La promesse de Dieu ! Cela même qui suscite le désir, qui met en route, qui avive l'espérance. Oui, mais quelle est-elle ? Comment se manifeste-t-elle au-dedans et au-devant d'une histoire personnelle, au-dedans et au-devant de l'histoire humaine ? D'où vient-elle, au juste ? Comment la découvrons-nous ? Insaisissable promesse qui s'accomplit de manière fugitive, qui change de visage au long de nos parcours, qui s'estompe parfois comme un mirage au désert ! A moins qu'elle ne resurgisse toute transformée ? Le thème de la promesse a quelque chose de fascinant, comme la « promise » peut l'être pour son « promis ». Fascinant, et dangereux. Et pourtant, si elle nous vient de Dieu... Si elle porte en elle-même l'attestation de sa validité... Si sa transformation n'est pas travestissement, mais bien plutôt révélation progressive de sa vérité... Et si elle donne élan de vie et enthousiasme...
Sans doute y a-t-il une bonne manière d'accueillir et de reconnaître la promesse. Un art de bien en vivre de rebonds en rebonds, dans la foi, jusqu'à l'accomplissement. Abraham a vécu cela dans l'attente de son innombrable postérité ; et aussi le vieillard Syméon qui ne mourrait pas avant d'avoir vu le messie ; l'apôtre Paul qui serait témoin auprès des païens, tandis que Pierre confirmerait ses frères... Regardons d'abord la vie de la promesse dans le cheminement d'une vie aimantée par Dieu, avant de la voir ballottée dans les aléas de la vie ecclésiale. Nous pourrons alors essayer de reconnaître les traits originaux de l'éternelle promesse, en cette époque qui est la nôtre, pour nous laisser attirer et vivifier par elle.


