Ancien professeur au Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris.
A publié Le discernement des esprits selon Ignace de Loyola (Lessius, 2021).
20 ANS DE CORRESPONDANCE (1890-1910)
CHRISTUS N°228
-
Dominique SALIN

Éd. B. Cuisinier et J.-F. Six. Nouvelle Cité, coll. « Spiritualités », 2010, 440 p., 23 euros. Publiée pour la première fois en 1957 et depuis longtemps épuisée, la correspondance entre Foucauld et le vicaire de Saint-Augustin, qui fut son père spirituel depuis sa conversion jusqu’à son installation parmi les Touaregs, est heureusement rééditée. Elle est enrichie et renouvelée par une copieuse introduction et un texte conjonctif qui éclaire chacune des lettres. Cette correspondance, en dépit de ses lacunes, demeure indispensable pour saisir sur le vif la personnalité de Charles et les impressionnants méandres par lesquels est passée la découverte progressive de sa vraie vocation, de la Trappe Notre-Dames-des-Neiges en Ardèche jusqu’à Tamanrasset. On ne sait ce qu’il faut admirer le plus : l’humble entêtement de frère Charles à essayer de faire prévaloir ce qu’il pense être en lui les appels successifs de l’Esprit, dans une parfaite loyauté et une docilité de fond à l’égard de ses supérieurs, ou l’inusable patience de son père spirituel, souvent déconcerté par des revirements inattendus et des illuminations parfois loufoques. Huvelin avait d’abord imaginé que Charles...
INIGO
CHRISTUS N°229
-
Dominique SALIN

Gallimard, 2010, 160 p., 12,50 euros. Un ouvrage d’imagination, en principe, n’a pas sa place dans la revue Christus, appartînt-il à la prestigieuse collection blanche de la NRF. Quand un écrivain s’empare de la figure d’un saint, on se méfie un peu. Pour beaucoup, « la littérature n’est guère compatible avec la sainteté », écrit justement François Sureau. Or son « portrait » d’Ignace de Loyola est la démonstration, rare, du contraire. Il s’agit bien d’une oeuvre d’imagination, due à un écrivain de classe. Mais une imagination très contrôlée, à la manière d’Ignace lorsqu’il explique à celui qui fait les Exercices spirituels en quoi consiste « la composition de lieu » : « voir par le regard de l’imagination le lieu matériel où se trouve ce que je veux contempler ». François Sureau a voulu « contempler » Ignace, laisser son image prendre corps peu à peu en lui. Il le suit du rempart de la citadelle de Pampelune, où il s’apprête à vendre cher sa vie, jusqu’au départ de Manrèse, un an et demi plus tard, au seuil de la vita nuova à laquelle il vient de s’éveiller. C’est à cet éveil que nous assistons. Un é...
LES JARDINS OUBLIÉS DE L’OBÉISSANCE
CHRISTUS N°227
-
Dominique SALIN

Bayard, collection « Christus – Spiritualité et politique », 2010, 144 p., 15 euros.
Dans la collection « Spiritualité et politique », le titre et le sujet intriguent. Que vient faire un rappel à l’obéissance dans notre société affranchie ? Réduire l’humanité à un jardin d’enfants dociles et sans pensée : le vieux rêve du Grand Inquisiteur dans la légende de Dostoïevski, celui des totalitarismes qui ont illustré le XXe siècle, ne pointerait-il pas sournoisement à l’horizon de ce livre ?
Dès les premières pages, on se rassure : non, l’auteur, philosophe de profession et ancien rédacteur en chef adjoint de la revue Études, n’invite pas au décervelage, au contraire. L’obéissance dont il est ici question constitue le meilleur antidote aux conformismes et aux naïvetés, à commencer par celle de croire que la liberté va de soi. La liberté s’apprend, en effet, et c’est paradoxalement par l’obéissance qu’elle s’apprend. Classique, mais menée d’une plume alerte par une mère de famille qui sait de quoi elle parle, l’analyse suit le petit d’homme dans son chemin vers l’autonomie, jusqu’à ce qu’il puisse devenir à son tou...
CHARLES DE FOUCAULD AUTREMENT
CHRISTUS N°226
-
Dominique SALIN

Desclée de Brouwer, 2008, 450 p., 27 euros. Après tant d’études historiques sur Charles de Foucauld, à commencer par ses propres ouvrages, Jean-François Six propose ici une approche d’un genre différent : un impressionnant portrait du « frère universel », plus précisément une analyse, sans concession au souci d’édification, de son évolution psychologique. Évolution captivante : comment cet homme a-t-il réussi à ne pas sombrer dans la mélancolie qui faisait le fond de sa personnalité ? Comment l’enfant cerné par la mort (démence et mort du père, mort de la mère, suivie de celle de la grand-mère), puis l’adulte instable, épris de radicalité louche et travaillé par une sourde inquiétude, est-il devenu un rayonnant témoin de l’humanité évangélique au milieu des populations du Hoggar ? Quelles capacités de « résilience » n’a-t-il pas dû mettre en œuvre pour que lui soient données, à la fin, la paix et la joie qui l’habitaient si manifestement, et dont témoigne son dernier portrait ?L’auteur suit pas à pas l’adolescent, puis le jeune homme, dans la construction de son blindage contre le malheur, ou plutôt dans le façonnage de...
JOURNAL (1973-1983)
CHRISTUS N°226
-
Dominique SALIN
Préf. et éd. N. Struve.
Av.-pr. S. Schmemann.
Trad. A. Davidenkoff, A. Kichilov et R. Marichal.
Éditions des Syrtes, 2009, 923 p., 39 euros.
« Hier, dans le train venant de Wilmington, Delaware, je me disais : me voici dans la cinquante-deuxième année, j’ai derrière moi plus d’un quart de siècle de sacerdoce et de théologie – mais qu’est-ce que cela signifie ? » Les premières lignes du Journal d’Alexandre Schmemann (1921-1983), ces huit cahiers que ses proches ont découverts après sa mort, donnent le ton. Ce journal a été tenu pendant la dernière décennie de la vie d’un des grands théologiens orthodoxes de la seconde moitié du XXe siècle, renommé internationalement pour ses travaux sur la liturgie, un des piliers de l’Église orthodoxe d’Amérique du Nord.
Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, il s’agit d’un véritable journal, sur le modèle de celui de Paul Léautaud qui est comme un alter ego, car cet incroyant est lui aussi hors de toute « langue de Canaan ». Alexandre Schmemann y consigne sa vie dans le monde, à travers ses charges de professeur, de directeur de séminaire, d’homme d’Église, mais aussi de père d’une famille nomb...
HISTOIRE DE MON BONHEUR MALHEUREUX
CHRISTUS N°225
-
Dominique SALIN

Éd. et intro. B. Forthomme. Trad. Clarisses d’Assise. Éditions franciscaines, coll. « Profils franciscains », 2009, 180 p., 16 euros.
Rédigé l’année même où naquit Ignace de Loyola, ce récit des « choses de sa vie spirituelle » par la bienheureuse Camilla-Baptiste, moniale franciscaine du courant réformé, alors âgée de 33 ans, est un précieux jalon dans l’histoire de la spiritualité et de « l’écriture de soi ». Traditionnellement publié sous le titre Vie spirituelle, cet écrit s’apparente plus aux Relations de Marie de l’Incarnation qu’à la Vida de Thèrèse d’Avila. Une expérience spirituelle s’y raconte, que l’éditeur, Bernard Forthomme, s’autorise à résumer par une formule de Camilla elle-même : un « bonheur malheureux ».
L’oxymore, typique du langage mystique, n’est pas ici au service d’une exaltation maladive de la souffrance, mais il signale, une fois de plus, ce constat paradoxal : pour qui a été séduit par le Christ, douleur et larmes peuvent être source de joie et d’une force de vie incroyable.
« Une petite larme, rien qu’une petite larme pour la Passion du Seigneur », mendiait un prédica...
LA TENTATION DU DÉCOURAGEMENT
CHRISTUS N°224
-
Dominique SALIN
«Le démon de mon coeur s’appelle : À quoi bon ? » Sous la plume de Bernanos, au moment où il entame Les Grands cimetières sous la lune, terrible réquisitoire contre la répression franquiste et l’agenouillement de l’épiscopat espagnol, l’aveu surprend. Tenté par le découragement, lui, l’indomptable, qui aura mené tant de combats contre la bêtise et la veulerie humaines ? Les familiers de son oeuvre savent jusqu’où a pu aller, chez lui, la tentation de rendre les armes devant les difficultés du métier d’écrivain et d’abord du métier d’homme.
Son exemple – sa foi – nous encourage. Sans avoir, peut-être, frôlé les mêmes abîmes que lui, nous connaissons trop bien l’affreuse tristesse qui peut nous étreindre au spectacle de nos défaites. Grands ou petits combats, nos luttes contre nous-mêmes ou contre l’entêtement de la réalité peuvent se conclure par un : « Je n’y arriverai jamais ! », ou : « Ce n’est même pas la peine d’essayer », ou : « Après tout, qu’ils se débrouillent sans moi ! », qui, à la longue, enfoncent dans le désespoir.
Bernanos aurait beaucoup à nous apprendre. Mais ce n’est pas &...
Mots clés :
Courage
Démon
Désolation
Dieu
Epreuve
Exercices spirituels
Expérience spirituelle
Foi
Miséricorde
Tentation
Lire la suite
SAINT FRANÇOIS DE SALES
CHRISTUS N°222
-
Dominique SALIN

Saint François de Sales, c’est bien connu, ne s’est occupé que d’introduire à la « dévotion ». Il était trop naturellement bon et équilibré, trop « humaniste » pour s’intéresser aux vertiges de la vie mystique… Hélène Michon fournit aujourd’hui la preuve du contraire. Elle est la première à s’attaquer résolument au Traité de l’amour de Dieu, référence universelle des grammairiens de la vie spirituelle, mais jamais sérieusement étudié, et pour cause : la bonhomie du style, le chatoiement des images et des historiettes dissimulent une pensée difficile, celle de l’amour même.
Sous couleur de raconter une « histoire », celle de l’amour divin, François de Sales tente, en réalité, de dresser une authentique somme de « théologie mystique », comme l’avaient fait par exemple Bernard, Bonaventure, Jean de la Croix (que François n’a pas pu connaître). Comment l’amour de Dieu vient-il aux hommes ? Comment et jusqu’où peuvent-ils en vivre ?
« Nouvelle » est en effet la mystique dont François se fait le chantre. Sa synthèse s’efforce de concilier les traditions dont il hérite avec le souci d’élucidation « psy...
FRANÇOIS VARILLON
CHRISTUS N°222
-
Dominique SALIN

Desclée de Brouwer, 2007, 224 p., 17 euros.
Parcourir la vie du P. Varillon (1905-1978) à la suite d’un maître historien, c’est revisiter un siècle de catholicisme français, de la séparation de l’Église et de l’État au concile Vatican II et à ses suites. Pour les plus anciens d’entre nous, c’est relire leur propre vie.
Témoin de son temps et intervenant vigoureux dans les débats qui agitèrent les consciences, formateur de consciences surtout, François Varillon le fut jusqu’au bout. Les lecteurs, toujours plus nombreux, de ses ouvrages catéchétiques et théologiques, ainsi que de ses recueils de méditations, pourraient oublier aujourd’hui que ce jésuite fut d’abord un homme de la parole, un prince de la parole.
Professeur de lycée, aumônier d’étudiants (notamment au siège parisien de l’ACJF), conférencier itinérant commentant l’actualité littéraire ou présentant « l’essentiel de l’essentiel » de la foi chrétienne au public cultivé comme aux lycéens, prédicateur des beaux quartiers comme des banlieues ouvrières, fondateur d’un réseau de groupes de spiritualité pour foyers chrétiens, prédicateur de retraites, cet homme à...
PRENDRE PART À L’INTRANSMISSIBLE
CHRISTUS N°221
-
Dominique SALIN

Jérôme Millon, 2008, 427 pages, 30 euros.
L’admirable édition de la Correspondance de Surin (1600-1665) fournie chez Desclée de Brouwer en 1966 par Michel de Certeau permet à Patrick Goujon, jésuite, professeur au Centre Sèvres, de se livrer à une bien intéressante étude de cette correspondance. Ces lettres ont été rédigées, pour la plupart, après la traversée de la terrible nuit mentale et spirituelle où le célèbre jésuite, exorciste de Loudun, avait sombré une quinzaine d’années durant. Parallèlement aux traités de spiritualité qu’il compose alors, Surin développe dans ces lettres, le plus souvent des lettres de « direction spirituelle », une doctrine d’une fermeté et d’une sagesse étonnantes, où les seuls traits de folie repérables sont ceux de ce que saint Paul appelle la « folie de la croix ». L’historien Henri Bremond n’avait sans doute pas tort de le considérer comme « le plus grand des mystiques de la Compagnie [de Jésus] en France ».
Mais ce n’est pas tant la doctrine qui intéresse P. Goujon que l’enjeu de l’entreprise de Surin. Comment, en effet, « transmettre » à d’autres, induire chez eux, « l’e...
ÉCRITS MYSTIQUES
CHRISTUS N°220
-
Dominique SALIN

Introd. I. Marcil. Éditions du Carmel, coll. « Vie intérieure », 2007,160 p.,18 euros.
Cette anthologie constitue une excellente introduction au Livre des révélations, l’un des plus importants écrits, et des plus abordables, de la mystique chrétienne. Dans la riche littérature spirituelle du XIVe siècle anglais (R. Rolle, M. Kempe, Le nuage d’inconnaissance), la voix de Julienne est singulière : la sobriété de ses « visions » et de ses « révélations » exclut le sensationnel qui s’attache d’ordinaire à ces vocables. S’y révèle plutôt un sens du mystère de Dieu et de celui du salut étonnamment sûr en même temps que hardi.
Cette recluse, qui dit ignorer le latin, déploie une véritable catéchèse existentielle, reposant sur son expérience de foi, sans doute éclairée par les théologiens qui la fréquentaient, et sans doute aussi éclairante pour eux. Les énigmes qui tourmentent la conscience chrétienne (le mystère du mal, l’éventualité de la damnation) sont affrontées avec intrépidité parce qu’elles sont toujours situées dans l’amour qu’est Dieu, manifesté en Jés...
DU SPIRITUEL EN POLITIQUE & FAUT-IL LÂCHER PRISE ?
CHRISTUS N°219
-
Dominique SALIN

