Denis Vasse

LE PARDON ET LE SENTIMENT DE CULPABILITÉ
CHRISTUS N°216
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Denis Vasse
Il est difficile de parler du pardon. Car il ne s’argumente pas. Je veux dire qu’il ne se déduit d’aucun raisonnement logique. Il n’a aucune raison. Si le pardon obéit à l’amour, il n’implique jamais pour autant l’abolition de la loi et de la justice 1. Au contraire, si les bras qui s’ouvrent pour nous accueillir à nouveau sur le chemin du droit et de la justice sont ceux de l’Amour, c’est afin de nous remettre à l’école de la vérité de la vie là où nous avons été entraînés dans les sinuosités du mensonge et de la mort.   Le sentiment de culpabilité Entraîné dans cette voie, l’homme va jusqu’à croire qu’il est l’auteur, voire l’origine de l’amour. Comme il le dit, il se « construit » lui-même une vie ou il « fait » l’amour pour s’assurer de « sa » puissance. S’il n’a plus ce sentiment de puissance, voire de toute-puissance, il se sent abandonné et douloureusement incapable d’aimer. Lorsqu’il n’est plus sous l’emprise plus ou moins consciente de sa volonté propre, il se sent impuissant à se donner. Sauf à faire semblant, bien sûr. Mais alors, plus il éprouve cette impuissance avec force, plus il ali&egrave...
Mots clés : Amour Culpabilité Discernement Faute Mensonge Pardon Parole de Dieu Parole d’homme Péché Psychologie Vérité
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LA PAROLE, LA CHAIR ET LE NOM
CHRISTUS N°197
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Denis Vasse
Dès lors que l'homme est conçu dans une rencontre, au creux des entrailles de la femme la parole se fait chair. La parole incarnée distingue le genre humain des autres espèces. Dans le genre humain, la Vie s'engendre et se révèle. Elle parle. Et en parlant le monde, elle le fait vivre. L'homme est un dans cette différence-là : son nom est sa chair. Dès que le corps n'est plus animé par le souffle de la parole par l'esprit il n'est plus un homme de chair et de sang. C'est si vrai qu'il suffit qu'un nouveau-né reste insensible à la voix ou ne sourie pas pour que les parents se trouvent remis en cause dans leur identité d'hommes. L'homme naît à la vie lorsqu'il est appelé par son nom dans un corps : il est engendré. « C’est pourquoi, en entrant dans le monde le Christ dit : Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation, mais tu m'as façonné un corps. (...) Alors j'ai dit : Voici, je viens, car c'est de moi qu'il est question dans le rouleau du livre pour faire ô Dieu, ta volonté" » (He 10,5.7). Osons la métaphore : la chair est le rouleau du livre dans lequel s'inscrivent les vivants. Nous éprouvons notre naissance comme la paradoxale initiative d'une réponse à ce qui parle en nous. Quand l'homme obéit à ce qui parle en lui en esprit et en vérité, il fait l...
Mots clés : Amour Chair Corps Désolation Enfant Grâce Haine Incarnation Joie Mensonge Père Parole de Dieu Parole d’homme Paternité Psychologie Vérité Désir
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LA FOI EN LA PROMESSE
CHRISTUS N°193
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Denis Vasse
Seul le Vivant peut promettre la Vie aux vivants. Ce Vivant est l'Amour. L'Amour est le don de la Vie en acte. En lui se réalise originairement la communion des vivants dans la Vie qu'ils reçoivent. La promesse assure de la réalisation à venir d'une vie donnée à l'origine Se fier à la promesse de l'Amour, c'est croire en celui qui me l'a déjà donnée II est Dieu. Vivre pour Dieu, c'est être le Verbe qui se fait chair. Celui en qui se conjugue le Verbe et la Vie est le Père de tous les vivants qui se révèle dans la chair de son Fils. La promesse est la parole qui soutient la vie de la chair dans le temps, où elle fait l'expérience du mensonge et de la mort. Elle autorise l'homme à croire que ce qu'il ne peut accomplir, quand bien même il le voudrait, se réalisera grâce au désir qui l'habite « Vouloir le bien est à ma portée écrit saint Paul, mais non pas l'accomplir. » Il croit à l'accomplissement de la promesse de Dieu dans le moment même où il reconnaît en lui ce qui y met obstacle, sa propre volonté et/ou son amour propre Et Paul de continuer : « Si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi. » L'interdit, lui, est du côté de la Loi dont les articles indiquent ce...
