LE PETIT DE L’HOMME
CHRISTUS N°217
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Chantal Leroy
Ce thème fait remonter à ma mémoire deux dessins qui frappèrent mon imagination d’enfant dès que j’eus accès à la bibliothèque de mon grand-père. Le premier représentait un enfant qui regardait le lecteur en pointant du doigt un cortège d’importants personnages ; une légende traduisait son exclamation : « Mais le roi est tout nu ! » L’autre image montrait une petite fille en guenilles, blottie sous une porte cochère ; les yeux fermés, elle souriait et il était écrit : « Tout le monde ignora les belles choses qu’elle avait vues. »
On aura reconnu les deux contes d’Andersen : Le costume neuf de l’empereur et La petite fille aux allumettes. Que la fillette soit morte, ne me frappait pas. À l’époque, je ne savais pas ce qu’était la mort. Mais le rêve ! Le rêve, oui, je savais ! Son sourire délicatement souligné par l’artiste me fascinait. Ses visions magiques lumineuses étaient miennes, comme l’était ce regard de connivence du petit garçon dont les grands yeux me fixaient et partageaient avec une acuité naïve et impertinente une réalité que nous étions tous les deux seuls à voir. Je passais à côté de la morale des contes : c’étaient leurs...
Mots clés :
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Corps
Enfant
Epreuve
Mal
Sagesse
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PIERRES TOMBALES MÉDIÉVALES
CHRISTUS N°215
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Chantal Leroy
Desclée de Brouwer, coll. « Patrimoine vivant », 2006, 110 p., 20 euros.
Manifestation matérielle des relations de l’homme à la mort, des questions de sens et de croyances en l’Au-delà, l’art funéraire se déploie sous tous les horizons depuis les temps immémoriaux. Paradoxalement, il est aussi l’expression des relations entre les vivants eux-mêmes. Après un résumé très succinct et très didactique des sarcophages païens et chrétiens de l’Antiquité et du HautMoyen-Âge, Xavier Dectot en vient très vite à la période dont il est spécialiste : le milieu du XIIe siècle. Deux phénomènes en font une période charnière pour l’histoire des monuments funéraires. Le premier : les conceptions de Suger en matière d’art monumental, mises en oeuvre dans la construction du chevet de l’abbatiale de Saint-Denis. Le second repose sur l’évolution des mentalités et des conceptions religieuses envers l’Au-delà, en particulier l’émergence d’une incertitude.
Ce dernier trait est particulièrement intéressant, car il touche l’histoire de la spiritualité. Si l’avènement du Purgatoire, lieu intermédiaire entre Paradis et Enfer, est bien connu grâce...
FAIRE VOIR L’INVISIBLE
CHRISTUS N°214
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Chantal Leroy

Labor et Fides, coll. « Nouvelle piste », 2005, 112 p., 18 euros.
Ce petit ouvrage se présente comme un parcours pédagogique lumineux, audacieux et original.
Audacieux quand on y lit sous la plume d’un protestant que si la Réforme ne s’était pas laissé absorber dans la défense presque exclusive d’une théologie de la parole, peut-être n’aurait-elle pas perdu cette dimension que l’Église ancienne connaissait si bien de la beauté comme signe de la présence de Dieu, au quotidien. Et l’auteur d’ajouter qu’elle aurait pu et dû développer les potentialités esthétiques de la pensée de Calvin : l’art comme don de la grâce de Dieu, le déchiffrement du quotidien comme trace du travail de Dieu au coeur de l’homme. La peinture flamande, dit-il, plongée dans les réalités les plus banales, en témoigne admirablement.
Quant à l’originalité, elle se déploie dans l’ouverture de cette réflexion à l’art moderne et contemporain. Après avoir résumé rapidement les grands débats théologiques et leurs tensions depuis Nicée II, Fuchs en déduit des clés de compréhension théologiques pour cet art émancipé des traditions chrétiennes....