Du spirituel en politique,Bayard, coll. « Spiritualité et politique », 2008, 123 p., 13,50 euros.
Faut-il lâcher prise ?Mêmes éditeur, collection et année, 100 p., 13 euros.
Après les années du « tout politique », le temps semble venu, dans l’Église comme dans la société, du « spirituel d’abord ». Dans les librairies, le succès des rayons « Spiritualité », « Développement personnel », « Religions/ Ésotérisme », « Psychologie » ne se dément pas. Les âmes réclament leur « supplément ». Or, comme toutes les consignes et toutes les modes, l’injonction du « tout spirituel » risque d’engendrer d’amères déceptions.
C’est pour les prévenir que la collection « Christus » inaugure le champ : « Spiritualité et politique ». Les deux premiers ouvrages rassureront les esprits : on ne revient pas quarante ans en arrière, à la décennie des printemps dont les fruits n’ont pas toujours tenu la promesse des fleurs. La prière et la vie spirituelle dont on traite sont en prise sur leur époque : ses désenchantements, ses nouveaux mirages et ses vraies questions. Petits ouvrages, faciles à lire (loi du genre choisi p...
PASSAGE DES VIVANTS
CHRISTUS N°219
-
Dominique SALIN

Préf. et éd. F. Delay.
Cerf, coll. « Parole présente »,2007, 206 p., 20 euros.
Grande figure du clergé parisien, Mgr Pezeril fut l’interlocuteur privilégié de nombre d’écrivains, notamment Bernanos, qu’il assista pendant ses dernières semaines à l’hôpital ; José Bergamín, l’Espagnol indomptable, dont Bernanos et Malraux furent les compagnons de route ; Albert Béguin, qui prit la relève de Mounier à la revue Esprit. Leur disparition fut l’occasion d’allocutions et de textes en forme de bilan et de témoignage. Certains avaient été publiés dans Études ou Esprit. Florence Delay a eu la bonne idée de les regrouper. Elle les fait précéder de deux conférences : « L’homme et sa mort » et « La mort dans la pensée de quelques contemporains ». Elle a ajouté enfin, sous le titre : « Les Prairies intérieures », des pages des carnets personnels de Mgr Pezeril, florilège de ses lectures et de ses pensées.
L’intérêt de ce livre ne tient pas seulement à la qualité des figures évoquées, au jour, admiratif mais sans complaisance, qu’il jette sur leur personnalité, ni à la résurrection d’une époque qui mit tan...
L’EXERCICE DU MOMENT PRÉSENT
CHRISTUS N°217
-
Dominique SALIN

Prés. J.-M. Gueulette. Arfuyen, coll. « Carnets spirituels », 2006, 118 p., 13 euros.
Parallèlement à son activité politique, le capucin Joseph du Tremblay (1677-1638), « éminence grise » de Richelieu, participa activement à l’effervescence mystique de son temps. Il composa nombre de traités spirituels, destinés notamment à ses confrères et aux Bénédictines du Calvaire qu’il avait fondées. C’est à ces dernières qu’il proposait l’« Exercice du moment présent », auquel l’éditeur ajoute un « Exercice de l’union essentielle ».
Il s’agit de pratiques spirituelles qui ne sont pas à la portée du tout-venant, mais d’âmes contemplatives ayant déjà sérieusement désherbé leur jardin intérieur. La pratique consiste à se tourner vers Dieu pour s’unir à lui, de manière brève mais intense, comme si le moment présent, ce moment sans épaisseur et qui sans cesse échappe, devait être le dernier. La brièveté de la formule (un « clin d’oeil », écrit Joseph en écho à l’Augenblick des mystiques rhénans, qui signifie aussi « instant ») reprend la pratique des « oraisons ja...
LE COMBAT SPIRITUEL SELON LOUIS LALLEMANT S.J.
CHRISTUS N°215
-
Dominique SALIN
Publiée à la fin du XVIIe siècle, la Doctrine spirituelle du P. Louis Lallemant, « monument de marbre, chef-d’oeuvre serein » (Michel de Certeau), domine la tradition spirituelle jésuite. Elle a été, et demeure, le grand classique de la spiritualité ignatienne, référence des jésuites pendant leur Troisième An de noviciat 1. Henri Bremond a consacré un volume entier de son Histoire littéraire du sentiment religieux au P. Lallemant et à son « école » 2. Depuis le renouveau des études sur les textes fondateurs des jésuites, la Doctrine témoigne surtout de la manière dont un grand spirituel formulait, sous Louis XIII, l’expérience mystique ignatienne. Au siècle de Corneille, de Port-Royal et de La Rochefoucauld, le « moralisme mystique » de Lallemant présente la vie spirituelle dans les termes et les schèmes de son époque, imprégnée d’augustinisme.
L’ombre portée de saint Augustin, qu’avait invoqué Luther, s’étend sur tout le XVIIe siècle. « Notre coeur est sans repos, avait écrit Augustin, tant qu’il ne repose en toi. » L’analyse du « coeur », la traque acharnée de l’« amour propre » 3 identifié à la « concupisc...
Mots clés :
Affectivité
Combat spirituel
Compagnie de Jésus
Cœur de Jésus
Doctrine
Expérience spirituelle
Images
Mystique
Paix
Psychologie
Sainteté
Lire la suite
JACQUES BERTOT, DIRECTEUR MYSTIQUE
CHRISTUS N°215
-
Dominique SALIN

