Yves Congar est l'une des grandes figures de la théologie du XXe siècle qui, par ses travaux et ses recherches, a préparé et inspiré le concile Vatican II. Étienne Fouilloux, historien reconnu du catholicisme contemporain, offre ici une première biographie de Congar, à partir de ses recherches dans le Fond Congar de la province dominicaine de France. Jusqu'alors plusieurs théologiens avaient rendu compte du parcours théologique du dominicain et situé ses œuvres dans leur contexte ecclésial, mais il n'existait pas de biographie permettant de suivre l'itinéraire de vie de cet homme.

C'est pourtant tout à fait passionnant. Sa vie nous fait parcourir tout le XXe siècle, avec bien des épisodes tragiques. Enfant, Congar vit en semi-captivité dans la ville de Sedan, sous occupation allemande (1914-1918). Alors qu'il est jeune dominicain, il doit partir en exil en Belgique avec toute la communauté enseignante et étudiante du Saulchoir (1926-1939), à cause de la politique anti-congréganiste impulsée par le Cartel des gauches. Revenu en France en 1939, il est incorporé à l'armée mais, dès 1940, il est fait prisonnier et déporté en Allemagne où il connaîtra plusieurs camps d'internement à cause des activités de prédication et de formation qu'il déploie en captivité. Alors qu'émerge en France la nouvelle théologie et que Congar impulse une manière neuve de penser l'Église et les relations œcuméniques, il doit faire face au durcissement du magistère romain, en particulier celui de Pie XII. Il se trouve interdit d'enseignement, ses publications sont soumises à la censure par le Saint-Office. Censurées, elles ne peuvent être publiées. Il connaît alors une forme d'exil théologique loin du Saulchoir, en étant envoyé à Jérusalem, puis Rome, puis Cambridge. Par ailleurs, dès son internement en Allemagne, une angiomatose médullaire, une maladie invalidante grave et incurable, commence à se faire ressentir. Pour les dernières années de sa vie, son handicap est si lourd qu'il doit consentir à vivre à l'hôpital des Invalides, loin de sa communauté et de la vie conventuelle qu'il aime tant. C'est au milieu de ces épreuves et de ces tensions, que Congar – prêtre, dominicain et ecclésiologue engagé dans l'œcuménisme – trace sa route et qu'émerge sa pensée.

Au fil des pages, le lecteur découvre que Congar n'est pas un théologien en chambre, mais un théologien de plein vent, passionné et sensible, se situant résolument dans la dynamique de la vie nouvelle et contribuant à la théologie de l'histoire en lien avec Marie-Dominique Chenu, un autre dominicain, à la nouvelle théologie, à la théologie du laïcat et du peuple de Dieu, à l'engagement inédit de l'Église catholique romaine dans l'œcuménisme, à la redécouverte du rôle de l'Esprit saint, à l'aggiornamento de l'Église, en particulier avec la célébration du concile Vatican II.

Un livre à lire pour mieux situer dans son contexte l'œuvre théologique immense que Congar nous laisse en héritage, et sa contribution décisive dans l'élaboration des textes conciliaires de Vatican II.