« VOICI L’HOMME » & AU COEUR DU SENSIBLE : JEAN-MARIE TÉZÉ
CHRISTUS N°213
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Chantal Leroy
« Voici l’homme », Éditions facultés jésuites de Paris, 2006, 85 p., 35 euros (livre + CD). Yves Aubrée
Au coeur du sensible : Jean-Marie Tézé, Province de France (diffusion : Éditions facultés jésuites de Paris), 2006, 80 mn, 24 euros.
En cette année anniversaire, les éditions jésuites nous livrent deux cadeaux, et pas des moindres. Le premier est une double analyse du Miserere de Rouault et de la Via crucis de Liszt, accompagnée d’un magnifique CD, qui permet d’écouter Liszt, tout en contemplant pour la première fois l’intégralité des 58 gravures du Miserere. Le second cadeau, un DVD, est une promenade au coeur de la création artistique avec Jean-Marie Tézé, jésuite et enseignant au Centre Sèvres, où le spectateur est entraîné parmi les chefs-d’oeuvre anciens de l’art chrétien, l’art impressionniste, Cézanne, et jusque dans l’intimité de son propre atelier de sculpteur. Mais, on le devine, cette brève présentation est loin de refléter l’essentiel. Car ces deux oeuvres sont elles-mêmes créations.
Ces créations ne résident pas dans le rapprochement de deux génies, Liszt et Rouault, aussi réussi soit-il. Comme elles ne sont pas dans la remarquable m...
MANESSIER & ROBERT MORRIS & AURÉLIE NEMOURS & RABINOWITCH
CHRISTUS N°211
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Chantal Leroy
Manessier, Ereme, 2003, 64 p., 13 euros
Robert Morris, Ereme, 2003, 80 p., 14 euros
Aurélie Nemours, Ereme, 2004, 80 p., 13 euros
Rabinowitch, Ereme, 2004, 80 p., 13 euros
Manessier le dit d’entrée de jeu : ses verrières sont un itinéraire pour l’âme. Il ne les a pas arbitrairement juxtaposées. Du prélude de la Sainte Cène et de l’Annonce de la Pentecôte jusqu’à l’éblouissement pascal du Matin de Pâques, il en a pensé le graphisme et posé les couleurs, selon le parcours spirituel de l’église du Saint-Sépulcre d’Abbeville (Somme), traversant Gethsémani, Chaos et le Crépuscule au soir du vendredi saint. Chacune d’elle livre les ombres et les lumières du chemin de la Croix selon les lueurs variées des heures du jour. Conçue comme un cantique spirituel, la mise en page égrène en regard poésies et oeuvres de Manessier.
Ce qui est donné en exemple avec Manessier se renouvelle à Maguelone (Hérault) où les vitraux de Robert Morris, aux couleurs du ciel, de l’eau et de la terre, et ondulés comme des vagues, forment une osmose transcendante entre la quiétude sacrée d’une église romane et l’espace infini de terre et de mer.
Au prieuré de Salagon (Haute-Provence), c’est le mon...
LA BEAUTÉ POUR SACERDOCE
CHRISTUS N°207
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Chantal Leroy
Presses de la Renaissance, 2004,238 p., 15 €.
Conservateur général du patrimoine, directeur honoraire de l'Ecole du Louvre, président du Comité du patrimoine cultuel au ministère de la Culture, Dominique Ponnau a beau aligner les titres, ce n'est pas en fonctionnaire de la beauté qu'il écrit. Pour autant, qu'on ne cherche pas dans l'ouvrage quelques belles descriptions spirituelles des oeuvres d'art dont on le sait pourtant si familier ; qu'on n'y cherche pas non plus quelques profonds développements sur les rapports entre art et foi. On serait déçu.