Éd. D. Tronc. Éditions du Carmel, coll. « Sources mystiques », 2005, 576 p., 47 euros.
Sous le titre Le Directeur mistique fut publié en 1726, par un groupe de disciples de Madame Guyon et de son éditeur, le pasteur Poiret, un ensemble de traités et de correspondances qui étaient attribués pour l’essentiel à l’abbé Jacques Bertot, directeur de Jeanne Guyon dans sa jeunesse puis des bénédictines de Montmartre. Poiret n’avait pas eu le temps, ou l’intention, de publier ces textes d’origines diverses, datant de la deuxième moitié du XVIIe siècle et typiques du courant mystique illustré par Bernières, dont Bertot avait été proche, puis Malaval et Madame Guyon. Après la condamnation de Fénelon, en 1699, la littérature guyonnienne interdite avait émigré dans le méthodisme et le piétisme. Le Directeur mistique, paru aux Pays-Bas, n’avait guère été répandu en France (où ne resteraient que deux exemplaires).
Ces textes, où se font sentir les influences rhéno-flamande et carmélitaine, sont représentatifs d’une spiritualité qui continuait à se diffuser chez nous dans la confidentialité de la direction de conscience et de la circulation de manuscrits (le Pseudo-Caussade, pa...
YVES DE MONTCHEUIL, MAÎTRE SPIRITUEL
CHRISTUS N°213
-
Dominique SALIN
Théologien jésuite fusillé avec les maquisards du Vercors, Yves de Montcheuil (1900-1944) n’a pas eu le temps de marquer son époque. Son oeuvre était à peine entamée. Mais ces prémices annonçaient ce que d’autres, surgis en même temps que lui et marchant à son pas, ont pu mener à bien : une nouvelle manière de penser la foi et l’expérience chrétienne.
Un précurseur de Vatican II
Henri de Lubac surtout, mais aussi Yves Congar, Hans Urs von Balthasar, Jean Daniélou, Gaston Fessard ont reconnu en Montcheuil un frère en inspiration, trop tôt disparu. Leur théologie, en réalité, n’était pas aussi « nouvelle » que se plaisaient à dire leurs détracteurs, tenants d’une doctrine plutôt intemporelle et, en fait, relativement récente. Ces pionniers avaient redécouvert la grande tradition, un peu oubliée, des Pères de l’Église. Mais ils prenaient aussi au sérieux la dimension historique de la condition humaine, de l’expérience de la foi et de ses formulations, ainsi que de la vie de l’Église. Leur hardiesse parut d’abord suspecte. Autour de 1950, ils connurent des formes, franches ou insidieuses, de condamnation. Mais le concile de Vatican II entérina nombre de leurs vues....
Mots clés :
Compagnie de Jésus
Ecoute
Eglise
Théologie
Lire la suite
ÉCRITS SUR LA VIE INTÉRIEURE & ENTRETIENS FAMILIERS AVEC DIEU
CHRISTUS N°212
-
Dominique SALIN
Écrits sur la vie intérieure, Prés. D et M. Tronc.
Arfuyen, coll. « L es carnets spirituels », 2005, 200 p., 18,50 euros.
Entretiens familiers avec Dieu, Prés. S. Eck. Trad. G. Pfister.
Arfuyen, coll. « L es carnets spirituels », 2005, 130 p., 14 euros.
Les courts textes de Jeanne Guyon, fort bien choisis, illustrent cette spiritualité du « pur amour » dont Fénelon s’était fait le théologien et qui a continué de nourrir la vie spirituelle des chrétiens fervents dans la suite des temps, mais souterrainement, dans les correspondances particulières et la confidentialité de la direction de conscience. L’Abandon à la Providence divine, longtemps attribué à Jean-Pierre de Caussade (Desclée de Brouwer, coll. « Christus », 2005), en est une autre illustration.
Pur amour : il s’agit d’aimer Dieu radicalement, non pour les dons qu’il nous fait, fût-ce les plus spirituels, mais jusque dans l’obscurité de la foi la plus nue, lorsque tout semble se liguer pour contrarier les projets de sanctification qu’on avait pu se forger. Le « repos » (« quiétude ») dont jouit alors l’âme libérée de son instinct « propriétaire », n’a rien d’une léthargie apathique. Il est pure r&ea...
LES EXAMENS PARTICULIERS DE M. TRONSON
CHRISTUS N°211
-
Dominique SALIN
Prés. et éd. R. Heyer.
Presses Universitaires de Strasbourg, 2005, 240 p., 18 euros.
Il s’agit de la publication posthume d’une étude consacrée, en 1971, à Monsieur Tronson, figure tutélaire de Saint- Sulpice et donc, dans une large mesure, de la spiritualité sacerdotale en France et au-delà.
Pendant plus de deux siècles, dans tous les séminaires sulpiciens du monde, on se réunissait à la chapelle avant le repas de midi pour écouter le supérieur lire l’un des deux cents « examens » publiés par M. Tronson en 1690.
La lecture ménageait des pauses destinées à permettre à chacun de s’interroger sur la manière dont il avait, ou non, combattu le défaut ou cultivé la vertu qui étaient à l’ordre du jour. La minutie des interrogatoires, gage du succès de la formule, fournit une ample moisson à qui veut se renseigner sur l’état des moeurs ecclésiastiques à la fin du Grand Siècle. Elle permet aussi de dessiner, au-delà des traits du « bon prêtre » de l’âge classique, et comme le suggère le sous-titre de l’ouvrage de Goichot, la figure du prêtre « classique », tel qu’on le rencontrait fréquemment encore au lendemain de la deuxième guer...
LAISSEZ-VOUS GUIDER PAR L’ESPRIT
CHRISTUS N°211
-
Dominique SALIN
Bayard, 2005, 170 p., 18,50 euros.
Théologien et maître spirituel reconnu, initiateur infatigable à l’art de vivre la condition chrétienne dans le monde de ce temps, Michel Rondet livre ici, sous un titre et un format modestes, ses convictions les plus profondes en matière de vie spirituelle. Délaissant la lourdeur des exposés systématiques, il propose, en une série de très brefs chapitres, rédigés dans une langue limpide, les grands repères d’une spiritualité qui se veut évangélique. C’est à l’Évangile, en effet, qu’il réfère les jalons et les étapes de l’expérience spirituelle chrétienne, en deçà des spiritualités particulières, telle la spiritualité ignatienne. Si, selon l’Écriture, l’Esprit a été répandu sur toute chair, c’est dans la personne et le message de Jésus que se révèle et s’accomplit la plénitude d’humanité à laquelle aspirent les hommes, individuellement et collectivement. S’ouvrir au don de l’Esprit, consentir à la « nouvelle naissance » proposée par le Christ, c’est entrer dans une aventure qui ne peut décevoir. Le P. Rondet en décrit le parcours, les combats, les souti...
SAISIS PAR DIEU
CHRISTUS N°209
-
Dominique SALIN
Bavard, coll. « Christus », 2005, 192 p., 20,80 €.
Voici un « petit » livre qui donne le goût de Dieu et de l'Ecriture, et qui invite à réfléchir sur sa vie. Il n'appelle pas, de loin et de haut, à de sublimes contemplations Chacun des courts chapitres, au contraire, s'enracine dans le terreau du quotidien, celui des chrétiens et chrétiennes « ordinaires », des « trotte-menu de la grâce », avec leur lot de questions, de souffrances et d'espoirs.
A partir d'une réalité toute humaine d'abord (la rumeur, le sentiment de stérilité, la visite, la fraternité, la fidélité, l'amitié, la parole) ou d'une situation proprement chrétienne (la « suite du Christ », la vocation religieuse, la catéchèse, la prière), l'auteur excelle à faire ressortir les enjeux spirituels profonds de la quête qui s'y manifeste. Pas de prêchi-prêcha, pas de lieux communs psycho-sociologiques, mais la lumière de l'Ecriture, tout simplement Là est l'originalité de son point de vue C'est à l'Ecriture qu'elle demande d'éclairer des situations, de suggérer des attitudes et des comportements libérateurs.
Savante théologienne mais aussi femme de terrain, praticienne de la catéchèse, l'auteur sait faire parler les...
LA CROIX DE JÉSUS
CHRISTUS N°209
-
Dominique SALIN
Préf. Q.-M. Carbone.
Introd. F. Florand,
Cerf, coll. « Sagesses chrétiennes », 2004, 912 p., 59 €.
A Henri Bremond revient l'honneur d'avoir rendu son lustre à ce monument de la littérature spirituelle du XVII' siècle. Il a vu dans cet ouvrage, ainsi que dans les écrits plus répandus du P. Piny (autre dominicain qui vécut, lui, dans la seconde moitié du siècle), la synthèse théologique et spirituelle qui éclairait et justifiait sa conception de la mystique à l'époque moderne — mystique du pur amour et de l'abandon à la grâce sanctifiante. A ses yeux, Chardon avait réussi là où Fénelon, dans l’Explication des maximes des saints, échouera une demi-siècle plus tard, aux yeux du magistère, dans sa tentative pour fonder théologiquement la doctrine du pur amour.
C'est aux âmes ferventes, éprouvées par les souffrances et les croix spirituelles, que s'adresse Chardon, directeur de grande expérience. Il les éclaire sur le sens de leurs épreuves en les invitant à y voir la manière qu'a Dieu de les visiter : elles sont associées au mystère même de sa sainteté, de sa vie. Ces âmes, baptisées dans la mort du Christ, peuvent sans crainte s'abandonner aux effets, en elles, de la gr&aci...
PETITE VIE DE JOHN HENRY NEWMAN
CHRISTUS N°208
-
Dominique SALIN
Desclée de Brouwer, 2005, 186 p., 14,50 €.
Il était temps que Newman figurât dans cette précieuse collection, qui introduit aux grandes figures de la spiritualité. Sa vie, sa pensée, son aventure spirituelle couvrent l'ensemble du XIXe siècle Universitaire et prêtre anglican, il fut à l'origine d'un puissant renouvellement spirituel, théologique et liturgique dans son Eglise (le « mouvement d'Oxford »). Sa recherche le conduisit à quarante- quatre ans dans l'Eglise catholique. Incompréhensions et avanies de toutes sortes ne lui manquèrent pas, venant des deux côtés, jusqu'à ce qu'il s'impose à tous comme une grande figure dont l'Angleterre pouvait être fière. Ce « penseur invisible de Vatican II » (J. Guitton) a pressenti et abordé les questions qui nous travaillent encore : le rôle du dogme, la nature de l'acte de foi, la question de la « conversion », l'importance de la conscience personnelle, la fonction de l'autorité. Le récit alerte et bien documenté de Keith Beaumont ne néglige pas, loin de là, les questions de vie spirituelle que Newman a affrontées et contribué à éclairer en termes modernes.
LE PÈRE FRANÇOIS VARILLON
CHRISTUS N°207
-
Dominique SALIN
Je suis constitué par un triangle assez caractéristique dont les angles s'opposent : Fénelon, Claudel, Wagner. Il serait assez difficile de déterminer comment il y a une compensation entre ces trois grands génies. » Ainsi s'exprimait le P. Varillon en 1978, quelques mois avant sa mort soudaine, dans son autobiographie dialoguée avec Charles Ehlinger 1. Cette année marque le centenaire de sa naissance. Plutôt que d'esquisser un portrait de ce prince de la parole, qui a excellé dans l'art de faire accéder les publics les plus variés aux problématiques théologiques et spirituelles les plus subtiles ou les plus rébarbatives, mieux vaut sans doute ici tenter d'aller droit au coeur de sa doctrine spirituelle et, dans la mesure du possible, de son expérience personnelle du mystère de Dieu. Avare de confidences sur lui-même, dans son oeuvre publiée comme dans les rares écrits intimes conservés par les archives de la Compagnie de Jésus, il a cependant semé assez de pierres blanches pour qu'il soit possible de s'y risquer.
Une tension
Il faut prendre au mot François Varillon lorsqu'il évoque la tension qui l'a toujours habité, qui l'a longtemps fait souffrir et que Fénelon a contribué à éclairer et à apaiser : tension entre l'amour de l'art et de la vie, et, d...
Mots clés :
Amour
Ascèse
Compagnie de Jésus
Dieu
Exercices spirituels
Expérience spirituelle
Mystique
Prière
Souffrance
Spiritualité ignatienne
Volonté de Dieu (volonté)
Désert
Littérature
Lire la suite
LE PROTESTANTISME ET LA MYSTIQUE
CHRISTUS N°201
-
Dominique SALIN
Labor et Fides, coll. « Protestantisme », 2003, 160 p., 11 €.
Beaucoup de catholiques à gros grain seraient surpris d'apprendre que les rapports du protestantisme et de la mystique ne sont pas aussi simples qu'ils l'imaginent : le protestantisme n'est-il pas une « religion » plus « spirituelle » que le catholicisme, moins encombrée de rites et de dévotions ? La Réforme n'a-t-elle pas été la patrie des revivals, le terreau de tant de sectes plus ou moins illuministes ? La lecture de ce volume serait l'occasion de les détromper. Les autres découvriront, lumineusement exposée, la complexité d'un dossier qui n'a rien à envier au contentieux interne à l'Église romaine.
L'auteur montre bien comment l'ambivalence de la Reforme à l'égard de la mystique était en germe dans l'expérience spirituelle de Luther et dans son évolution personnelle on voit comment l'éditeur de la Théologie germanique, traité mystique anonyme du XIVe siècle, en est venu plus tard à condamner les dérives spiritualistes et « enthousiastes ». Au XXe siècle, des motifs proprement théologiques inspirèrent à Barth et à Brunner une véhémente condamnation de la mystique, phénomène « païen », représent&eacut...
REPÈRES POUR LA SPIRITUALITÉ
CHRISTUS N°201
-
Dominique SALIN
Collab. J. Vernette. Desclée de Brouwer, 2002, 272 p., 22
Les ouvrages qui traitent du « fait religieux » s'en tiennent généralement à une approche « objective », factuelle, des grandes religions. Ils décrivent leurs dogmes, leurs Écritures, leurs rites, etc. L'originalité de ce livre est d'en offrir une approche « existentielle » qui privilégie la démarche spirituelle propre à chacune d'entre elles. Judaïsme, christianisme et islam sont envisagés sous cet angle, de même que les religions orientales et les mouvements religieux plus ou moins aberrants qui se manifestent dans nos sociétés. Les analyses reposent sur une information sérieuse et un solide soubassement anthropologique et philosophique. Le point de vue chrétien à partir duquel elles s'organisent n'est pas dissimulé.
Élaboré par un universitaire rompu à l'enseignement de la jeunesse, ce livre devrait rendre de grands services dans les lycées et les universités. Plus largement, il intéressera ceux qui veulent voir plus clair dans les grandes lois de la vie spirituelle et dans les questions qu'elles ne manquent pas de poser : spiritualité et psychologie ; recherche de soi ou recherche de Dieu ?
D'IGNACE DE LOYOLA À CHARLES DE FOUCAULD
CHRISTUS N°200
-
Dominique SALIN
Les considérations qui suivent ont pour point de départ les nombreuses similitudes constatées entre la figure de Charles de Foucauld et celle d'Ignace de Loyola. Ce qui avait commencé comme un jeu de comparaison, à la manière de Plutarque (Vies parallèles), s'est révélé fécond en aperçus sur ce que les historiens appellent la « spiritualité moderne ». Si l'on admet avec eux, en effet, que les temps modernes commencent à la Renaissance, on est conduit à considérer Ignace et Charles comme des figures emblématiques de cette modernité. Situées aux deux extrémités de cette modernité, ces figures, par la tension que créent leurs ressemblances et surtout leurs différences, éclairent les évolutions qui travaillent la conscience spirituelle moderne et l'image de Dieu qui s'esquisse chez nos contemporains.
Conversion
Orphelins précoces (de leur mère notamment), Iñigo et Charles sont des convertis. Ils se sont convertis autour de la trentaine. Aristocrates, ils avaient mené l'existence peu scrupuleuse de beaucoup de gentilshommes de leur temps. Les armes et le goût des femmes (goût romanesque ou encanaillé) avaient tenu une grande place dans leur vie. Ils étaient surtout habités par un grand désir de briller. Ce désir...
Mots clés :
Amitié
Dieu
Exercices spirituels
Humilité
Jésus-Christ
Pauvreté
Saint Ignace de Loyola
Sainte Thérèse de Lisieux
Universalité
Conversion
Lire la suite
L'ABANDON À LA PROVIDENCE SELON CAUSSADE
CHRISTUS N°198
-
Dominique SALIN
Il est difficile de réfléchir à l'« événement » et à son interprétation spirituelle sans évoquer L'Abandon à la Providence divine. Paru en 1861, à la veille des combats idéologiques qui allaient déchirer la France et marginaliser l'Église, ce petit ouvrage eut un rayonnement considérable. « C'est un des livres dont je vis le plus », confiait Charles de Foucauld 1. Avec l'Histoire d'une âme, mais sur un registre moins imagé, il aida nombre de croyants à traverser l'épreuve de la grande guerre. L'historien Henri Bremond voyait en lui « un des plus beaux soleils » de la tradition spirituelle.
La tradition de l'« abandon »
Son message, pourtant, semblait venir d'une autre époque. D'abord, le texte qu'exhumait le P. Ramière, jésuite, fondateur de l'Apostolat de la prière, avait dormi pendant plus d'un siècle dans les archives de la Visitation ! Il était attribué à un jésuite de la province de Toulouse, le P. de Caussade, dont le ministère s'était exercé pendant quelques années en Lorraine. Caussade était mort en 1751. Il était connu des spécialistes pour avoir contribué, dans une mesure qui demeure obscure, à la publication d'un ouvrage dont la première édition &e...
Mots clés :
Affectivité
Dieu
Evangile
Evénement
Expérience spirituelle
Foi
Mystique
Providence
Tradition
Lire la suite
TRAITÉ POUR CONDUIRE LES ÂMES À L'ÉTROITE UNION D'AMOUR AVEC DIEU
CHRISTUS N°198
-
Dominique SALIN
Ed. et prés. M.-L. Gondal. Jérôme Millon, coll. « Atopia », 2001,208 p., 9,50 €.
Ce petit ouvrage fut publié en 1645. Plusieurs fois réédité, il fut mis à l'Index en 1689, en glorieuse compagnie : Canfield, Bemières et Madame Guyon. Les temps n'étaient plus à la mystique. Son auteur était un jésuite gascon, homme de terrain apostolique. Il appartenait à cette génération de spirituels qu'illustra son ami Surin. Il déclare n'écrire ici ni pour les débutants ni pour les âmes favorisées de grâces extraordinaires. Le chemin qu'il trace, en trente-six courts chapitres, s'offre à tout chrétien soucieux de mener une vie spirituelle exigeante.
Le propos et le registre s'apparentent plus au Traité de l'amour de Dieu qu'à l'Introduction à la vie dévote. Ils sont fort représentatifs de la littérature mystique qui s'épanouit en France dans le premier XVIIe siècle, nourrie de tradition rhénoflamande et des grands carmes espagnols. C'est la transformation de l'âme en Dieu, sa « déification », sa « déiformité » par le « parfait anéantissement et la mort à tout », qui est visée. La « simplicité » de l'« acte général »...
PIERRE-JOSEPH DE CLORIVIÈRE
CHRISTUS N°195
-
Dominique SALIN
Parole et silence, 2001,104 p., 8 €.
L'ouvrage du Père de Clorivière sur la prière et l'oraison fait partie des classiques de la spiritualité. La collection « Christus » naissante lui avait consacré un volume en 1961. La publication de sa correspondance vient de s'achever par ailleurs. Mais la vie aventureuse de ce jésuite éminent, qui traversa la Révolution française, fonda dans la clandestinité la Société des Filles du Cœur de Marie et pour les prêtres, la Société du Cœur de Jésus, puis connut, cinq ans durant, les geôles de Napoléon avant de rétablir la Compagnie de Jésus en France restait inconnue du public. Ce petit livre comble heureusement cette lacune.
Une écriture alerte retrace cette existence mouvementée et exceptionnellement féconde. Son mérite est surtout d'ouvrir de larges perspectives sur la vie intérieure de ce mystique par d'abondantes citations empruntées à sa correspondance, ses écrits et ses notes intimes. On découvrira un homme d'action, certes, mais surtout un homme de foi. S'il a échappé au martyre et, pour le moment, aux honneurs dont l'Église couronne souvent ce destin, il n'en demeure pas moins un témoin impressionnant de l'espérance chrétienne en des temps tourmentés...
LE CHRIST DE BÉRULLE
CHRISTUS N°194
-
Dominique SALIN
Desclée, coll. « Jésus et Jésus-Christ », 2001,248 p., 23 €.
Rarement initiateur d'une grande tradition spirituelle aura été aussi peu lu que Bérulle La faute en est à son style, dit-on Son écriture, il est vrai, se ressent de sa formation et de son tempérament de juriste. Mais celui qui restaura la vertu de religion en France, au dire de Bremond, déconcerte plutôt son lecteur par l'incertitude où il le plonge S'agit-il bien de spiritualité 7 Ne s'agit-il pas plutôt de théologie ?
Si Bérulle ne s'est pas proposé de composer, comme d'autres à son époque, une théologie mystique, sa mystique n'en est pas moins une mystique théologique, hautement théologique Entre la suavité salésienne et l'aridité scolastique, il a frayé une voie singulière pour inviter à l'adoration en esprit et en vérité. Le mystère du Dieu trine et un, celui de la création, le mystère du Christ surtout, ne cessent de faire l'objet de sa contemplation émerveillée. Il y trouve constamment de nouveaux motifs de laisser sa vie se conformer à celle du Fils qui a voulu se faire notre semblable
C'est pourquoi le bel ouvrage que le P. Dupuy consacre à la christologie de Bérulle a sa place dans une bibliothèque de spirituali...
JE NE SUIS PLUS À MOI
CHRISTUS N°194
-
Dominique SALIN
Ed. et prés. J. Beaude. Jérôme Millon, coll. Atopia », 2001, 176 p., 9,15 €.
Ce petit recueil permet d'entrevoir au plus près la vie spirituelle d'une des premières carmélites françaises. Catherine, morte en 1623 à trente-trois ans, impressionna suffisamment ses soeurs pour que sa prieure jugeât bon d'écrire sa vie et de la publier quelques années après sa mort. Joseph Beaude en a extrait les « billets » (propos tenus oralement, en réalité), petits écrits autographes et lettres reproduits au fil de cette biographie spirituelle.
Vingt-deux des trente-trois lettres sont adressées à Bérulle. L'influence de la spiritualité bérullienne est sensible chez cette carmélite (mystique de l'enfance de Jésus notamment), au moins autant que celle de la Mère Thérèse. En plus d'une lettre, on constate que Bérulle faisait appel à ses vues surnaturelles à propos de décisions à prendre (comme Surin demandait à Jeanne des Anges de consulter son « bon Ange ») La « supposition impossible », pierre de touche du discours mystique du temps, n'est pas absente de ces pages (« la soumission que je dois au Fils de Dieu, même quand je serais dans le profond des enfers »). On lira avec intérêt ces pages o&ugra...
LETTRE À UN GENTILHOMME QUI DÉSIRAIT SE DONNER À DIEU
CHRISTUS N°193
-
Dominique SALIN
Arfuyen, coll. « Les carnets spirituels », 2001, 116 p., 12,20 €.
Avec ce premier volume d'une nouvelle collection, les éditions Arfuyen offrent une heureuse occasion de découvrir sur texte ce que fut la spiritualité janséniste. Trop souvent, le jansénisme n'est connu que par les caricatures de la littérature de polémique ou par les manuels d'histoire. Or, avant que la politique et les rieurs ne s'en mêlent, le jansénisme hit d'abord un revival spirituel, né du besoin de réforme qui s'était manifesté dans l'Eglise.
Cet opuscule, rédigé par Saint- Cyran en 1641, dans le fort de Vincennes où l'avait emprisonné Richelieu, permet de se familiariser avec cette spiritualité farouche, propre à séduire des chrétiens épris de rigueur spirituelle et morale. On la saisit en sa source sous la plume de celui qui en fut le premier apôtre.
Avec son ami Jansen, Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, avait, des années durant travaillé les Pères de l'Eglise saint Augustin surtout. Une conception de l'expérience chrétienne en était née, marquée par un pessimisme fonder sur la « nature » humaine.
On connaît le système : radicalement vicié par le péché originel, l'homme ne peut produire par lui-m&ec...
HISTOIRE DE LA PASSION DE JÉSUS-CHRIST
CHRISTUS N°192
-
Dominique SALIN
Préf. C. Louis-Combet. Jérôme Millon, coll. « Atopia », 2000, 128 p., 60 F.
Voici l'un des plus anciens parmi la vingtaine de textes déjà exhumés dans cette collection. Il est dû à la plume d'un célèbre prédicateur franciscain de la fin du XV siècle. Ce récit, tantôt quasi-traduction, tantôt paraphrase du texte évangélique, était destiné, semble-t-il, à illustrer « les diverses parties et cérémonies de la Messe ». Autant qu'à la saveur de la langue (celle de Villon et de Commynes), le lecteur est sensible aux insistances révélatrices de la spiritualité de l'époque : à la fascination pour les larmes, pour le sang et les plaies du corps supplicié du « très doux Agneau », minutieusement détaillé. Le réalisme le plus cru vise à susciter les émois les plus délicats. Beau témoignage de la tradition franciscaine, au moment où va la rencontrer un Ignace de Loyola.
LE PÈRE JEAN RIGOLEUC (1596-1658)
CHRISTUS N°188
-
Dominique SALIN
En retrait des grandes figures que sont Louis Lallemant, Jean-Joseph Surin ou le bienheureux Julien Maunoir, le P. Jean Rigoleuc (1596-1658) s'est illustré dans l'épopée des missions bretonnes du xvir siècle comme dans l'histoire de la mystique A juste titre Bremond fait la part belle à ce modeste « moins considéré que les autres », en deux chapitres du troisième volume de sa Conquête mystique, sous-titré L'école du Père Lallemant.
Lallemant justement : c'est à Rigoleuc que nous devons de pouvoir lire sa Doctrine spirituelle. Après la mort précoce (1635) de celui qui avait été son instructeur de « troisième an de noviciat », comme il l'avait été de Surin, Rigoleuc « fit un recueil » des conférences du maître tant admiré, qu'il garda dans ses cartons. Soixante ans plus tard, en 1694, l'éditeur tardif delce « recueil », le P. Champion, se persuada qu'il s'agissait d'un rewriting à partir de notes prises en cours d'exposés. Le préjugé court toujours. L'édition de la Doctrine actuellement disponible dans la collection Christus en témoigne. Il y a lieu de croire aujourd'hui qu'il s'agit tout bonnement d'une copie des originaux de la main de Rigoleuc. La démonstration n'en saurait êtte faite ici.
L'ap&o...
Mots clés :
Compagnie de Jésus
Discernement
Expérience spirituelle
Mission
Mystique
Pédagogie
Prière
Réalité
Spiritualité ignatienne
Volonté de Dieu (volonté)
Lire la suite
CORRESPONDANCE SPIRITUELLE (1912-1933)
CHRISTUS N°185
-
Dominique SALIN
Ed. et trad. H. Benoît. Paroisse et famille, 1998, 182 p., 129 F.
Bienvenue est cette nouvelle traduction des lettres de l'éminent bénédictin anglais. On sait qu'il prit une part active au débat sur la mystique qui passionna le premier tiers de notre siècle, autour de Saudreau, Bremond, Maritain, nombre de jésuites et de dominicains, entre autres. L'écho des disputes autour du passage de la « méditation » à la « contemplation », de l'« acquis » et de l'« infus », du caractère « surnaturel » ou non, exceptionnel ou non, de l'expérience mystique (couramment appelée « contemplation »), est évidemment constant dans ces lettres qui ne sont pas adressées à des débutants dans la vie spirituelle
Mais il n'est pas nécessaire d'être fort avancé dans ces voies pour goûter la clarté et la saveur de la doctrine qui s'exprime en ces pages rapides et nerveuses, arrachées à un emploi du temps chargé. Dans la ligne de Jean de la Croix, médité à la lumière de François de Sales, Fénelon et Caussade, Chapman monnaie une « mystique de la volonté », comme disait Varillon II appelle inlassablement à ne pas se laisser décourager par la sécheresse, les distractions, l'abs...
LA PERLE ÉVANGÉLIQUE & ECRITS III
CHRISTUS N°184
-
Dominique SALIN
La Perle évangélique, Préf. et éd. D. Vidal. Jérôme MiIIon, coll. « Atopia », 1997, 730 p., 250 F.
Ecrits III, Prés, et trad. A. Louf. Bellefontaine, coll. « Spiritualité occidentale », 1997,288 p. 115 F.
La « perle », le trésor enfoui dans le champ de l'âme et qui ne demande qu'à occuper toute la place, c'est Dieu lui-même. Ce thème centtal de la mystique rhénoflamande fournit son thre à l'un des ouvrages du XVI' siècle dont l'influence sur les maîues modernes fut considérable : Canfield, François de Sales, Bérulle en témoignent, pour ne pas parler des jésuites et d'Angelus Silesius. Moins célèbre que l'Imitation de Jésus-Christ, la Perle s'alimente elle aussi aux sources nordiques, comme l'oeuvre de Harphius dont elle est contemporaine. Comme Harphius, elle orchestre à sa manière les grands thèmes de la mystique du Nord, celle du « bon père Ruusbroec » notamment, sans recherche d'originalité ni d'ésotérisme, au contraire. Ainsi que l'écrit Nicolas Eschius, son éditeur et préfacier de 1545, l'auteur « a plutôt voulu mettre en lumière des choses pieuses et dévotes que doctes et fardées, pour autant principalement qu'il écrivait pour les simples...
AUTOUR DU QUIÉTISME
CHRISTUS N°182
-
Dominique SALIN
Quiétisme » : gageons que, même parmi les lecteurs de Christus, plus d'un devrait aujourd'hui recourir au dictionnaire pour élucider ce qu'évoque ce mot. Sa forme le rapproche d'« inquiétude », qui fournit son thème à ce cahier. Elle évoque plus précisément son contraire : « quiétude ». Le terme sent la naphtaline. De quelle théorie désuète peut-il bien s'agir ? De vagues souvenirs de lycée s'agitent au fond de la mémoire des plus anciens, souvenirs de l'époque révolue où le siècle de Louis XIV occupait encore une bonne partie des programmes scolaires. Voyons : Fénelon, Bossuet, Madame Guyon... Vous y êtes ! La « querelle du quiétisme », cette polémique entre deux évêques qui, sur la fin du siècle, avait passionné l'opinion publique et d'abord la Cour, jusqu'à ce qu'un Bref papal la déclare close en condamnant Fénelon. Une de ces fameuses « querelles » dont le XVIIe siècle français a eu le secret, au même titre que la « querelle du " car " », celle du Cid, ou celle encore dite « des Anciens et des Modernes »... Mais, cette fois-ci, redoutable polémique théologico-politique, comparable, par ses conséquences, à l'incendie allum&eac...
MADAME GUYON
CHRISTUS N°181
-
Dominique SALIN
Jérôme Millon, 1997,288 p., 150 F.
Réhabilitée par le XX' siède la figure de Jeanne Guyon continue de fasdner historiens de la spiritualité et de la religion, théologiens et écrivains, comme elle a fasciné Fénelon et, plus tard, Henri Bremond. La quinzaine d'études ici rassemblées permet de prendre la mesure de son rayonnement, hors de l'Eglise catholique notamment. Prophète de l'expérience intérieure, scribe inlassable de ce que lui dicte l'abandon à une passivité mystique où elle ttouve une joie communicative et que les persécutions les plus iniques ne peuvent entamer, elle laisse une oeuvre abondante offerte à la curiosité et à l'intelligence La curiosité sera souvent lassée par la répétitivité de cette prose tonentielle, dont Jérôme Millon a raison de rééditer les pièces les plus significatives. Autobiographie, commentaires de l'Ecriture traités spirituels, correspondance exercent id la sagadté des meilleurs spécialistes, parmi lesquels M.-L. Gondal, J. Le Brun, E. Goichot, H. Bourgeois. Ils introduisent avec bonheur au mystère d'une expérience de dépossession de soi et de liberté.
LA MYSTIQUE DU NUAGE DE L’INCONNAISSANCE ET CINQ AMIS DE DIEU EN UN TEMPS D’ANGOISSE
CHRISTUS N°230
-
Dominique SALIN