Dans nos chemins personnels


Combien sont partis parce que Dieu a parlé à leur coeur d'une terre promise : l'évangile à vivre, le visage de Dieu à découvrir, un autre bonheur que celui de tous les jours, une ample et difficile mission à accomplir, un héritage à accueillir et à valoriser !... Dieu sensible au coeur ! Tant et si bien qu'on s'est arraché, qu'on a osé sortir du chemin qui se dessinait, qu'on a levé l'ancre. Il paraît bien évident que l'initiative est venue de Dieu — ce qui donne son authenticité à un appel plus profond que les raisons qu'on en peut donner. Il y a là de l'imaginaire, certes (« le pays où coulent le lait et le miel »), et du narcissisme, à coup sûr (« Tu seras grand au milieu des nations »), mais l'appel de Dieu vient de plus profond, d'une source pure, qui donne force et courage. Il est bien « Celui qui se donne ». Action de grâces et enthousiasme !... C'est pourtant une dramatique de vie qui commence.
Plus ou moins vite : le désert. C'est au-delà que tu trouveras la terre promise. Pour l'heure, c'est la terre calcinée et les buissons épineux... L'expérience de Dieu se fait plus austère, et ce qui semblait si proche, sensible et beau, se dissipe dans la longueur des jours et la sécheresse du quotidien. La promesse s'éloigne et la loi s'instaure qui organise le temps de l'attente. L'Ego se veut digne de la promesse, certes, mais il tient à lui-même. Il n'est plus happé par ce qui doit venir, et il entre en négociation entre fidélité et recherche de soi — subterfuges pour se retrouver soi-même ou se donner le change ; entêtements sur ce qu'on pense que Dieu devrait faire et qu'il ne fait pas. Une question lancinante revient sans cesse : « Qui es-tu donc, Toi qui te dérobes et diffères de te donner ? »
L'amour veille. Des rencontres, accidents, lectures, découvertes, comme des interpellations généreuses ou des coups de semonce. C'est là que se manifeste le péché, « mon péché » : comment suis-je tellement accroché à mon Ego, à la promesse gardée comme une idole, à mes fidélités crispées, à mes revendications par rapport à Dieu ? Voici qu'en ce temps-là la promesse n'est plus ce vers quoi je marche ; elle se rapproche paradoxalement, alors que je la croyais si éloignée : c'est Jésus qui vient vers moi pour me tirer de moi-même ; me montrer mes ornières en même temps qu'il m'en arrache. Jésus sauveur. Ami ? Pas forcément encore. Je vois trop mes divisions intérieures, mes blessures, mes contradictions : ça saigne en moi. Qu'est-ce que je fais avec moi-même ?
C'est un temps où la promesse n'est plus extérieure à soi : elle est l'espérance de vivre ce qui était attendu dans la force de sa présence. Au jour le jour, c'est l'offrande vécue dans un « lâcher prise », l'apprentissage d'une saine distance d'avec soi et les problèmes de la vie ; l'humour peut rejoindre le sérieux du combat. Au fond, il s'agit de se laisser sauver chaque jour et d'en entraîner d'autres à se laisser sauver : « Ame du Christ, sauve-moi ; eau du côté du Christ, lave-moi ; Passion du Christ, fortifie-moi. Sauve-nous, lave-nous, fortifie-nous ! » Ce qui apparaît plus et mieux, c'est la victoire : non pas la mienne, mais celle de l'Agneau transpercé depuis le début du monde. Chaque jour, il se donne dans le secret de l'Eucharistie...
Certes, l'Eglise est abîmée et la société paraît inguérissable. Leurs maux ne se guérissent que pour en laisser paraître d'autres. Et pourtant, le combat tenace pour que se manifeste les traits du Royaume se poursuit avec intelligence et vigueur. La promesse est là, tellement différente des enchantements du début ou de la sécheresse du désert. Parfois, une parole du Seigneur précise son projet, comme cette phrase dite à Ignace à La Storta : « Je vous serai propice à Rome ! », ce qui le laissa dans une grande perplexité (allaient-ils être martyrs à Rome ?), mais soutiendrait l'immense oeuvre à venir. Quoi qu'il en soit, ce qui se prépare et mûrit en ces combats se dessine et se laisse parfois deviner : la joie est grande, alors, de penser que cela va éclore au grand jour dans l'irreprésentable au-delà, dans la manifestation de la Gloire.
En attendant, le Sauveur est devenu de plus en plus l'ami, le Seigneur, le frère bien-aimé : celui qui agit et rassemble ici et là, au-dehors ; celui qui poursuit aussi en soi la guérison des profondeurs et l'illumination de l'esprit. Dans le mouvement de ces découvertes christiques et des épreuves du combat germe souvent le temps de l'Esprit qui est aussi le temps du Père. L'horizon s'élargit. On peut voguer en eau profonde et creuser d'autres sillons : « La promesse est pour toi ! » L'Esprit Saint promis par le Père se donne à profusion, et l'on peut se remplir de lui. Il permet de se mettre de plus en plus avec le Père et avec Jésus... Voilà que la promesse devient vaste — comme l'océan de l'amour qui doit tout baigner —, tissée de relations et d'amitiés belles et désintéressées.
Mais c'est souvent dans cet horizon trinitaire que de grandes obscurités surviennent. Le corps souffre ou dépérit ; l'âme psychique perd sa maîtrise et ses moyens ; le coeur a infiniment soif et se sent desséché, tellement en deçà du grand amour qui se laisse entrevoir : « Sume et suscipe, Domine ! » (« Prends et reçois, Seigneur ! »). L'espérance de la promesse est vivace, comme un liseré de jour à l'horizon dans l'opacité de la nuit. Curieusement se distille au plus secret de la personne la certitude de la mystérieuse rencontre du Dieu plus beau que tout et infiniment fraternel ; et aussi l'attente d'une plénitude qui n'en finira pas de se manifester ; et encore la confiance que l'amour effectif des frères de la terre et du ciel n'arrêtera pas de rebondir.
Les grandes lignes de ce parcours ne prétendent à rien d'autre que de dire qu'il y a une vitalité de la promesse vécue dans la foi, tantôt lumineuse, tantôt obscure. Dieu conduit. Il est la vérité de la promesse. Il la fait se dévoiler peu à peu dans l'espérance, jusqu'au jour où nous pourrons Le voir comme II nous voit.


