PEUT-ON DONNER SANS CONDITION ?
CHRISTUS N°228
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Cécile RENOUARD

Bayard, coll. « Christus – Spiritualité et politique », 2010, 120 p., 15 euros.
Au croisement de l’anthropologie et de la théologie, d’une belle écriture limpide et d’une grande profondeur, l’ouvrage de Geneviève Comeau propose un parcours spirituel. Discerner, dans les pratiques variées de don, si ambiguës soient-elles, la force de vie inépuisable qui en est la source et s’exercer à la faire circuler, telle est la proposition faite au lecteur.
Chaque chapitre offre l’analyse d’une facette du don : le don est présenté dans la ligne des travaux de Marcel Mauss et d’Alain Caillé, tout d’abord, comme inscrit dans les relations sociales, à côté des échanges seulement utilitaires. Plutôt que de chercher à résoudre l’aporie d’un don totalement gratuit et désintéressé et d’une réponse parfaitement ajustée à un tel don, l’auteur montre comment l’essentiel n’est pas de restituer un bien à son donateur, mais « de prendre à son tour l’initiative du don » à l’égard d’un tiers. C’est entrer dans la « danse du don » à laquelle participent de façon privilégiée les relations d’amitié, et qui peut entr...
ATTITUDES SPIRITUELLES FACE À LA CRISE
CHRISTUS N°227
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Cécile RENOUARD
Matériellement, je ne suis pas touchée par la crise. Ou si peu : le prix des aliments a augmenté, la consommation qui excède un café sur une terrasse d’un bistrot parisien devient un petit luxe. Mais étant religieuse et vivant dans une communauté qui subvient à ses besoins par le travail de ses membres, je perçois combien je suis protégée. Le risque est grand de passer à côté de la souffrance et de l’angoisse de beaucoup d’autres, de différer le moment de choix concrets. La crise, de ce point de vue, me met face à deux immenses défis.
Deux défis
Être des ponts entre pauvres et puissants
Premièrement, pour moi comme pour beaucoup d’autres Français de classe moyenne ou aisée, la crise financière est à la fois présente et lointaine : présente, parce que je sais, par exemple, que notre congrégation a perdu de l’argent placé dans différents fonds d’investissement ; ou encore qu’en France, 13,4% de la population vit sous le seuil de pauvreté et que le nombre de personnes aidées par les banques alimentaires a augmenté de 16% entre juin 2008 et juin 2009 ; parce que j’entends parler des ménages surendettés américains ayant dû quitter leur maison ou encore des retrait&eacut...
Mots clés :
Ascèse
Humanisme
Joie
Justice
Liberté
Pauvreté
Politique
Réalité
Travail
Temps
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DANS LA CRISE FINANCIÈRE
CHRISTUS N°258HS
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Cécile RENOUARD
Pour moi, comme pour beaucoup d'autres Français de classe moyenne ou aisée, la crise financière est à la fois présente et lointaine : présente, parce que je constate ses effets autour de moi. Toutefois, la crise demeure lointaine au sens où les ordres de grandeurs en cause – que l'on parle des mouvements de capitaux ou des bonus des traders – n'ont rien à voir avec les réalités quotidiennes ; au sens où les médias nous annoncent déjà l'après-crise ; au sens, enfin, où je ne suis pas directement menacée. Ceci est bien l'expression du fossé qui s'est creusé entre les gagnants et les perdants du système financier actionnarial, entre les riches et les pauvres, à l'intérieur de nos sociétés depuis plusieurs décennies.Dès lors, le défi est celui, spirituel, d'un engagement volontaire, concret, afin de me rendre plus consciente et plus solidaire de ce que vivent des millions de personnes autour de moi et dans tant d'autres pays, et de lutter contre les structures injustes, en faisant des ponts. En effet, il est important que les religieux œuvrent aux côtés des plus pauvres et entrent en dialogue avec les puissants afin de susciter et d'accompagner les transformations nécessaires pour réduire les inégalités, traiter les causes de la mis&...
SIX PORTES POUR CHEMINER VERS LE BIEN COMMUN
CHRISTUS N°274
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Cécile RENOUARD

L'écologie intégrale ouvre nouvellement la question du bien commun et conduit à nous en préoccuper de manière urgente. Six portes ou six raisons de s'y mettre, en commençant par celle qui nous est la plus accessible. Ce nouveau dynamisme requiert des ressources spirituelles profondes.
Bien commun, biens communs, communs, en commun… Nombreux sont les recours à ces termes par toutes sortes d'acteurs, notamment en cette année électorale : le terme lui-même de République fait écho à la volonté partagée par des citoyens de vivre ensemble en servant l'intérêt général, la chose publique, celle-ci étant comprise, en France, dans une perspective universaliste faisant abstraction des particularismes. Néanmoins, certains tenants d'une démarche des communs dénoncent l'illusion d'une compréhension unifiée du bien commun, parce qu'elle risque toujours d'être l'expression des intérêts des puissants, et nombreux sont ceux qui plaident pour des logiques d'action centrées sur les biorégions, animées par le refus d'une autorité centralisatrice au profit d'une prise en compte des communautés dans des territoires. Peut-on réconcilier ou au moins articuler ces notions, en partant du constat dramatique que « notre maison brûle et nous regardons ailleurs1 » ? Les légitimes débats sur les moyens d'œuvrer à la préservation de la maison commune, à différentes échelles, n'ont-ils pas à garantir d'abord la convergence des combats pour sa sauvegarde ?
C'est ce que la présente contribution cherche à fa...