Sarment, 2002, 258 pages, 17,5 €.
 
Le succès du Secours catholique, de ses 800 permanents et 78000 bénévoles, de son efficacité tant en France que dans le Tiers-Monde, aurait pu faire le lit de l'hagiographie de son fondateur. Il n'en est rien, ou si peu. Cette biographie de Mgr Rodhain met en valeur les effets constructifs d'un tempérament spirituel contrasté, revêche, et qui provoqua souvent la méfiance de ses supérieurs ecclésiastiques, notamment au sortir de la guerre.
Le plus intéressant de cette histoire n'est cependant pas l'abondance des événements qui conduisit le petit Lorrain asthmatique et souffreteux de son village natal de Remiremont jusqu'à l'animation d'une des plus importantes organisation humanitaire française, en passant par la JOC et l'aumônerie des prisonniers de guerre. Le plus intéressant se cache dans la façon de concilier la sollicitude, interpellée par les toujours improbables itinéraires singuliers, avec la solitude qui en est le corollaire obligé.
Comment allier l'efficacité organisatrice à la mesure des grands problèmes humains sans tomber dans l'anonymat administratif de la solidarité programmée ?
Un regard superficiel sur la vie de Mgr Jean Rodhain donnerait une réponse en termes de créativité, d'imagination, de dynamisme, d'initiatives accueillantes aux idées d'autrui. Mais la lecture du livre de Christophe Henning suggère une réponse autrement riche, plus profonde, qui emprunte les linéaments d'une dialectique subtile entre la piété et la charité. Seule la charité permet le respect d'autrui dans ce qu'il a d'irréductible. Et la charité se nourrit de piété dans la solitude de celui qui aime vraiment. Les mots, d'ailleurs, importent peu. La justice, si l'on veut bien y voir autre chose que l'ordre de la cité, appelle, nonobstant les contempteurs de la charité, une pareille dialectique.
Ce livre nous redonne la fierté d'une authentique pratique religieuse chrétienne.