Le développement rapide de l'urbanisation à l'échelle planétaire transforme notre conception de la ville. Éclairons cette mutation indissociable d'une disjonction entre « l'urbanisation » contemporaine et « l'urbanité ».
Il y a déjà longtemps que l'historienne de l'urbanisme Françoise Choay a déclaré, dans un article devenu une référence1, que le recours à la notion de ville n'était plus du tout une évidence. En effet, le développement rapide de l'urbanisation à l'échelle planétaire et la vitesse accrue des flux migratoires alors même que l'on assiste à la dernière génération de l'exode rural, celle qui monte de la campagne à la ville en Asie du Sud-Est et en Afrique, transforment notre conception de la ville et le regard que nous pouvons porter sur elle. Le texte qui suit a pour but d'éclairer cette mutation qui est indissociable d'une disjonction entre « l'urbanisation » contemporaine, qui n'est certes pas réductible à un scénario unique, et « l'urbanité » qui renvoie à des valeurs que l'histoire de la vie européenne a placées dans la vie urbaine, dans les mœurs et les pratiques qu'elle rend possible. Dans cette optique, nous reviendrons sur cette vision classique de l'urbain pour nous interroger ensuite sur la possibilité de réinventer aujourd'hui une urbanité qui fait dramatiquement défaut.
Parler de « condition urbaine » dans le cas de l'histoire de la ville européenne exige de prendre en compte le caractère multidimensionnel de l'invention urbaine depuis la fin du Moyen Âge. Ce qu'on appelle l'urbs dans le sillage de la tradition romaine va progressivement désigner une révolution politique, un territoire d'échanges de natures diverses, un imaginaire et une volonté urbanistique. Autant de registres qu'il ne faut pas confondre2.
Commençons par le registre politiqu...