La promesse en échec


Tout cela coule-t-il de source ? Rivière qui devient fleuve pour arriver jusqu'à l'océan de l'amour, après avoir traversé des paysages divers et surprenants... Oui, en un sens, cela coule de Source. Mais le parcours jusqu'à l'océan est menacé. Déviations, enfouissement, marécages, évaporation : la promesse irrévocable, en tant qu'elle vient de Dieu, peut être perdue du fait de l'homme et de celui qui est l'ennemi depuis l'origine.
Nous sommes dans la foi d'Abraham qui a espéré contre toute espérance (Rm 4,18). Jésus nous prévient de mille manières à travers ses paraboles des risques d'oubli de la Parole. Il dit bien que si nous le renions, nous serons reniés, et donc perdus, non point par une parole contre le Fils de l'Homme qui peut être pardonnée, mais par le péché contre l'Esprit, l'enfermement sur nous-mêmes dans le refus de tout ce que nous dit le Saint-Esprit (Le 12,10).
Autrement dit, la mise hors promesse est possible, fréquente même. Tristesse ! Comme ces amours qui capotent, alors que « promis » et « promise » auguraient tant l'un de l'autre... « Où sont-elles donc, les promesses d'antan ? » L'amour de soi, la lassitude d'avoir toujours à lutter, la séduction d'une vie plus facile, les mépris et les coups, les déceptions d'une Eglise si imparfaite, la révolte face à l'absence de Dieu... La liberté se dérobe. Elle se refuse à toute relance. De l'extérieur, on peut toujours en discerner des raisons : la Parole de Dieu, qui dit si bien les promesses, ne fait plus le poids des exégèses dissolvantes qui lui ont enlevé sa vigueur et son tranchant. Les doutes sont venus ; les soutiens fraternels se sont estompés ; la solitude s'est accentuée. Incommunicabilité, enfermement dans la détresse. Ou bien, de fausses justifications se sont construites peu à peu en dehors de la foi — « forteresses de pensée captive »(2Co 10,4-5). La certitude centrale s'est dissoute... Vu de l'extérieur ! Mais, au-dedans, c'est le secret d'une liberté que nul ne peut sonder sinon Dieu seul.
Comment sortir du péril ? Comment se donner les conditions de retrouver la force de la promesse ? Il semble que ce qui conjure le péril, si la porte est restée entrouverte, c'est le contact avec les plus pauvres, le service, l'écoute de témoins authentiques, la prière d'une communauté tenace et ardente dans la foi, et, bien sûr, la plongée dans la simplicité de la Parole. Toujours, ce sont des chemins de pauvreté, tant il est vrai que Jésus se livre dans sa kénose et que les prétentions de l'ennemi — toujours aux aguets — sont démasquées par quelques démarches d'humilité.


Et en Eglise


Il nous faut aller plus loin. En regardant l'histoire, nous voyons que la communauté ecclésiale semble, ici ou là, pour des périodes longues ou brèves, n'être plus dans le dynamisme vivifiant de la Source. Ce peuvent être le déclin de la foi, la décadence du clergé, les divisions tragiques entre chrétiens, comme nous le voyons souvent dans l'histoire ; ou bien l'Eglise qui s'enferme dans ses fonctionnements institutionnels et la défense de son identité. Ce qui en résulte, c'est l'incapacité d'exprimer aux croyants la saveur de la promesse.
Les chapitres II et III de l'Apocalypse expriment le jugement prophétique du Seigneur sur les sept communautés ecclésiales au milieu desquelles il se trouve et qu'il tient dans sa main. Il les voit de l'intérieur, il les encourage et les corrige. Nous avons là des cas de figure révélateurs de ce que nous vivons lorsque la source est embourbée. En les relisant, nous voyons que nous avons pu être pris parfois :