Ce n'est pas l'homme de fonction qui parle, mais son être Le sacerdoce qu'il avance, c'est le sien, celui qui lui a été donné un être conduit par la Beauté pour la rayonner Si les confidences hésitent entre intimité et envolées baroques, et se faufilent entre oeuvres d'art et vie quotidienne, c'est que, pour lui, la marée bretonne, l'Harmonie du sou de Baudelaire, la fragilité humaine découverte petit garçon, le Requiem de Verdi, ses blessures d'adolescent, le bleu du Christ de La Hyre, les bleus de Fra Angelico, de Le Sueur, de Poussin, d'Yves Klein, la photo de quatre enfants rieurs... se rejoignent dans un regard purifié à la fontaine de Siloé. Car ce qui fait et qui est le coeur de l'ouvrage, c'est qu'à la Beauté Dominiqu...
LA CHAPELLE SIXTINE
CHRISTUS N°205
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Chantal Leroy
Cerf, 2004, 327 p., 39 €.
Alors que l'on croyait tout savoir sur la Sixtine et que l'on s'habituait aux couleurs restaurées, Michel Masson, sans égard aucun, dessille les yeux du lecteur-spectateur pour l'entraîner dans un itinéraire spirituel tout à fait inattendu. Qui lit ce livre ne regardera plus jamais la Chapelle Sixtine comme avant.
Nous savions qu'en 1473 le pape Sixte IV avait fait construire cette église — qui porte son nom — pour la célébration de cérémonies papales et pour la réunion des conclaves. Ghirlandaio, Botticelli, Le Pérugin, Signorelli, Rosselli en avaient décoré les parois latérales. Nous savions que Michel-Ange en avait peint la voûte en 1508-1512 et qu'il avait recouvert au chevet la fresque du Pérugin par un immense Jugement dernier en 1535-1541. Michel-Ange avait articulé ses œuvres avec celles des murs latéraux afin que tous les regards puissent être « éblouis », non par une mosaïque d'émotions esthétiques, mais par un ensemble sacré. Michel Masson en décrit la puissante orchestration interne qui déstabilise, bouleverse, attire, retient, immobilise celui qui y pénètre. Tout se joue autour de l'autel, lieu de rencontre de l'humain et du divin.
Mais Michel Masson ne nous conduit plus à un savoir. II nous f...
L'ART BAROQUE
CHRISTUS N°203
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Chantal Leroy
Le directeur du palais des Beaux-Arts de Lille, Alain Tapié, a l'art des formules. Lorsqu'il présente l’œuvre de Rubens exposée au musée en ce printemps 2004, il la dit « en compagnie de Jésus » 1. Formule heureuse en sa polysémie, que nous lui empruntons ici. Car si l'auteur en use pour définir l'intimité spirituelle dans laquelle baigne l'iconographie des œuvres du grand peintre baroque, elle lui permet de façon subtile d'en désigner la source : la spiritualité des jésuites avec laquelle Rubens fut en contact depuis son enfance. Or, d'une certaine manière, Tapié l'avait déjà introduite en intitulant une exposition au musée des Beaux-Arts de Caen dont il était alors directeur : « Baroque, vision jésuite, du Tintoret à Rubens » 2.
A la nuance près, et d'importance, qu'elle y cultivait l'équivoque. Apposée au baroque en général, s'applique-t-elle à la période traditionnellement déterminée par l'histoire de l'art (fin du XVIe siècle, jusque vers 1760, un peu plus tard selon les pays) ou au baroque au sens de goût pictural, de répertoires iconographiques, de politique architecturale ? Et puis, la « vision » de qui ? Des artistes du XVIIe siècle ? Des jésuites de l'époque, de leurs...
Mots clés :
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Corps
Eglise
Exercices spirituels
Images
Imagination
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FIGURES D'ANCIENS DANS L'ICONOGRAPHIE BIBLIQUE
CHRISTUS N°196
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Chantal Leroy
Juin 2001. L'année universitaire s'achève Un étudiant expose un travail sur le visage à partir de photos prises dans une maison de retraite. Cliché après cliché, les fronts se plissent, les orbites se creusent, les rides s'ordonnent en profonds sillons. Quelle impudence l'a poussé à exhiber ces apparents abîmes quand aujourd'hui tout assure aux visages le droit absolu à la « jeunesse et beauté » ?
