Écartons d'abord l'idée, à notre sens malencontreuse, d'une spiritualité féminine comprise sur mode générique, c'est-à-dire laissant imaginer une posture compacte, commune à toutes, et qui, comme telle, pourrait être opposée à une version masculine du spirituel. Ce genre de catégorisation sied bien à la polémique, comme aussi à la misogynie, qui trouve son avantage à ramener l'expérience croyante des femmes à un certain pli de la sensibilité, à quelques stéréotypes, dont les plus louangeurs sont souvent d'ailleurs les plus piégés. En réalité, vivre et croire au féminin nous renvoie avant tout à un volume – espace vaste et aéré – de voix multiples, ayant chacune son grain propre, marquées d'une note personnelle qui se trouve plus souvent absente dans le champ du discours masculin. La raison en est peut-être que, exclues traditionnellement de la charge institutionnelle de produire et de valider les discours théologiques autorisés et normatifs, les femmes ont parlé et parlent plus librement en « Je ». Entendons qu'elles s'expriment sans esquiver ou neutraliser l'enracinement de leur parole dans la vie. Donc au plus près de ce qu'exister comporte d'irréductible singularité autant que d'imprévisibilité, celle de l'inattendu des vents contraires, et celle de la vie malgré tout qui trouve les ressources pour y faire face. Tout ce qui, en somme, met à mal les certitudes immobiles, fait craquer les outres des paroles et des jugements péremptoires, quadrille la vérité, obture l'avenir. En ce sens, on dirait volontiers que les femmes sont particulièrement accordées à l'extra-ordinaire, au sens où le définit Sylvie Germain : « Ce qui sort de l'ordinaire non pas en provenant d'ailleurs, mais au contraire en s'en ex-primant, en s'en ex-udant, en s'en ex-halant », ce que la même plume désigne comme l'« épanchement de l'insoupçonné enfoui dans l'ordinaire ». C'est dire qu'au rebours d'une piété de sage retrait, d'intériorité passive où on a plus d'une fois voulu les confiner, les femmes seraient plutôt à considérer dans leur affinité avec ce que l'expérience de la vie et de la foi comporte de surprise, de déstabilisation, d'éruptivité et, par là même, d'énergie en réserve pour relever les défis qui surgissent. Avec partialité, c'est-à-dire à partir d'un choix de références limité et subjectif, on mettra en exergue dans ce qui suit trois expressions typiques d'une manière féminine d'exister et de se tenir aujourd'hui dans la foi. Et on argumentera l'affirmation que cette manière pourrait profitablement inspirer l'institution et le corps ecclésial tout entiers.
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