Composé au XIVe siècle par un auteur anglais inconnu, The Cloud of Unknowing est un des joyaux de la mystique chrétienne (dernière traduction en 2004 par Alain Sainte-Marie, Cerf, 2004). En soixante-quinze brefs chapitres, il balise, pour les âmes avancées, le chemin de l’union à Dieu. Chemin d’« inconnaissance », dans la nuit des sens et de l’esprit, comme l’avait défini, au VIe siècle, Denys l’Aréopagite. Voie négative, voie apophatique, reconnue aussi par saint Thomas : nous pouvons savoir que Dieu est, mais non ce que Dieu est. Ce n’est donc pas la connaissance qui porte l’âme vers Dieu, mais l’amour : un « aveugle élan d’amour », un « petit amour secret », une « intention nue de la volonté ». Beaucoup plus qu’Augustin, que les Victorins ou que saint Thomas, mais comme Ruusbroec, son contemporain, comme aussi plus tard Jean de la Croix, l’auteur insiste sur le caractère non conceptuel, supra-rationnel, de cette expérience de Dieu. Celle-ci repose sur « la foi enivrée d’amour » et a pour objet le Dieu Amour, c’est-à-dire Un et Trine, révélé par « Jesu » ; amour « surnaturel », c’est-à-dire suscité par la grâce.
W...
LA VRAIE MORALE SE MOQUE DE LA MORALE
CHRISTUS N°164
-
Dominique SALIN
HOMMAGE À JEAN SULIVAN
CHRISTUS N°231
-
Dominique SALIN
Jeanne-Marie BAUDE
Jeanne-Marie Baude
Universitaire et essayiste, Paris.
A notamment publié : Georges-Emmanuel Clancier (PULIM, 2001), Anne Perrier (Seghers, 2004) et L’oeil de l’âme : plaidoyer pour l’imagination (Bayard, coll. « Christus », 2009).Dernier article paru dans Christus : « Plaidoyer pour l’imagination » (n° 215, juillet 2007).
Le présent article est dédié à Édith Clanet-Delos, in memoriam.
Joseph Lemarchand est né en 1913 à Montauban-de-Bretagne, dans une famille de cultivateurs. Son père est tué à la guerre en 1916, et la pauvreté contraint sa mère à se remarier, ce dont il se consolera difficilement. Ordonné prêtre en 1938, il enseigne à Rennes, crée un centre culturel, un journal mensuel, un ciné-club. Il ne commence à publier qu’à quarante-cinq ans, sous le pseudonyme de Jean Sulivan, inspiré du nom d’un héros de film américain. Il vient alors habiter à Paris, en étant déchargé de tout ministère, après la mort de sa mère (à laquelle il a consacré un livre émouvant, Devance tout adieu). En février 1980, il est renversé par une voiture et meurt peu après. Son oeuvre comporte une trentaine de titres.
Les deux articles qui suivent sont issus...
Mots clés :
Dieu
Incarnation
Liberté
Mystique
Pauvreté
Désir
Lire la suite
MARCEL PROUST, ESTHÉTIQUE ET MYSTIQUE
CHRISTUS N°232
-
Dominique SALIN

Cerf, coll. « Littérature », 2010, 264 p., 24 euros.
Le titre ne manquera pas de faire sursauter plus d’un proustien fervent : va-t-on maintenant convertir l’oncle Marcel ? On peut se rassurer. Spécialiste de la mystique flamande (Hadewijch, Ruusbroec), auteur d’études comparées du bouddhisme et du christianisme ainsi que d’un Robert Musil, mystique et réalité (Cerf, 2006), Paul Mommaers s’est attaché à la manière dont le Narrateur rend compte des « impressions obscures » qui l’ont saisi lors de certaines de ses fameuses expériences de « mémoire involontaire » : moments de plaisir, de bonheur extraordinaires, moments aussi où, fugacement, il a éprouvé que vivait en lui « un autre soi ». Le propos de Paul Mommaers n’est certes pas d’identifier cet « autre soi » à un Proust insoupçonné, méconnu des commentateurs, un Proust « mystique ». Mais ses analyses extrêmement serrées de la description de ces états exceptionnels où le Narrateur cesse de se sentir « faible, contingent, mortel », lui permettent de cerner au plus près ce qu’il cherche à dire lorsqu’il qualifie ces moments d’expériences de la « réalité »....
LA DOCTRINE SPIRITUELLE DU P.LOUIS LALLEMANT
02 OCTOBRE 2011
-
Dominique SALIN

En effet, si étrange que cela puisse paraître, saint Ignace n’avait pas écrit de traité de vie spirituelle. À la différence de Bonaventure, de Jean de la Croix ou de Thérèse d’Avila, il n’avait pas décrit d’itinéraire spirituel type. Ni les Constitutions de la Compagnie ni les Exercices spirituels ne sont des traités de vie spirituelle. Ignace n’avait même pas fixé le temps que le jésuite doit consacrer normalement à l’oraison quotidienne !
Il faudra attendre au moins 25 ans après sa mort (une génération), pour que certains essayent de formuler par écrit les caractéristiques de « l’esprit » de saint Ignace (nous disons aujourd’hui : sa « spiritualité »). Ainsi l’italien Achille Gagliardi vers 1580. Mais il s’agissait de cahiers qui circulaient à l’état de manuscrits.
La première véritable synthèse est donc celle du P. Lallemant. Celui-ci avait été, à Rouen, maître des novices puis instructeur du « troisième an de noviciat » (année de retraite que les jésuites effectuent au terme de leur formation). Ses conférences avaient été « recueillies » par un de ses disciples,...
Mots clés :
Action
Affectivité
Ascèse
Catholicisme
Compagnie de Jésus
Contemplation
Exercices spirituels
Incarnation
Jésus-Christ
Mystique
Saint Ignace de Loyola
Spiritualité ignatienne
Lire la suite
NAVIGUER DANS LA HAUTE MER DE DIEU
CHRISTUS N°233
-
Dominique SALIN