    • Dans la tiédeur de l'Eglise d'Ephèse, après beaucoup de générosité et d'ardeur — ou dans l'épuisement de l'Eglise de Smyrne qui a traversé tant d'épreuves ;
    • Dans les compromissions doctrinales ou superstitieuses de l'Eglise de Pergame pourtant en plein combat ;
    • Dans l'opportunisme de l'Eglise de Thyatire, qui, à trop s'adapter, perd le tranchant de l'Evangile ;
    • Dans le confort de l'Eglise de Sardes, la nantie, installée dans ses oeuvres bien rodées et ses richesses ;
    • Dans la crainte de quelques-uns à Philadelphie qui n'accepteraient pas leur statut de minoritaires et de méprisés ;
    • Dans la suffisance, la fadeur et l'aveuglement de l'Eglise de Laodicée qui a besoin d'une bonne correction avant de découvrir l'intimité de son Seigneur...
L'expérience de la vie ecclésiale nous rend ces figures bien familières. Ici et là, nous avons vu et vécu ces pathologies, et aussi, heureusement, les prises de conscience et les guérisons que l'Esprit nous a permis de vivre.
Dans notre environnement français, depuis cinquante ans, l'Eglise a cherché à s'adapter, s'ajuster, s'organiser à travers de multiples tentatives et au prix de grands efforts. Les idéologies développaient leurs ersatz de promesses : il fallait faire front et répondre aux exigences sociales et humaines qu'elles révélaient. Les mutations de mentalité obligeaient à redire autrement les règles, à réexprimer les dogmes, à réinventer la pastorale et la catéchèse. Démarche généreuse, assez volontariste, passablement essoufflante. Difficile de sentir alors la fraîcheur de la promesse... L'effort critique a été rude et a entraîné bien des jugements, des exclusions réciproques : il y a eu beaucoup de divisions entre nous, au moment même où nous vivions des rapprochements avec les autres confessions chrétiennes. L'espérance a rebondi, certes, mais souvent dans la douleur.
Aujourd'hui, nous avons soif de vision, de la vision des prophètes qui, au nom du Seigneur, rendent sensible et actuelle la promesse qu'il a donnée à l'humanité ; la vision des témoins qui en vivent audacieusement dans la puissance inventive de l'Esprit ; soif aussi de retrouver des fraternités plus fortes, moins critiques, et qui, révélatrices du Royaume en gestation, disent l'espérance jusqu'en ses dimensions eschatologiques.
Comment ne pas souligner la fragilité déconcertante de la promesse et, paradoxalement, son étonnante vitalité ? Soumise aux aléas de notre liberté, bousculée, voire étouffée par les conditions sociohistoriques où elle se trouve, elle paraît oubliée, insignifiante ou non pertinente. Mais, comme Parole de Dieu, don du Père, portée par l'Esprit, elle ne peut être détruite et réapparaît là où on ne l'attendait pas.
Heureuses surprises dans nos vies personnelles ; resurgissement inattendu dans le cours de l'histoire. La fleur fragile et belle est soumise aux grands vents des tempêtes, à la sécheresse du désert ou à la somnolence de longues nuits polaires. Et voici qu'adviennent, sans qu'on sache trop pourquoi, des fruits « qui passent infiniment la promesse des fleurs »... Peut-être d'humbles priants se sont-ils offerts et ont-ils intercédé. Et puis, Dieu est Dieu envers et contre tout : il poursuit son projet de nous faire siens.


