Deux ouvrages publiés en janvier 2015 permettent de mieux connaître l’originalité et l’ampleur de l’itinéraire d’Yves Raguin. Un livre de spiritualité, édité à titre posthume, et une biographie d’Isabelle Pommel soulignent la cohérence entre les écrits spirituels et l’action missionnaire de ce jésuite mort en 1998, à 86 ans. Il a consacré sa vie à chercher et trouver Dieu dans une rencontre approfondie et créative avec l’Extrême-Orient, « vingt ans en Chine, à Taïwan et au Vietnam » [1].
Les déserts de Dieu « à 95 % autobiographiques » [2] ont été commencés dès 1944, puis mis en forme entre 1960 et 1967 ; ils sont suivis d’un complément au ton très eschatologique intitulé Dans l’attente de la vision.
Les déserts de Dieu racontent les différentes saisons d’un cheminement de foi à la fois linéaire et cyclique ; il est linéaire en ce qu’il évoque les différentes étapes d’une expérience spirituelle bien incarnée dans une histoire et des lieux circonscrits avec clarté. Le croyant n’est pas assis au bord du fleuve, mais il est plongé dans son courant de tout son être comme il sera bientôt immergé en Dieu « fibre à fibre ». Ce cheminement est, par ailleurs, cyclique en ce que la vie spirituelle se déroule à la façon d’une spirale qui intègre mille avancées, interruptions et reculs selon un mouvement d’amplification et d’approfondissement permanent.
S’il ne s’agit pas d’un progrès constant et imperturbable, les hachures et les brisures de la vie spirituelle s’unifient néanmoins avec assurance par la grâce d’un unique et irremplaçable sujet. Cette capacité à dire « je » au nom de Dieu en associant à travers lui la connaissance de l’humanité et l’amour d’un Père unique et transcendant distinguent radicalement la foi chrétienne des sagesses orientales. « Pour le chrétien, la vie est une. Il n’y a pas de nouvelles naissances qui pourraient lui permettre d’expier en revenant