Naviguer dans la haute mer de Dieu
Opuscules spirituels.
Prés. B. Forthomme. Trad. C. Santambrogio. Éditions Franciscaines, 2010, 274 p., 15 euros.
Grande figure de l’Italie mystique, Camilla Battista, de trente ans plus âgée que saint Ignace, a été canonisée en 2010. Après son autobiographie spirituelle en 2009, Bernard Forthomme publie, pour la première fois en français, les trois traités majeurs de la moniale franciscaine et de son cercle : Les Douleurs intérieures du Christ, les Instructions à un disciple, le Traité de la pureté de coeur. Le premier de ces traités s’inscrit dans une longue tradition se réclamant de Bonaventure, en l’infléchissant dans le sens de l’intériorisation. Il propose une identification intime à la personne du Christ souffrant, non seulement en son corps mais aussi et surtout en son âme : douleur devant la trahison de ses disciples et de son peuple, devant la résistance aussi du genre humain en général. La peine infernale elle-même devient douleur du Christ lui-même ! Comme dans l’autobiographie de Camilla, ce n’est pas un dolorisme malsain qui s’exprime ici mais le prix à payer pour rejoindre le Christ dans la vie de « l’homme nouveau ». Les Instructions à un disciple montrent à l...
RECENSION COMMUNE AUX LIVRES "DIEU N’EST PAS UN ASSUREUR" ET "LA VÉRITÉ NE S’ÉPUISE PAS "
CHRISTUS N°233
-
Dominique SALIN

Dieu n’est pas un ass ureur Anthropologie et psychanalyse.
Préf. J. Sédat. Témoignage M. Vassal. Albin Michel, 2010, 220 p., 15 euros.
« La vérité ne s’épuise pas » Exégèse et théologie.
Préf. R.-C. de Lacheisserie. Éd. J. Sédat. Albin Michel, 2010, 314 p., 18 euros.
Pour n’être pas aussi flamboyante que celle de son frère, la personnalité de Marc-François, bénédictin de Hautecombe- Ganagobie n’en méritait pas moins cette publication de quelquesuns de ses écrits. Le lecteur est évidemment poussé par la curiosité : quelles relations pouvaient bien exister entre le psychanalyste hors normes et le disciple de saint Benoît, théologien et bibliste ? La préface de Jacques Sédat au premier volume, celle du Père Abbé de Ganagobie au second, sont éclairantes à souhait sur l’affection, la confiance et l’estime réciproques que se portaient les deux hommes ; sur ce que leurs recherches et leurs chemins respectifs pouvaient avoir en commun également. Le livre de Marie Balmary, Le moine et la psychanalyste (Albin Michel, 2005), l’avait laissé pressentir. Le premier volume regroupe des articles et des conférences relevant de l’anthropologie religieuse et de la psychanalyse, &ag...
LA DOCTRINE SPIRITUELLE, DE LOUIS LALLEMANT, UNE NOUVELLE ÉDITION AUGMENTÉE, ÉTABLIE ET PRÉSENTÉE PAR DOMINIQUE SALIN, SJ.
23 FÉVRIER 2012
-
Dominique SALIN
Mots clés :
Combat spirituel
Compagnie de Jésus
Charismes
Contemplation
Dieu
Discernement
Exercices spirituels
Expérience spirituelle
Saint Ignace de Loyola
Spiritualité ignatienne
Lire la suite
ACTUALITÉ DE LA MYSTIQUE RHÉNANE
CHRISTUS N°234
-
Dominique SALIN
Dominique Salin s.j. Centre Sèvres, Paris. A édité et introduit deux ouvrages dans la collection « Christus » chez Desclée de Brouwer : L’abandon à la Providence divine (jadis attribué à Jean-Pierre de Caussade, 2006) et Doctrine spirituelle de Louis Lallemant (2011). Dernier article paru dans Christus : « Hommage à Jean Sulivan : un lecteur des mystiques » (n° 213, juillet 2011).
Dans l’engouement actuel pour la mystique, l’effet de mode, le goût du sensationnel et les publications racoleuses ne doivent pas faire oublier le patient travail des érudits. Rétablir l’intégrité textuelle des témoins de la tradition chrétienne, fournir au lecteur moderne les clés d’une lecture respectueuse de leur contexte historique et culturel : ce programme, que les études patristiques s’étaient fixé entre les deux guerres mondiales, s’est étendu avec succès à la tradition mystique. En témoignent deux ouvrages récapitulatifs, richement présentés et reliés, que publient les éditions du Cerf : Encyclopédie des mystiques rhénans d’Eckhart à Nicolas de Cues et leur réception, ainsi que Les mystiques rhénans : Eckhart, Tauler, Suso. Anthologie 1. La mystique rhénane, donc, telle...
Mots clés :
Eglise
Expérience spirituelle
Humilité
Mystique
Parole de Dieu
Sagesse
Lire la suite
SAINT DOMINIQUE
CHRISTUS N°234
-
Dominique SALIN

Préf. P. Raffin. Trad. T. Patfoort et A. Porret.
Postf. Soeurs dominicaines d’Oslo.
Cerf, coll. « L’histoire à vif »,
2011, 366 p., 30 €.
Composée par un dominicain suédois, cette biographie savamment documentée révèle l’importance des deux voyages en Scandinavie que fit Dominique, chanoine d’Osma, avec son évêque, Diègue de Acebès, avant de se fixer en Languedoc. Les deux hommes s’y découvrirent une vocation missionnaire : évangéliser les populations païennes du nord et de l’est de l’Europe. Si, plus urgente, la mission cathare les retint dans le Toulousain, ce fut sans doute en partie par la volonté papale. Mais l’appel des territoires païens résonnait toujours dans le coeur de Dominique. Lorsqu’il mourut, après avoir fondé l’Ordre des Prêcheurs pour répondre, en un premier temps, à un besoin local, il s’apprêtait, semble-t-il, à rejoindre la lointaine Dacie, où il avait déjà envoyé des frères. Cette étude, riche en informations sur l’histoire religieuse des pays scandinaves, éclaire d’un jour nouveau le portrait du saint dressé par Marie- Humbert Vicaire dans sa monumentale biographie : Histoire de saint Dominique (2 vol., Cerf, 1957).
LIRE JOHN HENRY NEWMAN AU XXIE SIÈCLE
CHRISTUS N°234
-
Dominique SALIN

Lethielleux, coll. « Collège des Bernardins », 2011, 112 p., 14 €.
Fruit d’un bref colloque tenu aux Bernardins, voici une excellente introduction à l’oeuvre de John Henry Newman récemment béatifié par le pape Benoît XVI. Représentant éminent de la culture anglaise du XIXe siècle, universitaire de renom et pasteur anglican, Newman se convertit, non sans courage, au catholicisme. Bien éloignés d’un certain triomphalisme romain, les cinq spécialistes rassemblés ici développent chacun une facette de la personnalité de Newman. Sa conversion, officialisée non sans drame en 1845, fut un processus continu, depuis sa première expérience spirituelle fondatrice à l’âge de quinze ans, en 1816, où il prit conscience qu’il n’existait réellement que reçu de son créateur. Son sens de l’Église, fruit d’une connaissance approfondie des Pères de l’Église et des premiers Conciles, s’appuie sur le rôle structurant du dogme tant pour la communauté ecclésiale que pour le croyant. Sa philosophie combat, sous le nom de libéralisme, tout relativisme condamné à être inopérant. Sa dévotion mariale s’enracine dans le sens de l’incarnation. Enfin, son sens pastoral s...
LA QUÊTE SPIRITUELLE HIER ET AUJOURD’HUI
CHRISTUS N°235
-
Dominique SALIN

Dans ces deux ouvrages étroitement complémentaires, Jacques Arènes, praticien s’exprimant volontiers dans les médias et enseignant à l’Institut Catholique de Lille, étudie les conséquences du traumatisme que représente pour nos sociétés le naufrage des « grands récits » dont elles ont longtemps vécu. La clé du Sens s’est perdue, constate-t-il après Marcel Gauchet, Dieu s’est définitivement absenté du monde. Au sujet humain, et à lui seul désormais, revient la tâche, parfois épuisante, de justifier son existence et de trouver les moyens de l’assumer. Il est bien normal que les psychanalystes se préoccupent désormais de cette dimension nouvelle de la détresse psychique des sujets qui s’adressent à eux. Demande complexe : d’une part, « l’homme coupable » de la psychanalyse fait place à « l’homme tragique », voire à « l’homme blessé », « sollicité par la plainte victimaire » ; d’autre part, les croyants attendent de plus en plus du religieux la « guérison » psychique, et pas seulement dans la lignée pentecôtiste et charismatique.
Cette situation nouvelle remet en cause les rapports de la psychanalyse et de la « religion &ra...
LE CORPS PENSANT
CHRISTUS N°236
-
Dominique SALIN

Le sous-titre est trop modeste. « Méditation » est à entendre aussi en son sens le plus large. Dans la foire actuelle aux spiritualités, avec ou sans Dieu, cet ouvrage constitue une remarquable présentation de la spiritualité chrétienne dans sa singularité, par un universitaire spécialiste de la littérature du XVIIe siècle, excellent connaisseur des Écritures et de la tradition chrétiennes.
Le titre, quelque peu énigmatique (tout le monde n’y reconnaît pas d’emblée la main de Pascal), a l’avantage de rappeler une vérité depuis trop longtemps oubliée par les chrétiens d’Occident, marqués par le « spiritualisme » et le dualisme platoniciens : la vie spirituelle commence au niveau du corps, et d’abord du diaphragme. Spiritus, l’« esprit », c’est d’abord une affaire de respiration, de souffle. L’Esprit Saint, dans la Bible, c’est d’abord l’haleine de Dieu (Pr 8). Dans toutes les spiritualités, l’exercice fondamental – la méditation – commence par l’attention portée à la respiration. Les moines orientaux (de tradition grecque, pourtant !) le rappellent aujourd’hui avec bonheur aux orants de l’Ouest.
Au-delà de la méditation (et de la contemplation : l&rsquo...
SAINT IGNACE ET LA LIBERTÉ
CHRISTUS N°237
-
Dominique SALIN
Saint Ignace et la liberté
Si la liberté est la première revendication du sujet moderne, la spiritualité ignatienne se révèle profondément accordée aux temps nouveaux. Les Exercices spirituels sont d’abord une procédure destinée à permettre au sujet de choisir librement sa vie. Mais la liberté selon saint Ignace ne se laisse pas réduire à la notion d’autonomie. Elle s’inscrit dans la tradition théologique et mystique de l’Église, selon laquelle la liberté est don de l’Esprit : « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3,17). Saint Augustin, commentant Rm 5,5, écrivait : « L’amour de Dieu est répandu dans nos coeurs, non par le libre-arbitre qui surgit en nous, mais par l’Esprit Saint qui nous a été donné » 1. En d’autres termes, « l’acte de liberté consiste toujours à se recevoir de Dieu pour vouloir Dieu » 2. La liberté devient dès lors un don et une conquête. Donné à lui-même, l’homme est appelé à accueillir la grâce de travailler à libérer ses énergies pour que sa vie devienne « louange et service de Dieu », selon les termes du Principe et fondement de...
SANS MIROIR, LA SOCIÉTÉ EST CONDAMNÉE À MOURIR
CHRISTUS N°240
-
Dominique SALIN

Cet essai sur le théâtre mérite de figurer dans une bibliothèque de spiritualité. Ne serait-ce que parce qu’il défend, sans complexe, une conception chrétienne du théâtre – ce qui ne signifie pas promouvoir un théâtre chrétien. L’auteur est un homme de théâtre bien connu, au sens complet du mot : comédien (comédien d’abord), mais aussi metteur en scène, auteur et même critique patenté, aux convictions affichées.
C’est à la théologie chrétienne qu’il emprunte les catégories qui lui permettent de penser le théâtre, l’action théâtrale. Pour lui, le théâtre est œuvre d’incarnation, d’incarnation de la vie (la majuscule initiale ne serait pas de trop ici). Le théâtre est un microcosme, miroir du grand microcosme de la création. Une trinité est à l’œuvre pour réaliser ce « miracle » (dernier mot de la conclusion) : l’auteur, qui engendre le verbe (le texte) ; le metteur en scène, qui permet à l’esprit du texte de s’incarner, de prendre chair sur la scène ; enfin, le comédien qui incarne le personnage selon la vérité de la vie.
Pour ingénieuse et jouissive...
MANUEL DES ÂMES INTÉRIEURES
CHRISTUS N°242
-
Dominique SALIN

C’est une heureuse initiative que de rééditer ce best-seller de la littérature spirituelle jésuite. Né en 1731, helléniste distingué, controversiste de talent, l’auteur traversa la suppression de la Compagnie de Jésus (1763) en France d’abord, puis en Angleterre où il mourut en 1803. Vers 1769, la rencontre de Mère Pélagie, visitandine de la rue du Bac, avait été l’occasion d’une véritable conversion spirituelle : découverte d’une spiritualité de l’abandon, sous le signe de l’esprit d’enfance et de la simplicité. Il ne suffit pas de faire la guerre à « l’amour propre » (recherche de soi). Il s’agit d’habiter le moment présent et de laisser faire Dieu. En somme, saint François de Sales revisité par Surin, Fénelon et Caussade.
Cette doctrine, Grou ne cessa de la monnayer auprès des communautés religieuses dont il fut l’aumônier et des laïcs qu’il dirigea, en Angleterre notamment. Les traités qu’il publia de son vivant connurent un immense succès. Les Caractères de la vraie dévotion, par exemple, parus en 1788, connurent 70 éditions jusqu’à la fin du XIXe siècle. Cet appel à la foi pure, à faire c...
DIEU INTÉRIEUR
CHRISTUS N°246
-
Dominique SALIN