Les veilleurs de l'aube


Comment la promesse reprend-elle visage en ce début de troisième millénaire ? Les voix prophétiques qui viennent du siècle précédent résonnent toujours : elles sont révélatrices.
Des Charles de Foucauld, Teresa de Calcutta, Madeleine Delbrêl, Jean Vanier nous disent une nouvelle proximité du Royaume, imagée par la « civilisation de l'amour » dont Paul VI et Jean-Paul II se sont faits les hérauts. Cette humanité, qui, désormais, se sait « une » pour le meilleur et pour le pire, se voit appelée par le Seigneur à la réconciliation et à l'agapè : une fraternité humble, à l'écoute des plus pauvres, des blessés de la vie et de l'histoire, pour entendre leur message ; un dialogue des cultures et une reconnaissance pleine de gratitude pour ce que sont les autres, si différents de nous. Apparaît la figure de Jésus qui réconcilie et rassemble...
Quant à l'espérance, nous restons dans la mouvance des Maximilien Kolbe et des martyrs du Goulag, des moines de Tibhérine, du Père Claverie et de ceux qui témoignent aux frontières de l'Extrême-Orient : témoins du projet de Dieu que n'arrête aucune frontière... Christ est pour tous, enfoui et caché dans le samedi saint du monde, dans l'attente de la manifestation...
Et la foi ? « Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? » (Le 18,8). Thérèse de Lisieux, Marthe Robin, Padre Pio et Elisabeth de La Trinité — dans la proximité de Marie —, ceux et celles qui veillent dans la foi et luttent dans la prière, « en ces temps qui sont les derniers », intercèdent pour que la lumière continue à luire quand les ténèbres s'épaississent. Ces prophètes suscités par le Seigneur qui guérit et vivifie son Eglise — son épouse —disent par leur vie ce que Vatican II s'était efforcé d'exprimer, et que les mots de réconciliation, communion et espérance résument à leur façon.
« La promesse est pour nous ! » C'est le visage de Dieu qui se redonne ; c'est le visage de l'homme qui se découvre à nouveau. Le visage de Dieu, Père, Fils et Esprit, si grand et vulnérable en sa manière d'aimer : souffrant extrêmement en Jésus, mais aussi dans le coeur du Père ; et encore dans l'Esprit Saint contristé de tant de résistances. Dieu si vulnérable, mais surabondant de miséricorde. Le visage de l'homme se trouve marqué par la quête de reconnaissance, de dignité, de fraternité : nous pensons à ces visages de faim et de souffrance sur les écrans de télévision ou dans nos magazines, à tous ces regards qui appellent. Plus l'humanité devient populeuse, plus l'exigence de reconnaître la dignité de chacun se fait jour. Et Dieu, quelque part, met dans notre coeur qu'il doit en être ainsi : que cette foule innombrable est appelée à la Plénitude. La promesse se surdimensionne à mesure que l'humanité s'élargit.
Notre foi et notre espérance peuvent-elles accueillir une telle amplitude de dons à recevoir ? Oui, si nous entendons bien ce qui est dit de nous-mêmes à travers Thérèse, dernière en date des docteurs de l'Eglise, et ce que dit plus originellement le mystère de Marie : c'est l'infinité du coeur humain, son infinie capacité d'amour, à la dimension de Dieu. La valeur essentielle de l'homme, nous la découvrons dans ce coeur habité par l'Esprit Saint — ce pneutna de la tripartition paulinienne, plus essentiel que psuché et soma (cf. 1 Th 5,23). Là vient s'échanger la vie du Père et du Fils. L'intelligence est seconde : son développement reste fini et soumis aux vicissitudes de l'existence temporelle, fécondé d'ailleurs par les lumières qui viennent de ce coeur qui est esprit. Nous avons à sortir du primat qui a été accordé à l'intellect — une quasi-idolâtrie pour certains — dans ces derniers siècles : notre développement essentiel est celui du coeur, comme l'apôtre Paul l'exprime souvent dans ses lettres.
Concernant la réalisation ultime de la promesse, dans l'eschatologie, sans doute sommes-nous appelés à changer de regard et de langage. Il ne s'agit pas tant de faire son salut, d'éviter la condamnation, voire de réduire le temps de la purification, mais plutôt de nous disposer à aimer toujours plus : élargissement du coeur, intensification de l'amour. Ne pas rester des « demeurés » dans la dimension de l'amour. La course à la compétence, la recherche forcenée de la qualification, le sens de la performance, tout cela peut et doit être transposé à la dimension « coeur ». Du coup, le regard que nous portons sur notre vie après la mort change profondément.

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Quelle promesse, si nous entendons bien ce que Thérèse de Lisieux nous fait retrouver dans son langage simple : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la tene » ! Marthe Robin a repris ce message et vécu, cinquante ans durant, un bouleversant apprentissage pour cette mission d'au-delà. Le Nouveau Testament, on l'a trop oublié, le dit de façon à la fois mystérieuse et claire : les vrais amis du Christ, quand ils seront « cachés en lui », seront aussi appelés à participer à son ministère céleste, l'accompagnant sans cesse jusqu'à la fin des temps (cf. Le 12,41 ; 19,11s ; aussi Ap 14,1-5 ; 6,9 ; 20,4-6). C'est tout autre chose que le « repos éternel » ou des vacances béatifiques ; certains redouteraient que ce soit un chômage prolongé...
Le Père, qui nous a mis avec le Fils dans sa mort et sa résurrection — dans sa passion pour l'homme —, nous donnera de participer à son ministère céleste, comme il donne à Marie de poursuivre sa tâche de mère de l'Eglise. Voilà qui fait partie des dons les meilleurs que nous pouvons ambitionner : devenir performants en Christ pour coopérer avec lui au grand oeuvre de Dieu jusqu'à la fin des temps. Au terme, ce sera la découverte éternelle des beautés que nous ne finirons jamais d'explorer : les dimensions au-delà de toutes dimensions du Dieu trois fois saint, et de tous ceux qu'il fait vivre en Lui. Seul le langage de la beauté — comme l'a souligné Urs von Balthasar — peut réveiller chez nos contemporains le goût de l'indépassable promesse.
En attendant, nous vivons les arrhes de cette promesse : « Il est proche, Celui qui vient. » Déjà, il se manifeste par touches fugaces et prégnantes ; il fait voir qu'il est à l'oeuvre dans la dramatique de ce monde ; l'Esprit se joint à notre esprit et clame au coeur de l'Eglise qui demeure « la promise de Dieu » : « Maranatha ! » Et, dans la tenace espérance, nous disons : « Oh oui, viens, Seigneur Jésus ! »