Introd. M. Egger. Trad. F. Lhoest. Cerf, coll. « Le sel de la terre », 2001, 105 p., 10 €.

A homme d'exception, destin d'exception. Mgr Luc (1877-1961) ne raconte pas sa vie : il pose des jalons pour se retrouver lui-même : points saillants d'une existence dans le cyclone de la révolution bolchevique. Prénommé Valentin, l'enfant est élevé dans la foi orthodoxe mais sans pratique religieuse. Jeune homme, il découvre le Nouveau Testament, et une parole de Jésus s'imprime en lui : « Les ouvriers sont peu nombreux.. » (Mt 9,37-38).
Après de brillantes études de médecine, il s'ensevelit dans la campagne russe pour soigner les moujiks. Il pratiquera même des opérations, guidé par le manuel d'un chirurgien français. En 1919, il est à Tachkent ; la Russie bascule dans un bain de sang. Presque immédiatement, l'évêque du lieu lui propose le sacerdoce. Comment est-ce possible ? Les temps sont périlleux, l'Eglise est persécutée, notre médecin, jeune veuf, sort de l'ordinaire : il est professeur renommé, participe à des cercles bibliques où il parle avec une facilité étonnante. La Parole lue il y a quinze ans vibre dans son coeur. En quinze jours de temps, il est prêtre.
Rapidement consacré évêque, notre Valentin prend le nom de l'apôtre médecin : « Luc ». Son odyssée est invraisemblable : arrêté, interrogé, exilé, libéré, acclamé... Et tout recommence ! Il tient, la foi chevillée au corps, priant, prêchant, bénissant, conférant les saints Ordres, soignant, opérant, guérissant Tout à la fois prêtre, médecin et proscrit.
Hitler envahit la Russie. Les communistes font flèche de tous bois : Mgr Luc est immédiatement nommé à un poste important, il sera même décoré et lauréat du Prix Staline. Son parcours se termine comme évêque de Simféropol en Crimée. Douce fin d'une vie tumultueuse dans cette ville située au fond d'un beau vallon sur le Salghir. Ultime affliction : il perd la vue. Il sera canonisé par l'Eglise orthodoxe russe en 2000. Mgr de Simféropol est slave jusqu'à la racine, avec ses espérances, ses joies, ses heures noires et ses faiblesses — d'une audace toute romantique, à couper le souffle
Beau récit, belle et attachante figure, et surtout bel exemple de générosité évangélique et de foi indestructible.