Auteur de la biographie officielle de Newman pour son procès de béatification, le père Keith Beaumont était le plus qualifié pour présenter, en France, sa spiritualité. Aussi à l’aise dans la culture française que dans sa culture d’origine, il sait devancer les questions sur la complexité de la question religieuse Outre-Manche. Dès lors, la « conversion » de Newman, au milieu du xixe siècle, apparaît moins comme un retournement que comme un approfondissement : l’apostolicité de l’Église, sa fidélité aux origines, c’est dans l’Église romaine qu’elle lui est apparue, peu à peu, pleinement réalisée. Sa conversion est d’abord le fruit d’une méditation sur l’Église.
On mesure par là l’injustice du reproche qui lui a été souvent adressé d’avoir cultivé un christianisme d’introversion. « Myself and my Creator » : la célèbre formule ne dénote nullement un goût douteux pour un tête-à-tête intimiste. La spiritualité de Newman, son sens de la Présence intérieure qui sollicite tout homme, est née, s’est approfondie et épanouie au sein d’une expérience ecclésiale et d’une vocation...
LA VIE MYSTIQUE CHEZ LES FRANCISCAINS DU XVIIE SIÈCLE
CHRISTUS N°247
-
Dominique SALIN

Dans sa fresque consacrée au Grand Siècle mystique, Henri Bremond n’avait retenu, de la postérité de saint François, que quelques ténors. Cette publication rétablit les proportions. En 1680, ils étaient quelque cent mille dans le monde – conventuels et surtout observants (cordeliers) : déchaux, réformés, récollets, capucins, clarisses, minimes et membres des Tiers Ordres – à vivre de « l’esprit » de saint François (sa « spiritualité », comme nous disons aujourd’hui). L’intérêt de cette édition est d’offrir un florilège significatif, encadré de notices historiques. La présentation globale de l’historien Pierre Moracchini, en particulier, permet de voir clair dans la présence et le rayonnement à Paris de la grande famille franciscaine, à la généalogie si compliquée (t. 3, pp. 63-165).
Le florilège se reconnaît « lacunaire », par la force des choses. L’éditeur a voulu présenter des « extraits sensibles au coeur » (t. 1, p. 11). C’est dire qu’il ne s’est pas soucié d’une définition rigoureuse de ce qu’on peut entendre par « mystique » au XVIIe siècle. Il suffit que ces textes reflètent u...
MICHEL DE CERTEAU
CHRISTUS N°249
-
Dominique SALIN
Après Pierre Teilhard de Chardin et en compagnie de Henri de Lubac, Karl Rahner et Bernard Lonergan, Michel de Certeau est l’un des cinq jésuites les plus marquants du XXe siècle ; ceux du moins qui continuent à faire écrire sur eux dans le monde entier. Trente ans après sa disparition, son existence de jésuite, pour brève qu’elle ait été (trente-six ans), laisse une trace singulière. Ce n’est pas seulement une pensée qui s’est déposée dans son oeuvre, mais aussi, un peu comme dans le cas de Teilhard, une aventure risquée aux frontières des savoirs, des cultures et des orthodoxies. Une manière d’être, un style continuent d’appeler à des formes inédites de liberté.*
C’est pourquoi envisager le rapport de Certeau à la spiritualité de saint Ignace invite certes à évoquer les analyses que l’historien de la spiritualité a consacrées à la doctrine de son maître à vivre, dans la revue Christus notamment. Mais cette évocation doit aussi tenter de faire droit à la manière dont la vie même de Certeau peut être considérée comme une « interprétation » de cette doctrine, au même titre que l’interprétation, par un virtuose, d’une grande...
LES PREMIERS THÉRÉSIENS
30 JUIN 2016
-
Dominique SALIN
Après les passionnantes études sur Thérèse écrivaine, l’historien Claude Langlois raconte Thérèse après Thérèse : la manière dont se sont construites, après sa mort, l’image de la sainte et surtout celle de sa doctrine spirituelle, de préfaces en témoignages et commentaires, patentés ou non, jusqu’à sa canonisation. Ce que les historiens appellent la « réception » de Thérèse. Le carmel de Lisieux, Pauline (Mère Agnès) au premier chef, en fut l’organisateur efficace, à partir de l’Histoire d’une âme, de ses commentaires et de ses produits dérivés.
L’auteur s’appuie sur une documentation abondante et précise, dûment référencée. On assiste sur pièces à la transformation progressive de ce que Thérèse avait appelé sa « petite voie », « voie toute de confiance et d’amour », en « spiritualité de l’abandon » (Dom Lehodey, 1919) et, finalement, en doctrine de l’« enfance spirituelle » (Benoît XV et Pie XI), expression qu’elle n’avait jamais utilisée, mais qui avait été suggérée par Mè...
LES PREMIERS THERESIENS
CHRISTUS N°251
-
Dominique SALIN

Honoré Champion, coll. « Mystica », 2015, 432 p., 70 €.
Après les passionnantes études sur Thérèse écrivaine, l’historien Claude Langlois raconte Thérèse après Thérèse : la manière dont se sont construites, après sa mort, l’image de la sainte et surtout celle de sa doctrine spirituelle, de préfaces en témoignages et commentaires, patentés ou non, jusqu’à sa canonisation. Ce que les historiens appellent la « réception » de Thérèse. Le carmel de Lisieux, Pauline (Mère Agnès) au premier chef, en fut l’organisateur efficace, à partir de l’ Histoire d’une âme, de ses commentaires et de ses produits dérivés.
L’auteur s’appuie sur une documentation abondante et précise, dûment référencée. On assiste sur pièces à la transformation progressive de ce que Thérèse avait appelé sa « petite voie », « voie toute de confiance et d’amour », en « spiritualité de l’abandon » (Dom Lehodey, 1919) et, finalement, en doctrine de l’« enfance spirituelle » (Benoît XV et Pie XI), expression qu’e...
SERMONS TRAITÉS POÈME
CHRISTUS N°252
-
Dominique SALIN

Condamnés à l'oubli par la censure, les écrits du dominicain Maître Eckhart ont ressurgi au XXe siècle avec une jeunesse, un éclat et un pouvoir de fascination qui ne cessent de se confirmer. Plus encore que ses cours universitaires en latin, ses prédications et ses propos en allemand, destinés aux moniales, aux béguines et aux jeunes dominicains, se révèlent extraordinairement percutants. Il faut donc savoir gré à Éric Mangin d'avoir regroupé pour la première fois, en un épais et solide volume relié, l'ensemble des écrits allemands. Il a repris et complété les traductions réalisées jadis par la pionnière des études eckhartiennes que fut, en France, Jeanne Ancelet-Hustache.
Lorsqu'il s'agit d'évoquer l'éminente noblesse de l'âme humaine, qui n'a d'égale que la nature divine ; la manière dont Dieu ne cesse de s'engendrer lui-même dans le Grund ohne Grund de l'âme (« l'abîme sans fond », Ps 42-43[41-42],8) ; l'impitoyable appel au dénuement intérieur et au détachement (Abgeschiedenheit) sans lequel l'homme ne saurait accéder à la liberté et à sa vocation divine ; ou le véritable motif de l'Incarnation, qui n'est autre que la naissance de l'homme à lui-mê...
L'ÉROS UN CHEMIN VERS CHRIST-SOPHIA
CHRISTUS N°253
-
Dominique SALIN

Préface de François Nault, Médiaspaul, 2016, 240 p., 20 €.
Voici un petit essai de théologie spirituelle dans le champ, a priori peu ignatien, de la « mystique sponsale ». Il affronte une question de fond : comment rendre compte de la figure du Christ époux, lorsque l'épouse peut être aussi bien Jean de la Croix que Thérèse de Jésus ? En une époque où les théories du genre agitent les esprits, la question pourrait relever d'une certaine urgence. Mais les éléments de réponse qu'apporte l'auteur dépassent la justification d'une tradition mystique particulière et qui a des correspondances (non envisagées ici) en dehors du christianisme. L'auteur esquisse un discours sur Dieu qui respecte le Mystère tout en étant crédible pour nos contemporains.
Complexe est la conception de l'eros ici à l'œuvre : elle doit autant à Platon qu'au Premier Testament, récure le dualisme eros – agapè, cherche des confirmations chez Carl Gustav Jung. Elle s'enracine dans la figure biblique de la Sagesse, dans laquelle le Premier Testament et les Pères ont vu la préfiguration du Christ. Le poème de Proverbes 8 est ici privilégié. Avec la Sagesse, il y a en Dieu du féminin aussi, un féminin en situation de mé...
CHARLES DE FOUCAULD
CHRISTUS N°254
-
Dominique SALIN
Charles de Foucauld, biograghie (1858-1916), Pierre Sourisseau, Salvator, 2016, 720 pages, 29,90 € / Charles, le libéré - Foucauld rendu à lui-même, Jean-François Six, Salvator, 2016, 216 pages, 18,90 €.
Deux livres importants, parmi ceux qu'a suscités le centenaire de la mort du bienheureux Charles de Foucauld. Dans la somme de Pierre Sourisseau, toute l'information disponible sur cet homme si simple et si complexe est chronologiquement présentée (faits, documents, etc.). On suit Foucauld presque pas à pas, au jour le jour. Les extraits de ses écrits, de sa correspondance surtout, sont judicieusement choisis et commentés. Le lecteur attentif des belles études de Jean-François Six, du frère Antoine Chatelard, de Maurice Serpette découvre des données qu'il ignorait ou sur lesquelles son attention n'avait pas été attirée. Il lit par exemple que le père de Charles, ingénieur des eaux et forêts, n'est pas décédé précocement des suites d'une aliénation mentale mais, très probablement, de la maladie de Lyme, qui fait tant parler d'elle aujourd'hui. Il comprend que Charles, au Sahara, était entretenu financièrement par sa famille : ayant abandonné sa fortune à sa sœur Marie de Blic au moment d'entrer à la T...
THÉRÈSE DE LISIEUX ET LA MISÉRICORDE
CHRISTUS N°255
-
Dominique SALIN

L'historien couronne ici, de manière magistrale, son patient travail d'archéologue des écritures thérésiennes. Chacun des trois « manuscrits autobiographiques » avait fait l'objet d'une étude minutieuse. Il ressortait du manuscrit A que la relecture de son enfance par Thérèse s'organisait autour de la révélation de juin 1895 (découverte de « l'amour miséricordieux » et offrande d'elle-même à cet amour). L'apport décisif de ce dernier ouvrage est de montrer que l'amour miséricordieux est devenu, pour les deux années qui lui restaient à vivre, le cœur même de sa « petite doctrine ». La démonstration en est faite par l'examen des modifications qui ont été apportées par Thérèse au manuscrit B, et par une relecture très éclairante du manuscrit C.
L'importance prise, pendant les deux dernières années, par la relation aux novices et surtout les « épîtres testamentaires » à ses deux « frères », les abbés Adolphe Roulland et Maurice Bellière, montrent une Thérèse qui ne se contente pas de vivre de la miséricorde mais qui s'efforce d'en « prêcher » la doc...
AU PÉRIL DE LA NUIT
CHRISTUS N°257
-
Dominique SALIN

Il faut d'abord nommer ces huit visages dont les photographies quadrillent la couverture du volume. Tous ne sont pas catholiques, ni connus du grand public chrétien : Edith Stein, Marie de la Trinité, Adrienne von Speyr, Simone Weil, Teresa de Calcutta, Marie Noël, Etty Hillesum et Thérèse de Lisieux. De brèves notices biographiques, en fin de volume, fournissent l'information indispensable au lecteur qui ne serait pas familier de ces femmes, ni de leurs écrits.
Car ce que scrute ici le spécialiste de la mystique moderne, responsable avec Audrey Fella du dictionnaire Les femmes mystiques (Robert Laffont, « Bouquins », 2013), ce n'est pas tant la « spiritualité » propre à chacune d'elles, ni le détail de leur itinéraire, que l'expérience, commune à toutes, mais différemment vécue, de ce que la tradition appelle « la nuit ».
Depuis la rencontre inaugurale de Moïse avec Dieu au sommet du Sinaï, en effet, il semble que l'expérience de Dieu soit indissociable d'une forme de ténèbre. Ténèbre transitoire ou indépassable ? « Nuit obscure » ou « ténèbre lumineuse » ? Obscurité par défaut ou par excès de lumière ? Multiples sont, dans la tradition chrétienne, pou...
QUI EST MYSTIQUE ?
CHRISTUS N°258
-
Dominique SALIN

Matière hautement sensible depuis la condamnation de Fénelon, la mystique était restée sujet tabou dans l'Église catholique pendant deux siècles, tant était obsédante la hantise d'être taxé de « quiétisme ». À l'aube du XXe siècle, les travaux de Charcot sur l'hystérie avaient reposé à nouveaux frais la question de la mystique.
La manière dont les théologiens s'en emparèrent fait l'objet de cette étude bien documentée et clairement menée. L'auteur reconstitue ce que fut, un demi-siècle durant, la « bataille de la prière ». On se disputa ferme, en effet, sur la nature de l'union à Dieu. L'important semblait être de faire la part de l'homme et celle de Dieu, de l'activité et de la passivité, du naturel et du surnaturel, de l'ascèse et de la mystique. Où cesse l'effort de l'homme (l'acquis) et où commence l'action de la grâce (l'infus) ? L'auteur présente bien les camps en présence (les néothomistes et les autres) et leurs positions dans cette guerre de tranchées qui menaçait, elle aussi, de s'éterniser.
La problématique dualiste commune aux antagonistes (l'opposition entre mystique et ascèse) ne faisait que raviver les funestes débats sur la gr...
UN PUR BONHEUR !
CHRISTUS N°260
-
Dominique SALIN

Le titre et le sous-titre pourraient être repris comme slogans d'autopromotion pour ce petit livre. Il cherche à faire valoir les charmes de la vie spirituelle pour qui veut prendre le temps de s'y adonner. Déjà auteur de L'expérience spirituelle aujourd'hui (Saint-Augustin, 2016), Yvan Mudry, essayiste et journaliste, bon connaisseur de la tradition chrétienne, s'attache à exalter la joie qui s'attache à ces petits ou grands moments d'éternité qu'il peut arriver à tout un chacun d'expérimenter au hasard (mais s'agit-il vraiment de hasard ?) d'une lecture, d'une rencontre, d'un spectacle, d'un choc émotif. Pour faire valoir cette quatrième dimension de l'existence, il noue des gerbes de citations évocatrices, empruntées aux poètes et aux penseurs, chrétiens ou non, qui savent prêter leur voix à la part de l'Autre en nous. Les butineurs besogneux regretteront que les références ne soient pas données en bas de page. Mais ce petit ouvrage d'eudémonisme spirituel, qui se situe dans le sillage des publications de Michael Edwards, notamment d'Un monde même et autre (DDB, 2002), n'a pas de prétentions didactiques. Il ne propose qu'un moment de bonheur pur, c'est-à-dire désintéressé.
LETTRE AU PAPE FRANÇOIS DE JEAN-FRANÇOIS SIX
CHRISTUS N°262
-
Dominique SALIN

