01 JANVIER 2013
-
Il avait un physique de taureau. Un taureau de combat. Un toro bravo. Il avait du poil dans les oreilles, dans les narines, absolument partout. On avait toujours l’impression que la fumée lui sortait des naseaux. Il beuglait dans le bloc et tout le personnel était tétanisé. De crainte et d’admiration. Il avait des mains comme des battoirs et des doigts de fée.
Dans le service de chirurgie infantile, il était responsable de toute la partie plastique, reconstructrice et esthétique. Il partageait son prénom et son pays avec Picasso ; mais lui, il défaisait les picassos que la nature avait faits : il réalignait les yeux, redressait les bouches, suturait les lèvres, reconstruisait les mandibules manquantes, redessinant ces petits visages abîmés. Patiemment, lentement, il remettait de l’ordre et du beau. Si Dieu a fait l’homme à son image, alors il était les doigts de Dieu.
J’ai effectué dans ce service un de mes premiers stages d’externe. Le sort tombant toujours sur le plus jeune, c’est à lui que j’ai été affectée. Tétanisée de crainte et d’admiration, comme tout un chacun…
Dans les tout premiers jours, on est venu lui annoncer au bloc la naissance d’une petite fille atteinte d’une grave malformation : « Je la prends ce soir, et tu viens avec moi...