Oublierait-il ce clip publicitaire persuasif et récurrent, où un visage féminin de tableau de maître se craquelle sous le vernis vieillissant, tandis qu'une crème miracle lui restitue sa pureté inaugurale ? Et surtout, quelle inconscience ou provocation l'a conduit à cette vision incongrue, « humaine, trop humaine », à l'issue d'un cours sur l'œuvre d'art ? L'art n'est-il pas un lieu d'éternité que l'irruption du temps violente ? Mais l'étudiant s'obstine Et, peu à peu, les visages émaciés, livrés sans défense, libèrent le regard habituel et hâtif. S'introduit une vision nouvelle. Cette vision, que les contemplatifs partagent avec les artistes, restitue l'énigme de la métamorphose des choses, dans l'intuition que beauté et abîme se rejoignent par-delà les poncifs esthétiques et, dans le cas du visage au-d...
Mots clés :
Art (cinéma, peinture, sculpture)
Corps
Dieu
Expérience spirituelle
Paternité
Vieillir
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LA REDÉCOUVERTE DE L'ICÔNE
CHRISTUS N°194
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Chantal Leroy
Préf. A. Bloom. Ed. L. Ouspensky. Trad. J -C. Larchet. Cerf, 2001,94 p., 39 €.
Les chrétiens de l'Eglise occidentale n'ont pas toujours conscience de la redécouverte que fit l'Eglise orthodoxe de sa Tradition iconographique. Car même si, depuis la fin du XIX, voire depuis les années 1860, les icônes avaient été reconnues par les artistes et les historiens, leur sens théologique semblait perdu depuis plusieurs siècles, et avec lui leur enjeu fondamental.
Emigré russe arrivé en 1926, artiste-peintre évoluant dans le Montparnasse artistique des années trente, athée convaincu, Leonid Ouspensky fit un jour, avec son ami Georges Krug, le pari de peindre une, puis des icônes. C'est alors que son regard et sa sensibilité d'artiste lui firent prendre conscience de l'unicité esthétique, iconographique et théologique de l'icône. Les deux amis artistes se convertirent. Ouspensky mit son art et sa pensée au service du Sens de l'icône, selon le titre que reçut la publication de ses recherches en 1952, et de sa Théologie de l'icône, cours publiés en 1960.
L'originalité et la grandeur de son oeuvre iconographique tient précisément dans cette redécouverte de l'icône authentique qui seule permet de créer des oeuvres nouvelles, conformes à la Tradition...
VINCENT VAN GOGH
CHRISTUS N°193
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Chantal Leroy
Marne, coll. « Un certain regard », 2000, 149 p., 30 €.
Il faut toujours prêter une attention particulière aux sous-titres. Celui qu'a choisi Claude-Henri Rocquet annonce, commente et résume et son propos et l'oeuvre de Van Gogh. Alors qu'on croyait tout savoir sur le peintre, une toile s'expose ici, éblouissante. Et, de l'éblouissement, il en est comme du feu : ou bien il vous consume, ou bien il vous éclaire ; de toute façon, il purifie. Le Champ de blé aux corbeaux de Van Gogh, non dernière toile mais dernier soleil, est ce feu. Le tableau « ultime et testamentaire », peint à Auvers, en juillet 1890, nous dit la vie de Van Gogh, sa pensée, sa détresse, sa solitude, sa foi. Elle est la « Passion » que Vincent a renoncé à peindre et qui s'embrase ici dans l'alchimie mystérieuse des couleurs, noir des corbeaux, bleu de l'orage, doré du blé, vert inextinguible de l'herbe des bords du chemin. Mais on n'atteint pas ces rivages ultimes sans être passé par de longs méandres. Aussi est-ce de façon très symbolique que l'auteur montre au début de son ouvrage un autre Champ de blé, dit à l'alouette. En 1887, le blé y était vert et l'oiseau y passait comme une âme portée par le vent.