Le grand spécialiste de Charles de Foucauld passe en revue les différentes manières dont a été célébré le centenaire de la mort du religieux. Il s'attriste de constater qu'une fois de plus le visage définitif de Foucauld, celui qui s'est affirmé au cours des dix dernières années de sa vie parmi les Touaregs comme « défricheur évangélique » et dont l'unique fondation fut l'Union, sodalité apostolique ouverte à tout chrétien (clerc, religieux ou laïc), a échappé aux flambeaux de la ferveur et de la publicité. L'image qui s'impose encore et toujours, c'est celle de l'ermite, construite par la biographie de René Bazin en 1923 ; c'est aussi celle qu'ont diffusée les fondations de René Voillaume et de sœur Magdeleine : pour admirables qu'elles soient, celles-ci ne correspondent pas au genre de vie qu'avait choisi « le dernier Foucauld » ; genre de vie dans lequel il s'était épanoui et qu'il a souhaité instituer et partager, au sein de l'Union, avec d'autres chrétiens, dans les missions lointaines comme dans les déserts spirituels de la vieille Europe.
Pour expliquer cette ombre qui s'étend toujours sur l'Union, point n'est besoin d'imaginer de sinistres complots. La légèreté de sa structure, la sou...
MAÎTRE ECKHART
CHRISTUS N°267
-
Dominique SALIN
Cerf, « Spiritualité », 2018, 264 p., 20 €.
Ressuscitée au XXe siècle, l'œuvre de Maître Eckhart n'en finit pas de fasciner philosophes et mystiques. La condamnation pour illuminisme qui, en 1328, l'avait vouée aux ténèbres des fonds de bibliothèques, n'a pas résisté aux investigations des historiens. Le penseur dominicain peut désormais être lu pour lui-même : non seulement son enseignement universitaire en latin, mais aussi ses sermons en allemand, destinés aux moniales. C'est en eux surtout qu'étincelle le diamant de cette pensée paradoxale et provocante. Rémy Valléjo, historien de l'art et plus encore, propose une invitation à lire l'œuvre en forme de traversée, mais une traversée par les sommets, comme on peut traverser les Alpes sans déchausser les skis. Placé, avec bonheur, sous le signe du « non-savoir » et de l'exode intérieur, ce parcours ne craint pas de faire respirer d'emblée l'atmosphère raréfiée des plus hautes spéculations néoplatoniciennes qui ont fasciné le Maître rhénan. Mais, sous la conduite d'un guide aussi assuré, les formules à couper le souffle sur l'égalité (gleicheit) de l'homme et de Dieu, sur la naissance de Dieu en l'âme, sur l'expérience du néant (le nient savoir de Marguerite Porete), sur la radicalité du « détachement » et de la « déprise » nécessaires pour être un avec Dieu, perdent leur caractère intimidant, voire farouche. L'âme peut se retrouver ici comme dans « sa douce langue natale ». Certes, c'est bien « du point de vue de l'éterni...
PIERRE CANISIUS
CHRISTUS N°269
-
Dominique SALIN
Lessius, « Petite bibliothèque jésuite », 2020, 192 p., 14 €.Pierre Kanis de Nimègue fut recruté par Pierre Favre à Cologne, trois ans après la fondation de la Compagnie de Jésus. Petit génie théologique, maître ès arts à 19 ans, ce jeune homme (23 ans) animé, lui aussi, par un puissant amour de l'Église, allait, sous la conduite de saint Ignace et de ses successeurs, déployer un zèle apostolique impressionnant dans l'Allemagne en proie aux démons de la corruption ecclésiastique et de la violence religieuse. Écrivain prolixe, prédicateur, professeur, recteur d'universités, conférencier, directeur spirituel, fundraiser et voyageur infatigable, il sillonna l'Allemagne, la Hongrie et la Pologne pour répondre aux innombrables demandes et prévenir les incendies. Il fallait mettre en œuvre le concile de Trente. Ses catéchismes ont fait sa gloire, ainsi que les dix-huit collèges qu'il réussit à créer dans des conditions extrêmement difficiles. Supérieur provincial quatorze années durant sur un territoire qui allait de Prague à Innsbruck, conseiller des princes et des dignitaires ecclésiastiques, il fut de tous les colloques et Diètes de l'époque (pp. 111-112).La plume alerte de...
LA SÉDUCTION DU DIABLE
CHRISTUS N°271
-
Dominique SALIN

Mame, 2019, 176 p., 16,90 €.Alain Cugno est trop fin philosophe et il connaît trop bien son christianisme pour proposer une énième réponse aux questions sur l'existence du diable et l'origine du mal. Il cherche simplement à comprendre comment l'homme, même et surtout lorsqu'il se veut maître de lui comme de l'univers, en vient à faire le mal qu'il ne voudrait pas et à ne pas faire le bien qu'il voudrait, pour parler comme saint Paul. Nos moralistes répondent depuis longtemps que ce qui veut en nous, ce sont nos passions, pas notre raison. Certes, mais il faut être diablement malin pour neutraliser notre raison.Ce livre est consacré à la diabolique malice qui se joue de nous, aux ressorts de ses « tactiques », qui intéressaient déjà C. S. Lewis. L'auteur les démonte avec jubilation. C'est surtout dans la Bible qu'il trouve le mode d'emploi : la mésaventure d'Adam et Ève, la belle histoire de Job, la mise à l'épreuve de Jésus au désert, la ténacité de la maman cananéenne, Judas enfermé dans sa solitude, saint Paul aux prises avec la Loi, mais aussi l'adolescent Augustin et son piteux poirier, notre perpétuel besoin d'être reconnu et nos instincts grégaires…En tout cela, libre à nous de voir à l'œuvre &laqu...
RÉDUIT À RIEN
01 OCTOBRE 2021
-
Dominique SALIN
Cerf, 2021, 232 p., 18 €.« Rien ! » C'est un des maîtres-mots de la tradition mystique. Dieu n'est rien – rien de ce que l'homme peut concevoir – n'ont cessé de marteler les mystiques, de Denys l'Aréopagite au VIe siècle à Angelus Silesius au XVIIe (Dieu un pur rien est le titre du beau livre consacré au Silésien par Jacques Le Brun, au Seuil, en 2019). Mais c'est Maître Eckhart qui, au XIVe siècle, commentant la conversion de saint Paul pour les moniales et les béguines de Strasbourg, avait trouvé la formule la plus frappante : « Lorsqu'il se releva de terre, les yeux ouverts, il vit le néant, et ce néant était Dieu. »« Rien ! » C'est encore ce que l'homme doit consentir à devenir, lui aussi, s'il veut laisser Dieu être Dieu en lui. Consentir à cet évidement de soi, à ce détachement de toute image et de toute représentation, de toute volonté propre, de toute attache et de toute revendication de l'ego qui pourrait faire obstacle, si ténu soit-il, à « la naissance de Dieu en l'âme », comme disait Maître Eckhart. « Anéantissement », avait écrit à la même époque Marguerite Porete dans son Miroir des âmes simples et anéant...
RÉDUIT À RIEN DE RÉMY VALLÉJO
CHRISTUS N°272
-
Dominique SALIN

Cerf, 2021, 232 p., 18 €.
« Rien ! » C'est un des maîtres-mots de la tradition mystique. Dieu n'est rien – rien de ce que l'homme peut concevoir – n'ont cessé de marteler les mystiques, de Denys l'Aréopagite au VIe siècle à Angelus Silesius au XVIIe (Dieu un pur rien est le titre du beau livre consacré au Silésien par Jacques Le Brun, au Seuil, en 2019). Mais c'est Maître Eckhart qui, au XIVe siècle, commentant la conversion de saint Paul pour les moniales et les béguines de Strasbourg, avait trouvé la formule la plus frappante : « Lorsqu'il se releva de terre, les yeux ouverts, il vit le néant, et ce néant était Dieu. »
« Rien ! » C'est encore ce que l'homme doit consentir à devenir, lui aussi, s'il veut laisser Dieu être Dieu en lui. Consentir à cet évidement de soi, à ce détachement de toute image et de toute représentation, de toute volonté propre, de toute attache et de toute revendication de l'ego qui pourrait faire obstacle, si ténu soit-il, à « la naissance de Dieu en l'âme », comme disait Maître Eckhart. « Anéantissement », avait écrit à la même époque Marguerite Porete dans son Miroir des âmes simples et anéanties, brûlé en même temps qu'elle à Paris, en place de Grève, le 1er juin 1310. « Nada, nada, nada, jusqu'à y laisser sa peau », répétera Jean de la Croix. « Annichilazione », disait en écho, à la même époque, Achille Gagliardi pour qualifier ce que son maître Ignace de Loyola avait nommé platement, ou sobrement, « indifférence ». « Anéantissement », « abné...
SAINT IGNACE ET LA LIBERTÉ
CHRISTUS N°258HS
-
Dominique SALIN
Si la liberté est la première revendication du sujet moderne, la spiritualité ignatienne se révèle profondément accordée aux temps nouveaux. Les Exercices spirituels sont d'abord une procédure destinée à permettre au sujet de choisir librement sa vie. Mais la liberté selon saint Ignace ne se laisse pas réduire à la notion d'autonomie. Elle s'inscrit dans la tradition théologique et mystique de l'Église, selon laquelle la liberté est don de l'Esprit : « Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3,17). Saint Augustin, commentant Romains 5,5, écrivait : « L'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs, non par le libre arbitre qui surgit en nous, mais par l'Esprit saint qui nous a été donné. »1 En d'autres termes, « l'acte de liberté consiste toujours à se recevoir de Dieu pour vouloir Dieu »2. La liberté devient dès lors un don et une conquête. Donné à lui-même, l'homme est appelé à accueillir la grâce de travailler à libérer ses énergies pour que sa vie devienne « louange et service de Dieu », selon les termes du « Principe et Fondement » des Exercices (Ex. sp., n°...
ET TU NE RÉPONDS PAS
CHRISTUS N°273
-
Dominique SALIN

Salvator, 2021, 206 p., 20 €.
Ce livre s'adresse à ceux pour qui la prière est un combat qui n'est jamais gagné. C'est-à-dire aux gens normaux de notre temps. Ceux qui s'épuisent à appeler au secours un Dieu impossible à joindre en ligne. Ceux aussi qui se demandent s'il vaut vraiment la peine d'informer Dieu de nos besoins. Ceux encore qui n'arrivent plus à croire en un Dieu qui voudrait du bien aux hommes : n'est-ce pas folie de supplier que soit détourné un ouragan, éteinte une pandémie, enrayé un cancer ?
Ce livre leur offre la chance de découvrir que la prière n'est pas ce qu'ils croient, ni « Dieu » non plus. Il entraîne assez loin des sentiers battus par les amateurs de certitudes pieuses, de formules rassurantes parce qu'immémoriales. Ce n'est pas un traité de spiritualité, au sens classique du mot. C'est l'œuvre d'un philosophe croyant qui possède aussi bien le catéchisme courant que le discours théologique savant. Prêtre lyonnais, il a une longue expérience du terrain (paroissial, associatif, carcéral), ce qui n'était pas vraiment le cas de Maurice Bellet, ni de Michel de Certeau, qu'il admire fort, lui aussi.
Il s'interroge : « Que faisons-nous lorsque nous prions aujourd'hui ? » Aujourd'hui : c'est-à-dire après avoir pris au sérieux les questions posées par les penseurs « déconstructivistes », autrement redoutables que la vieille mitraille de la libre-pensée ou les affres de « l'humanisme athée » sur lesquelles s'était penché Henri de Lubac. Après avoir pris a...
DÉVELOPPEMENT PERSONNEL ET MÉDITATION CHRÉTIENNE
CHRISTUS N°273
-
Dominique SALIN

En France, la pratique de diverses formes de méditation détachée de tout arrière-plan religieux se répand et promeut une spiritualité sans religion qui s'inspire du christianisme. Cet article propose quelques points de repère pour discerner et appréhender ce qui distingue la méditation chrétienne de ces méditations.
Dans le domaine du développement personnel, l'abondance et la variété de l'offre sont impressionnantes. Au-delà des trucs antistress, une conviction commune semble se dégager : il n'est pas de développement personnel sérieux sans pratique de la méditation – méditation de pleine conscience, méditation transcendantale, yoga, zazen, etc. Quatre millions de Français se sont déclarés pratiquants en 2019.
Mystiques sans Dieu ?
Aux pratiques venues d'Asie s'ajoutent de plus en plus celles qui viennent d'outre-Atlantique : méditation transcendantale et méditation de pleine conscience notamment. Elles s'enracinent souvent dans la pensée des philosophes américains du XIXe siècle, communément appelés « transcendantalistes ». Issus du protestantisme, ces penseurs prônent une vie spirituelle branchée sur la nature et les forces naturelles de l'esprit humain. Cette spiritualité pour personnes dites SBNR (Spiritual But Non Religious) s'inspire du christianisme, mais elle ne repose plus sur la foi au Tout Autre. On reste dans la sphère de la nature et des forces de l'esprit humain, « transcendant » à lui-même. Le dépassement de l'esprit par lui-même et l'accès à la paix i...
POURQUOI LA MÉDITATION NE SUFFIT PAS, BERNARD MINVIELLE
CHRISTUS N°274
-
Dominique SALIN

Cerf, 2021, 204 p., 18 €.
La polémique que fait redouter le titre n'aura pas lieu. L'auteur ne se soucie pas de trouver des insuffisances aux différents types de méditation aujourd'hui à la mode. Il a de la sympathie pour Christophe André, Alexandre Jollien, Matthieu Ricard ou Fabrice Midal, souvent cités. Il suggère simplement qu'avec les « maîtres du Carmel » (en l'occurrence Thérèse d'Avila, Jean de la Croix, Thérèse de Lisieux, Edith Stein, Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus), on va plus loin et plus haut. Il fait sienne la formule de Christophe André : méditer, c'est s'enraciner ; prier, c'est s'envoler (p. 9). Il fait entendre la différence chrétienne en quelques chapitres consacrés à la liberté, l'amour, la vérité, Dieu, l'homme, l'oraison, la mort. Particulièrement inspiré est le chapitre « De Dieu et de ses entrailles ». Il invite à envisager « un monothéisme hors norme », la foi trinitaire en un Dieu miséricorde, et Jésus de Nazareth « interface vivante entre Dieu et l'humanité ». Les problématisations qui fâchent restent à l'écart. Il est entendu que, pour Thérèse d'Avila, « le Dieu de l'extase n'est autre que le Dieu de son catéchisme » (p. 108). La sérénité du ton, la simplicité et la limpidité de l'écriture, le choix des citations parlantes et bien contextualisées font de ce petit livre une introduction aisée à la vie spirituelle (la « vie dévote », disait François de Sales), dans une perspective contemplative, bien sûr, mais où tout le monde peut en prendre de...
LA BIBLE DES PAUVRES DE FRANÇOISE CHÊNEAU
CHRISTUS N°275
-
Dominique SALIN

