessoires à l’intérieur d’une même nature humaine fondamentale […]. Elles impliquent plutôt l’id&ea...
Mots clés :
Action
Affectivité
Amitié
Amour
Courage
Culpabilité
Ecoute
Epreuve
Famille
Sentiments
Confiance
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LES PROMESSES DU DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
CHRISTUS N°245
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Elodie MAUROT
Un signe ne trompe pas pour mesurer le succès du développement personnel. Dans les secteurs de l’édition et de la librairie, bousculés par la crise de la lecture et la crise économique, un rayon échappe à la morosité : le développement personnel. Alors que les ventes en sciences humaines et en philosophie se sont effondrées ces vingt dernières années, les étagères traitant du développement personnel se sont étoffées, drainant un public de plus en plus nombreux et varié. S’y côtoient nombre de best-sellers, comme les ouvrages de Guy Corneau, Laurent Gounelle ou Thomas d’Ansembourg, dont le livre Cessez d’être gentil, soyez vrai s’est vendu à plus de… 500 000 exemplaires !
L’objet de cet article sera d’essayer de présenter cette galaxie aux planètes multiples et aux influences diverses. Peut-on distinguer de grands courants, des « manières de faire » et une pédagogie propre au développement personnel ? Quelle vision de l’homme véhicule-t-il ? Notons pour commencer que l’expression « développement personnel » n’est pas une « appellation d’origine contrôlée ». Pas de fondateur, ni d’instances, ni d&rsquo...
Mots clés :
Psychologie
Confiance
développement personnel
Bien-être
Réussite personnelle
Connaissance de soi
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UN DÉCENTREMENT VITAL POUR L'EGLISE
CHRISTUS N°259
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Elodie MAUROT
Dans La joie de l'Évangile, le pape François invite l'Église à quitter sa position centrale si longtemps occupée et à « aller aux périphéries ». Il a ainsi mis en lumière un style missionnaire nouveau encourageant les croyants à s'ouvrir, à se déployer vers l'extérieur et à se mettre à l'écoute du lointain.
Que l'Église de France, et plus généralement l'Église d'Occident, soit en train de vivre une mue, le diagnostic sociologique en a été maintes fois posé. Depuis l'entrée dans la modernité, et de manière accentuée avec la seconde sécularisation commencée dans les années 1970, cette mue ne cesse de dépouiller l'Église, avec une insistance frappante et comme inexorable, de toute position de puissance, qui est toujours une position de centralité. Perte du pouvoir politique, de l'influence culturelle, d'une maîtrise des mœurs : la liste est longue et encore non close des renoncements auxquels l'institution doit faire face.
Délogée de sa position centrale, la fragile barque ecclésiale s'avance désormais vers une terre inconnue. Tel Abram quittant un espace familier, elle ignore encore jusqu'à quel point ce mouvement la transformera et quel visage sera le sien dans une hypermodernit...
NOTRE DÉSIR DE DOUCEUR EST IMMENSE
CHRISTUS N°275
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Elodie MAUROT

Nos rapports avec la douceur sont ambivalents. Désirable, celle-ci réveille pourtant notre vulnérabilité. Si le Christ proclame « Heureux les doux », c'est peut-être parce qu'il faut toujours nous en convaincre.
Dire qu'on n'aime pas la douceur paraîtrait incongru. Qui lui préférerait spontanément ses opposés, la brutalité et la brusquerie, la dureté et la raideur, l'amertume et l'acidité, dont la simple évocation provoque le frisson et éveille l'inquiétude ? Nous aspirons, comme naturellement, à la douceur qui accompagne notre idée du bonheur et jusqu'à nos représentations du paradis, images de suavité, de fécondité, de beauté. Mais nous vivons dans l'orbe de la terre, sur sa croûte de glaise et de pierre : à notre altitude, le destin de la douceur paraît bien plus ambivalent.
États de douceur
Premier indice troublant : si elle aimante nos rêves et nos imaginaires, la douceur n'apparaît pas fréquemment dans nos conversations. Il y a bien les chevaux, et plus généralement les animaux impétueux, auxquels on répète « Tout doux, tout doux ! » pour dompter leurs élans. Il y a aussi les petits d'homme auxquels on conseille d'aller « plus doucement » quand ils engagent avec hésitation leurs premiers pas ou lorsque, apprentis lecteurs, ils se laissent emporter par la pente des phrases, faisant s'ébouler les mots comme autant de petits cailloux sur un chemin de montagne. L'invitation à la douceur se veut alors réponse à un trop-plein d'énergie, à une excitation excessive. Elle es...