Entre les deux ? C.-H. Roquet n'expose pas l'oeuvre de Van...
MÉDITATION PRÈS D'UN JARDIN & UNE LEÇON DE TÉNÈBRES
CHRISTUS N°192
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Chantal Leroy
Méditation près d'un jardin, Préf. X. de Chalendar. Médiaspaul, coll. « Les jardins du regard », 2000, 104 p., 95 F.
Une leçon de ténèbres, Préf. D. Ponnau. Mêmes références, 94 p., 95 F.
Corinne Louvet met son érudition et ses connaissances artistiques au service d'une contemplation spirituelle d'un tableau de Van Eyck. Sous sa plume, le pinceau du peintre et son art de la miniature nous offrent une « méditation » silencieuse sur la création, sur l'infiniment petit et l'infinie grandeur du mystère de l'Incarnation
De même, Michel Brière, dont le but avoué est de proposer une meilleure pénétration du mystère chrétien par la médiation esthétique d'un Christ de Philippe de Champaigne. Une « leçon » sur la chair, sur le sommeil du vivant et le mystère de la Résurrection.
Conçus de telle façon qu'il est possible de garder sous les yeux la reproduction de l'oeuvre tout au long de la lecture, ces deux petits ouvrages cherchent « moins à expliquer qu'à impliquer le regard et tout le corps » à l'heure où la surconsommation d'images émousse noue regard
LES ÉMAUX DE LIGUGÉ
CHRISTUS N°191
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Chantal Leroy
Préf. D. Ponnau. Siloé, 1999, 189 p., 290 F.
Il en est des livres comme des amis. Certains d'entre eux nous provoquent à une telle densité d'émotion que l'on se sentirait coupable de les délaisser, surtout lorsque ce livre est, comme le dit Dominique Ponnau, une offrande.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, une véritable frénésie pour les arts du feu s'empare des grands peintres de l'époque. La céramique, la poterie, les émaux deviennent soudainement des techniques à la mode. Serait-ce parce que la fusion des éléments, les reflets de la lumière et de la terre, le souffle et l'onde qui se répandent sur le métal coloré, le feu, sont les lieux mêmes de toute quête de réalité et de spiritualité ?
Certes, l'art des métaux, à partir de plaques de cuivre ou d'argent, de poudre d'oxyde, de feu, est le lieu même de la fascination de l'immatériel, du ravissement. Juxtaposer un trait pensé et maîtrisé dans un acte vrai et modeste, quel grand artiste aurait pu s'y refuser ?
Plus que des nouvelles possibilités expressives, ces vibrations chromatiques, où la matière est transfigurée, sont langage d'artiste autant que de prêtre. Les bénédictins de Ligugé l'ont compris.
RAYONNEMENT DE BYZANCE
CHRISTUS N°189
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Chantal Leroy
Zodiaque/Desclée de Brouwer, coll. « Les grandes saisons de l'art chrétien », 1999, 528 p., 650 F.
L'érudition des auteurs et leur mérite à présenter clairement l'extrême complexité des interpénétrations historiques et artistiques des civilisations byzantines font de ce volume une oeuvre magistrale. Outre la qualité et la richesse des reproductions, l'ouvrage est remarquable par son orientation spirituelle. De fait, c'est de rayonnement qu'il s'agit, et non d'histoire de l'art byzantin. Qu'est-ce à dire, sinon qu'on entrera dans cet art avec la certitude que les contextes et évolutions politiques, architecturaux, décoratifs, liturgiques et théologiques, sont à penser ensemble. Une réalité qui a contribué à la pérennité de l'esprit byzantin hors des frontières de l'Empire, de Ravenne à la Russie, de la Scandinavie à l'Ethiopie et du VT au xv* siècle.