Au Moyen Âge, la méditation des mystères de la vie du Christ faisait l'essentiel de la piété éclairée. En témoignent quelques précieux manuscrits, incunables et imprimés rescapés des ravages de l'histoire. Les aficionados d'Ignace de Loyola connaissent la Vie du Christ de Ludolphe le Chartreux : scènes choisies du récit évangélique éclairées par des commentaires de la tradition. À ce genre littéraire mais, cette fois, tout en illustrations (quarante pages de gravures sur bois, chaque gravure occupant la page entière), appartient la Bible des pauvres, ainsi dénommée au XVIIIe siècle parce qu'elle avait servi de support à la prédication des ordres mendiants, franciscains notamment.
Chaque gravure présente une scène évangélique encadrée par deux scènes de l'Ancien Testament préfigurant la scène centrale selon les principes de la lecture « figurative » ou « typologique » de la Bible, remontant à saint Paul et à Origène. Des médaillons représentant les prophètes concernés et portant les citations de leurs écrits ainsi que des sentences mnémotechniques encadrent ces triptyques. L'ensemble relève d'une lecture savante de l'Écriture mais qui, à terme, s'adressait au bon peuple chrétien, comme il en allait des vitraux ou des chapiteaux de nos cathédrales. L'enjeu était de suggérer que le Christ est « l'unique objet de l'Écriture », comme disait Blaise Pascal, et le centre de l'Histoire.
La Bible des pauvres a d'abord existé à l'état de manuscrits enluminés dès le XIIIe siècle....
MICHEL DE CERTEAU AVANT CERTEAU, CLAUDE LANGLOIS
CHRISTUS N°275
-
Dominique SALIN

Après Pierre Teilhard de Chardin, Michel de Certeau (1925-1986) est le jésuite du XXe siècle le plus lu au monde. Karl Rahner, Henri de Lubac et Bernard Lonergan le talonnent dans les statistiques. Mais la majorité de ses lecteurs ne se soucient pas d'abord de théologie : ils s'intéressent à l'histoire, à la sociologie, à la psychanalyse, à la sémiotique. Ils voient en Certeau un anthropologue inspirant, qui les autorise à ne pas partager les options religieuses normalement attachées à sa qualité de jésuite. Pour eux, « Certeau » commence en 1968 lorsque, coup de cymbale mémorable, sa chronique dans la revue Études le projeta sur l'avant-scène médiatique. « En mai dernier, avait-il écrit, on a pris la parole comme on avait pris la Bastille en 1789. » Le lendemain, la formule faisait le tour des revues de presse. Les livres qui suivirent furent des événements : L'absent de l'Histoire (1973), Le christianisme éclaté (1974), La culture au pluriel (1974), L'écriture de l'Histoire (1975), La possession de Loudun (1978), L'invention du quotidien (avec Luce Giard et Pierre Mayol, 1980) et, quatre ans avant sa mort, La fable mystique (1982), pour ne citer que les plus célèbres.
Mais Certeau n'avait pas attendu d'avoir 43 ans en 1968 pour commencer à penser. Les connaisseurs le savent bien, qui ont lu la copieuse biographie due à François Dosse (La Découverte, 2007). Certains ont même lu, publiés avant 1968, le Mémorial de Pierre Favre et la Correspondance de Jean-Joseph Surin, ai...
PARLERS MYSTIQUES
CHRISTUS N°276
-
Dominique SALIN

Comme toute expérience humaine, l'expérience « mystique » n'est atteignable et communicable qu'en passant par les mots du langage commun. L'écriture en est un moyen qui souvent la déploie. Pourtant, les hommes et les femmes mystiques sont confrontés au paradoxe d'une expérience de laquelle ils sont convoqués à parler et qu'ils éprouvent comme indicible.
Les mystiques chrétiens, demande-t-on, ont-ils une manière particulière de rendre compte de l'expérience spirituelle, la leur ou celle d'autrui ? Quelles seraient les caractéristiques de ce langage mystique ?
« Mystique »
Un accord préalable est ici requis : considérer que l'expérience racontée ou chantée par les mystiques chrétiens n'est pas de nature radicalement différente de l'expérience spirituelle que peut faire tout chrétien de bonne volonté. On laissera donc de côté les « phénomènes extraordinaires » qui fascinent d'ordinaire le public : extases, stigmates, inédie, visions, révélations… autant de formes d'expression propres au langage du corps. Ces manifestations ne sont pas sans intérêt mais, Thérèse d'Avila et Jean de la Croix notamment sont formels, elles ne sont pas essentielles à « l'expérience mystique », elles peuvent même la parasiter dangereusement.
On laissera pareillement de côté la question, insoluble, de la distinction entre le « naturel » et le « surnaturel » dans la vie spirituelle : il est en effet impossible de définir la frontière entre les deux domaines, tels qu'ils se sont esquissés à partir du...
LA SPIRITUALITE EST AMÉRICAINE DE JEAN-MARIE GUEULLETTE
CHRISTUS N°276
-
Dominique SALIN

Éditions du Cerf, 2021, 224 p., 16 €.
Le professeur à l'Université catholique de Lyon (UCLy) s'intéresse à la vogue de la méditation, pratique privilégiée du « développement personnel ». Quatre millions de Français seraient concernés. Plutôt qu'à ses formes asiatiques (yoga, zazen, etc.), le père Jean-Marie Gueullette s'intéresse à celles qui viennent d'outre-Atlantique : méditation transcendantale et méditation de pleine conscience notamment. Il a raison de s'y intéresser : leur succès chez nous pourrait être révélateur d'une sérieuse évolution de ce que l'historien Paul Hazard (1878-1944) appelait la « conscience européenne », à tout le moins de la « conscience chrétienne ».
Ce type de méditation mobilise ceux qui, aux États-Unis, se présentent eux-mêmes comme spiritual but not religious (SBNR, « spirituels mais non religieux »). L'expression remonte à 1926. Ces méditants unchurched (« hors Églises ») sont les héritiers, qu'ils le sachent ou non, des philosophes « transcendantalistes » qui, au XIXe siècle, ont si puissamment marqué la culture américaine : Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau, Walt Whitman et William James notamment. D'origine protestante et enfants des Lumières, en rupture par rapport à leurs Églises, ces penseurs prônent une vie spirituelle exigeante, hors des sentiers battus par les institutions religieuses ; une spiritualité branchée sur la nature et les forces naturelles de l'esprit humain. Pour vivre en paix avec le monde, avec les autres et av...
ACCUEILLIR ET DISCERNER LES GRÂCES DE L'ESPRIT, FRANÇOIS-RÉGIS WILHÉLEM
CHRISTUS N°277
-
Dominique SALIN

Rassemblant des articles publiés dans les revues Carmel et Documents Épiscopat, cet ouvrage souligne d'abord la grâce que représente pour l'Église catholique le Renouveau charismatique, « nouvelle Pentecôte » dont les premiers signes se manifestèrent dès 1967 à l'aumônerie de l'université Duquesne (Pittsburgh, Pennsylvanie). Il rappelle, documents à l'appui, le soutien que lui ont apporté, après le cardinal Léon-Joseph Suenens, les papes Jean Paul II, Benoît XVI et François. Mais le principal souci de l'auteur est de fournir aux membres du Renouveau des clés de discernement face aux manifestations parfois spectaculaires de la vie dans l'Esprit. Si « l'effusion de l'Esprit conduit à la vie mystique », elle n'abolit pas pour autant les principes de discernement auxquels celle-ci a été soumise depuis les origines de l'Église.
C'est à la tradition du Carmel que fait appel le père François-Régis Wilhélem, sans surprise, puis qu'il est membre de l'Institut Notre-Dame de Vie (Vénasque). Face aux complaisances excessives dans les « phénomènes extraordinaires » (guérisons, sommeils mystiques, révélations, prophéties, etc.), l'auteur rappelle l'extrême prudence, pour ne pas dire plus, qu'a toujours manifestée Jean de la Croix, qu'il cite abondamment (Montée du Carmel, II, ch. 11 et 17). Il ne craint pas de citer aussi l'étonnant dossier publié au XIXe siècle par le pasteur presbytérien puis congrégationaliste Charles Grandison Finney sur « les excitations malsaines dans les réveils...
L'APPRENTISSAGE DE LA LIBERTÉ, FRANÇOIS ROUSTANG
CHRISTUS N°278
-
Dominique SALIN

Odile Jacob, 2022, 640 p., 35 €.Directeur de Christus depuis 1962, François Roustang (1923-2016) prit congé de l'ordre jésuite et de la foi chrétienne en 1966, à la suite d'une chronique de quelques pages qui ne cassait pas trois pattes à un canard, mais avait suscité l'ire du pape Paul VI et, conséquemment, la panique dans les rangs de la hiérarchie. Roustang s'était borné à constater qu'en plus du ravi de Vatican II et du nostalgique de l'ordre chrétien, il fallait désormais compter avec un « troisième homme », absentéiste de plus en plus fréquemment mais peu porté à se manifester, un individu aux yeux de qui la foi chrétienne avait perdu toute pertinence, parce qu'elle ne parlait plus à sa condition d'homme moderne.L'affaire et l'enjeu du « troisième homme » ont fait l'objet, voilà quatre ans, d'un livre publié à l'initiative d'Ève-Alice, fille de François Roustang. Remi de Maindreville en a rendu compte dans Christus (n° 262, avril 2019, pp. 114-115). Voici que paraît, toujours chez Odile Jacob, un recueil, non exhaustif mais suggestif, d'articles, de conférences et d'interviews balisant l'itinéraire ultérieur de ce marcheur infatigable, mais apparemment jamais bless&eac...
LA TENTATION DU DÉCOURAGEMENT
CHRISTUS N°270HS
-
Dominique SALIN
« Le démon de mon cœur s'appelle : À quoi bon ? » Sous la plume de Bernanos, au moment où il entame Les grands cimetières sous la lune (Plon, 1938), terrible réquisitoire contre la répression franquiste et l'agenouillement de l'épiscopat espagnol, l'aveu surprend. Tenté par le découragement, lui, l'indomptable, qui aura mené tant de combats contre la bêtise et la veulerie humaines ? Les familiers de son œuvre savent jusqu'où a pu aller, chez lui, la tentation de rendre les armes devant les difficultés du métier d'écrivain et d'abord du métier d'homme.Son exemple – sa foi – nous encourage. Sans avoir peut-être frôlé les mêmes abîmes que lui, nous connaissons trop bien l'affreuse tristesse qui peut nous étreindre au spectacle de nos défaites. Grands ou petits combats, nos luttes contre nous-mêmes ou contre l'entêtement de la réalité peuvent se conclure par un : « Je n'y arriverai jamais ! », ou : « Ce n'est même pas la peine d'essayer », ou : « Après tout, qu'ils se débrouillent sans moi ! », qui, à la longue, enfoncent dans le désespoir.Bernanos aurait beaucoup à nous apprendre. Mais ce n'est pas...
SAINT FRANCOIS DE SALES, DE JEAN-MARIE GUEULLETTE (DIR.)
CHRISTUS N°279
-
Dominique SALIN

Saint François de Sales (1567-1622), ce surdoué de l'apostolat, est probablement, avec François d'Assise, le saint le plus séduisant de l'Église romaine. À l'occasion du quatrième centenaire de sa mort, un savant colloque international a réuni une quinzaine de spécialistes autour de sa figure et de ses écrits, à l'Université catholique de Lyon, les 25-27 novembre 2021. Leurs contributions, substantielles mais de lecture aisée, passent en revue les principales facettes de sa personnalité : le pasteur, le maître spirituel, le théologien soucieux de rendre compte de sa foi et de son expérience spirituelle en face des pasteurs réformés comme de ses ouailles du diocèse de Genève.
Avant toute chose, sa douceur, bien sûr, et le charme de son écriture. De copieuses citations illustrent les divers propos. Mais on peut regretter que manque à ces communications une perspective commune, un angle d'attaque permettant de comprendre l'essentiel : l'extraordinaire fécondité de sa doctrine spirituelle, telle qu'elle se présente dans le Traité de l'amour de Dieu, trop peu lu parce que son début est difficile. Au lieu de dérouler le boulevard d'un itinéraire spirituel bien balisé, comme ses prédécesseurs, persuadé que l'amour est le sens même de la vie de l'homme, François a entrepris de penser l'amour. Or s'il est chose difficile à penser, c'est bien l'amour.
De l'amour le plus égoïste aux formes suprêmes du désintéressement, tout un parcours s'offre à l'homme. Jusqu'à ce qu'il comprenne q...
DU SPIRITUEL ET DU PSYCHOLOGIQUE
CHRISTUS N°276HS
-
Dominique SALIN
Parution initiale dans Études n° 4182 (février 2013).La presse s'est fait récemment l'écho, plus ou moins fidèle, de l'inquiétude des évêques de France devant les risques de dérive et de manipulation présentés par certains types de retraites, de sessions ou d'assemblées de prière proposant des thérapies « psychospirituelles ». Ces pratiques, venues le plus souvent d'Outre-Atlantique, soulèvent des questions de fond : faut-il, ou non, reconnaître des frontières entre « le spirituel » et « le psychologique » ? Lesquelles ? Au nom de quoi ?La perplexité ou le désarroi de beaucoup invitent à proposer des repères aussi clairs que possible sur un terrain complexe, où les controverses sont vives. On voudrait montrer ici qu'il s'agit d'une interrogation typique de l'époque moderne ; que, certes, dans l'unité de la personne, le spirituel et le psychologique sont intimement mêlés ; mais qu'aujourd'hui comme hier, une distinction s'impose dans la manière de penser l'expérience spirituelle comme aussi sur le plan des pratiques : pratiques psychothérapeutiques, pratiques de la direction spirituelle et pratiques pastorales en général1.Une interrogation moderneUn contem...