Mots clés : Chair Enfant Foi Images Loi Mensonge Obéissance Parole de Dieu Parole d’homme Péché Promesse Psychologie Vérité Vocation Temps Désir
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LE MYSTÈRE DE LA PROXIMITÉ
CHRISTUS N°182
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Denis Vasse
L'inquiet ne trouve pas le repos. Il est troublé/agité. Il remue sans cesse et dans son corps et dans son esprit. Il a peur. L'inquiétude se caractérise par l'impossibilité de consentir au repos là où seulement l'homme peut y accéder : dans l'iri et le maintenant d'une rencontre qui l'assure ou qui le rassure en l'attirant dans l'amour.   Vivre est un repos Ne pas être inquiet pour un bébé, c'est être sûr, en sa chair, des bras qui le portent comme du ventre qui l'a iporté, et partant c'est la possibilité, en son esprit, de se confier à la parole qui l'appelle à la vie dans la rencontre. Ce qui est inquiétant, en effet, est ressenti comme étrange ou dangereux. Dans l'inquiétude, la rencontre n'est plus ressentie par les sens comme une présence prometteuse de vie ou de reconnaissance Avant même qu'il en ait conscience, dès le commencement, le bébé éprouve la rigidité des mouvements de la mère ou le mensonge du père comme une insécurité. Quand bien même la préoccupation maternelle prétend être une forme de l'amour, l'enfant ne peut y croire. Il ne peut plus se confier à la voix qui lui promet la vie. En elle, il ressent l'angoisse cachée et la peur de vivre. Impossible de sourire, de répondre, de croire &mdas...
LE MAL-ENTENDU
CHRISTUS N°266HS
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Denis Vasse
Dès les premières pages de la Genèse, la suggestion venimeuse du serpent – dans l'interprétation de la parole de Dieu adressée à l'homme et à la femme du premier couple – nous fait découvrir, dans le malentendu, le poison du mensonge. Dans le troisième chapitre, ce malentendu témoigne de la structure de l'homme pécheur. Le péché touche en elle à l'essence même de la parole : il la détourne de sa source, de son origine. Il lui fait perdre son sens. Pour découvrir en quoi consiste ce mal entendu, il nous faut relire ce texte pour voir ce qui est dit et ce qui est entendu. Il a vraiment été écrit pour mettre en valeur la différence entre les deux.Le menteur dès l'origineLe mythe de la Genèse met en scène ce mystérieux serpent des origines, nu et rusé. Laissons là ce qu'il peut signifier pour écouter ce qu'il dit à la femme : « Alors… Dieu a dit… » Voilà une entrée en matière qui nous évoque bien des choses. Reprendre ce qu'un autre a dit lorsqu'on s'adresse à quelqu'un, c'est l'occasion d'instiller le doute sur ce que ce quelqu'un a compris ou de suggérer une arrière-pensée dans l'esprit de celui que l'on cite. La citation est interprétée par celui qui cite selo...
DE L'ISOLEMENT À LA SOLITUDE
CHRISTUS N°254HS
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Denis Vasse
L'homme moderne a beaucoup de mal à être seul. Paradoxalement, il éprouve autant de difficultés à entrer en relation véritable avec ses plus proches qu'à supporter la solitude. Le goût effréné – jusqu'au snobisme – du « dialogue », de la « dynamique de groupe », de tout ce qui touche à la psychanalyse exprime l'impossibilité qu'il ressent à communiquer avec autrui tout comme son impuissance douloureuse à rentrer en lui-même. Constamment, il oscille entre la conformité d'un anonymat qui le dissout dans la foule et le retrait de l'isolement par lequel il s'affirme contre elle. Mais l'une et l'autre attitudes lui sont insupportables. Tout se passe comme si l'homme d'aujourd'hui était frappé d'une double incapacité : celle de vivre avec les autres et celle de vivre seul. Pas plus qu'il ne se supporte, il ne supporte les autres. Ronde infernale qui lui fait désirer indéfiniment d'être ailleurs que là où, précisément, il se trouve.Les exemples foisonnent. L'époux muet à la maison, inattentif à la toilette de sa femme ou à la couleur de ses cheveux, devient, dès que, pour une raison quelconque, il est séparé de son foyer, l'auteur passionné de lettres d'amour qui n'omettent aucune délicat...
LE TEMPS DU DESIR
CHRISTUS N°276HS
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Denis Vasse
Parution initiale dans Christus n° 54 (avril 1967).Il est difficile de dire ce qu'est la prière. Cela ne suffit pas, pourtant, à la ranger définitivement dans le grenier des choses ineffables où tout est organisé selon le secret des souvenirs du cœur, dans la trame d'une intuition qui échappe à tout discours. S'il est vrai qu'elle est irréductible à une définition purement intellectuelle, ce n'est pas pour autant que nous sommes autorisés à nous réfugier derrière le « mystère », paravent de la paresse ou de l'ignorance dont les chrétiens ont parfois abusé afin de se protéger des questions indiscrètes venues du dehors ou surgies du dedans.Qu'on s'y adonne ou non, qu'elle soit éprouvée comme bienfaisante ou ridicule, la prière évoque, pour tous, ce temps d'arrêt qui permettrait la « mise en présence » de Dieu. Lorsque, à l'orant, on pose la question : « Pourquoi pries-tu ? », il répond qu'il en a besoin pour vivre, pour alimenter sa foi, etc. Interrogé sur l'oraison, celui qui ne prie pas rétorque : « Je n'en ai pas besoin pour… » Dans les deux cas, la réponse a le goût du besoin. Si la question posée amorce une conversation, il est l...