Tania Velmans, qui a pris en charge les fresques et les mosaïques, ne l'explique pas autrement. Tout est symbole : les couleurs, l'or (qui transporte les personnages dans le monde transcendant), les perspectives (qui s'inversent en déversant le ciel sur la terre) ou les formes (qui vont spiritualisant le corps et l'esprit). Dans la seconde partie, Vojislav Korac et Marica Suput n'en disent pas moins quant aux structures...
VIERGES NOIRES
CHRISTUS N°188
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Chantal Leroy
Collab. J.-P. Cassagnes. Editions du Rouergue, 1999,254 p., 119 F.
Laissant à d'autres les hypothèses ésotériques (sans pour autant les ignorer), l'auteur s'anête avec le lecteur devant le secret de ces statues « immobiles ». Leurs origines essentiellement rurales, leurs présences dans des villages perdus, des petites chapelles ou en pleine nature, laissent à penser qu'elles sont issues de civilisations marquées par la transcendance religieuse. L'arbre la source, la grotte sont leurs lieux ; le taureau, l'enfant, le berger, leurs amis. Anonymes ou taillées par d'illustres sculpteurs, guérisseuses ou guerrières, romanes, gothiques ou renaissantes, les Vierges noires traversent le temps et l'espace jusqu'au lointain Nouveau Monde. L'illustration abondante privilégie le regard et la contemplation esthétique sur les mythes ou mystères pour initiés.
LA COLOMBE ET LE SERPENT
CHRISTUS N°188
-
Chantal Leroy
ANTONELLO DE MESSINE
CHRISTUS N°186
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Chantal Leroy
Trad. F. Liffran. Gallimard/Electa, coll. « Maîtres de l'art », 1998, 155 p., 280 F.
On ne lit pas cet ouvrage on le contemple. En plein Quattrocento, entre Naples et Venise Antonello de Messine est bien un maître de l'art. Aux alentours de 1457, l'atelier du peintre est le premier et le seul à s'imposer en Sicile en particulier à Naples où les règnes successifs de René d'Anjou et d'Alphonse V d'Aragon se révèlent d'étourdissants manifestes esthétiques. Auprès de son maître Colantonio, qui jouit de grandes faveurs dans les milieux culturels les plus avancés, Antonello se forme et fait son miel de tout ce que cette ville contient alors de vitalité artistique. A la manière picturale de la Renaissance italienne, à la technique flamande dite « ponentine » de la peinture à l'huile il joint les expressions plastiques bourguignonnes et provençales, sans compter la culture et le répertoire humanistes.
C'est à juste titre que l'auteur insiste alors sur les commandes vénitiennes de portraits que la remarquable présentation pleine page permet de contempler à loisir. Ce chapitre est le joyau spirituel de l'ouvrage, car ces portraits sont précisément le lieu où, « par une magie dont Antonello est l'unique dépositaire », s'exprime l'alchimie des él&...
L'ART BYZANTIN
CHRISTUS N°184
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Chantal Leroy
Terrail, 1999, 208 p., 149 F.
Aux confins de toutes les cultures occidentales et orientales, antiques et médiévales, le monde byzantin sut faire son miel des influences religieuses ou païennes Mais ce n'est pas tant pour conjurer la complexité des faits que pour épouser l'identité de l'art byzantin que l'auteur suit d'aussi près la chronologie historique Dès 324, quand Byzance prend le nom de Constantinople et que naît un premier art byzantin, l'architecture comme l'art décoratif sont autant affirmation ostentatoire du nouvel Empire (manifestation cultuelle d'un christianisme vivant intégré au sein d'une société grecque et romaine) qu'expression spirituelle de la beauté formelle Les ors des coupoles, la figure impériale du Pantocrator, les processions hiératiques des vierges et martyrs, le raffinement des ivoires et le luxe des miniatures. . ne se comprennent que confondus dans cette commune espérance politique universelle et dans cette quête spirituelle d'éternité.
