Le recueil de nouvelles intitulé Vies minuscules, publié en 1984 par l’écrivain Pierre Michon, manifeste avec beaucoup de force et de profondeur la capacité de l’écriture littéraire à rendre justice à la liberté spirituelle du sujet. De même que chez Flaubert, Dostoïevski ou Faulkner, les simples n’y sont pas les seuls jouets d’un déterminisme économique et politique. Une pièce manque au puzzle, l’inachèvement de ces destins miniatures lève une béance, une faille dans toutes les grilles d’interprétation qu’on leur peut appliquer.

Ce petit parcours à l’intérieur de cette œuvre cherche à voir comment la fiction littéraire peut faire passer du superficiel au simple par les détours nécessaires d’un style infiniment ouvragé, un style qui creuse l’avènement d’une présence et d’un trésor de parole sous l’écorce ingrate d’existences définitivement tronquées.


La fiction littéraire et l’évocation des humbles

Il n’y a pas de pire insulte aux « pauvres » que de les réduire à un besoin économique, à la cupidité normative d’une insertion sociale. Dans cette perspective, les Vies minuscules ne prétendent pas documenter sur les « hommes de peu » mais, fidèles à l’intuition de l’Évangile, elles voient en eux le renversement des prétentions de