Albert ROUET

Ancien archevêque de Poitiers (1993-2011), conférencier toujours actif, il est encore l’auteur de nombreux articles et livres. A récemment publié Croire, mais en quoi ? Quand Dieu ne dit plus rien (L’Atelier, 2019) et La Passion de Jésus au long des quatre évangiles (L’Atelier, 2020).
SITUER L'INDIFFÉRENCE
CHRISTUS N°200
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Albert ROUET
Dans une société secouée par de grandes idéologies, la foi est convoquée à se situer et à prendre parti. Ma génération a connu l'affrontement au marxisme et à l'existentialisme Les trois fameux « maîtres du soupçon » (Marx, Nietzsche et Freud) poussaient les chrétiens à répondre, à réagir, donc à rendre compte de leur espérance à la hauteur des contestations et avec une égale ardeur intellectuelle. Certes, le christianisme n'est pas une idéologie, mais il bénéficie, dans le dialogue, de la force de débat qu'elles impulsent. Les idéologies, dit-on, ont trépassé. Rien n'est moins sûr. Cette mort est manifeste pour les grandes pensées qui ont agité les esprits voici déjà plus de quarante ans. Leur succède une autre idéologie, plus largement répandue, mais de moins haute élévation. Une idéologie douce, plastique, tolérante aux variations, sans contenu nettement identifiable, répand un unique style de vie où se mêlent la loi du marché et de la consommation, l'attention méticuleuse aux intérêts particuliers et à l'exotisme le bien-être personnel et des élans humanitaires. Elle passe pour individualiste. Erreur : c'est la soci&ea...
Mots clés : Affectivité Catholicisme Eglise Evangélisation Foi Indifférence Politique Religions Universalité Conversion
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L’HÉRITAGE : UN SOUFFLE VIVANT
CHRISTUS N°233
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Albert ROUET
Mgr Albert ROUET Archevêque émérite de Poitiers. A récemment publié : L’Eucharistie et l’humanité (Anne Sigier, 2008), J’aimerais vous dire… (avec D. Gira, Bayard, 2009), Vous avez fait de moi un évêque heureux (avec É. Boone et M. Taillebois, L’Atelier, 2011). Dernier article paru dans Christus : « Situer l’indifférence » (n° 200, octobre 2003).     Toutes les époques de mutation, surprises par les nouveautés, complexes dans leurs mouvances, traversent des crises de la transmission. Une crise, parce que les usages habituels se grippent ; et une crise de la transmission devant l’obsolescence de pratiques assurées et l’étrangeté de surgissements inattendus. Entre le raidissement et l’accueil, ces moments oscillent, indécis, inquiets, curieux ou apeurés. Notre temps n’y échappe pas. Sa vitesse d’évolution s’accélère à un rythme que l’histoire ignorait jusqu’ici. Que l’héritage des siècles passés soit mis en question ne saurait surprendre. C’est le contraire qui étonnerait ; sauf à s’aveugler de peur. Cette évidence ne conduit pas à tout accepter ni à tout rejeter de ce qui se présente. Elle attend de revenir vers ce qui est transmis :...
Mots clés : Discernement Eglise Liberté Promesse Salut Temps
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INVENTENT CEUX QUI SAVENT PERDRE
CHRISTUS N°271
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Albert ROUET
Aujourd'hui, notre Église en France doit gérer à la fois la perte, la culpabilité et l'avenir. Pour l'auteur, la pauvreté actuelle est d'abord un signe pour inventer des voies nouvelles, sous le sceau de la commune fraternité.Peu de temps après la demande de cet article, la liturgie du mardi de la troisième semaine de l'Avent (15 décembre 2020) faisait lire Sophonie 3, 11-12 : « Tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit. » Le prophète appelle ce peuple le reste (So 3, 13) protégé non par sa puissance, mais par son humilité (So 2, 3). Il rejoint ainsi la théologie du « petit reste » dont la fidélité à Dieu garantit le redéploiement, qu'Isaïe chante avec enthousiasme : « Élargis l'espace de ta tente » (Is 54, 2).Abandonner un rêve de puissanceCes prophéties sont susceptibles de deux interprétations. La première est consolante : l'épreuve qui a provoqué la diminution de la renommée, le déclin de la gloire, n'est pas véritablement une perte, mais une purification, un amaigrissement d'obésité malsaine dont on « se pavanait », pour un nouveau départ nerveux et c...
AMOUR UNIVERSEL OU CHARITÉ CONCRÈTE ?
CHRISTUS N°254HS
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Albert ROUET
Les discours et la conscience chrétiens transportent avec eux un certain nombre d'expressions habituelles sur la charité : « Tant qu'on n'a pas tout donné, on n'a rien donné », « Aimer tous les hommes », « Se faire un cœur à la dimension du monde »… Le vocabulaire plonge avec délices dans la dimension universelle, en compagnie d'adverbes sans nuances : totalement, complètement, jusqu'au bout… On voit bien la valeur incitatrice de ce langage. Il réveille, il stimule, il relance. On devine aussi la culpabilité qu'il fait lever : qui peut se dire en règle avec un tel objectif ? Évidemment personne.On objectera immédiatement qu'il ne s'agit pas d'être en règle, ce qui s'avère impossible, mais d'avancer, de s'améliorer, de se donner de plus en plus… J'entends bien, mais cela ne fait peut-être que reculer le problème au lieu de le résoudre. S'il ne s'agit plus d'être en règle avec un objectif inaccessible, ne vise-t-on pas cependant à être en règle avec une démarche indéfinie ? Voilà bien où commencent les difficultés ! Car, certes, d'un côté, on pose une orientation précise (aimer, se donner, servir) mais, de l'autre côté, vers un objectif si large (tous les...