Victime de confusions et de préjugés, l'art byzantin est souvent maintenu dans les limites de l'« art religieux » En insistant sur son identité originale « politico-théologico- religieuse », l'auteur montre combien elle éclaire pour une part sa Uagique solidarité au temps du fameux affrontement dit &l...
EN L'HONNEUR DE MARIE : LE MAÎTRE DE MOULINS
CHRISTUS N°183
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Chantal Leroy
Photos : Q. Dagli Orti. Marne, coll. • Cin certain regard », 1998, 117 p., 198 F.
C'est une très belle contemplation mariale que propose Christine Pellistrandi à partir de deux grandes oeuvres : la Nativité dite « au chancelier Rolin » conservée à Autun, et le triptyque de La Vierge en gloire de la cathédrale de Moulins. Ces deux chefs-d'oeuvre, de la fin du XV' siède sont héritiers d'une iconographie typiquement flamande, bien que dominée par une darté formelle et une palette toutes françaises. Ils sont dus à un peintre français dont l'identité incertaine lui vaut le patronyme de Maître de Moulins.
Mais ce qui fait l'originalité de l'ouvrage, et lui donne valeur de lecture spirituelle, n'est pas tant le commentaire artistique de l'auteur que l'« ancrage » de ces oeuvres au coeur des réalités politiques et des transformations artistiques, philosophiques et religieuses de la France du XV* siède, ayant engendré angoisses, peurs, joies ou plaisirs, et qui ne sont guère éloignées des nôtres, sinon dans leurs formes. Or, comme pour mieux « arrimer ses tableaux à son temps », le peintre selon une pratique répandue à l'époque, inscrit les donateurs à l'intérieur même de la vision. L'audace ou la volonté est tel...
FRÈRE FRANÇOIS, LE SAINT D'ASSISE & LES VISAGES DE FRANÇOIS D'ASSISE & ASSISE, LES FRESQUES DE LA BASILIQUE
CHRISTUS N°183
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Chantal Leroy
Frère François, le saint d'Assise, Gallimard-Jeunesse, coll. « Découvertes », 1998, 143 p., 82 F.
Les visages de François d'Assise, Desclée de Brouwer, 1997, 157 p., 260 F.
Assise, les fresques de la Basilique, La Martinière, 1998, 99 p., 195 F.
Lorsqu'elle est dépouillée de romantisme attendri, l'hagiographie gagne en vérité et la sainteté recouvre son poids de réalité. C'est à ces découvertes que nous invitent Gérard Bessière et Hyacinthe Vulliez. Avant d'être saint, mystique et angélique, François Bernadone naît en il 81, fils d'un riche marchand d'Assise et dtoyen d'une ville italienne prospère. Dans ce contexte de liesse et de luxe citadins, le geste de rupture de François se manifeste comme un acte de liberté spirituelle. En quête de « noble dame » et de haut rang, François « tourne bride » résolument vers l'idéal d'« imitatio Christi » qui imprègne alors l'Occident chrétien. Il mendie, prêche, convertit et fait des disdples. Cependant, cette liberté le soumet à bien des épreuves, en le conduisant, lui et ses frères, hors des structures conventuelles et canoniques que l'Eglise du XIII' siècle avait élaborées face à une société en plei...
PIERRE BRUEGEL L'ANCIEN
CHRISTUS N°182
-
Chantal Leroy
Flammarion, 1997, 352 p., 195 F.
Lorsqu'au détour d'une page les auteurs citent le meilleur ami du peintre, Abraham Ortels, ils livrent au lecteur le résumé de leur ouvrage : « Pieter Bruegel a peint de nombreuses choses qui ne peuvent se peindre... Dans toutes ses oeuvres, il y a toujours quelque chose à comprendre en plus de ce qui est peint. » Né vers 1525, Bmegel fit d'Anvers et de Bruxelles, les deux pôles de sa vie. L'époque est alors en pleine évolution politique, intellectuelle, artistique, économique. La chrétienté occidentale est ébranlée dans ses certitudes ontologiques et théologiques. Réforme et Contre-Réforme s'affrontent. Cette grande interrogation philosophique et religieuse transparaît dans les feux, Mascarades et Proverbes qui ponctuent l'oeuvre de Bmegel.
Un deuxième chapitre permet de contempler l'« image bruegelienne », c'est-à-dire la fenêtre par où Bmegel regarde. Les auteurs se font fort de proposer là une véritable pédagogie du regard. Du détail à l'ensemble et de l'ensemble au détail, l'oeil se coule dans celui de Bmegel. Les pondfs et préjugés se défont les uns après les autres : Bruegel le Drôle n'existe pas. Ni satirique, ni paysan, ni révolté social ou religieux, Bmegel est un humanis...
L'EGLISE ET LES ARTS VISUELS
CHRISTUS N°181
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Chantal Leroy
L'article reprend volontairement le sous-titre du remarquable ouvrage de Daniele Menozzi, Les images. L'Eglise et les arts visuels (Cerf, 1991). L'introduction, la bibliographie classée et le recueil des documents les plus significatifs concernant l'attitude des différentes confessions chrétiennes envers les images en font un exceptionnel outil de travail. Les nombreuses références à cet ouvrage pourront être comprises par le lecteur comme une invitation à poursuivre la réflexion. Ajoutons que le présent article ne prend en compte que les rapports de l'Eglise latine avec l'art occidental, ce qui constitue déjà, en soi, un monde...
Notre époque est témoin, d'une manière apparente, d'une effervescence dans le monde des arts et de la culture. On est frappé par l'incontestable engouement pour les visites culturelles, dont l'ampleur, c'est certain, dépasse largement la curiosité, par la multiplication des publications artistiques où s'entreaoisent les divers modes d'expression plastique, littéraire, cinématographique, et la qualité des reproductions qui doue les oeuvres d'art du pouvoir d'ubiquité. D'une manière beaucoup plus radicale, on est saisi encore par l'apparition d'images nouvelles : virtuelles, de synthèse, interaaives... L'effacement des dimensions spatiales et temporelles leur attribue un ra...
QUATTROCENTO & LA RENAISSANCE
CHRISTUS N°181
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Chantal Leroy
Quattrocento, Trad. P. Baillet. Zodiaque/Desclée de Brouwer, coll. « Présence de l'art », 1997, 303 p., 450 F.
La Renaissance, Mêmes références, 350 p., 420 F.
C'est avec Brunelleschi, génie universel, à la fois architecte et sculpteur, que Liana Castelfranchi Vegas nous introduit au coeur de la Renaissance italienne du XV' siècle : le Quattrocento. Epoque fascinante par son profond renouveau culturel, ses questions essentielles et ses débats artistiques, où « l'on cherche à exalter l'homme comme inventeur des arts et métiers ». Ceci se traduit par la place prépondérante accordée aux architectes et aux grands sculpteurs (Alberti, Ghilberti, Donatello...), qui construisent « la cité, lieu d'activité humaine et sociale », et font basculer l'art du côté de la mesure et de la proportion.
Captivant, le Quattrocento l'est encore par « l'enchevêttement des valeurs civiques et des valeurs culturelles », qui fait advenir d'illustres artistes dans les grands centres de mécénat humaniste, en particulier la Florence des Médicis (Botticelli, Lippi, Donatello) et les villes d'Italie du Nord (Mantegna, Tura) Ajoutons que l'auteur fait une part belle à l'intense activité spirituelle illustrée par les grandes « oeuvres de lumière » d'un Fra...