Évidence et problème… La bienveillance, quand elle devient l’objet conscient de la réflexion éthique, confronte d’emblée à un paradoxe : en effet, si l’on est attentif à son étymologie – vouloir le bien – et à sa définition « disposition d’esprit favorable, indulgente, envers quelqu’un [1] » elle apparaît comme orientée au bien et la condition même du bonheur. Que chacun pense à sa propre expérience et à ce qui suscite la vie en lui : il découvre qu’elle est comme le milieu nourricier qui permet de soutenir et d’accroître l’action en libérant le meilleur de ce que nous sommes.

 

Le fondement d’une « vie réussie »


Lorsque la bienveillance de l’autre ou du groupe n’est plus perçue et que la méfiance et la malveillance dominent, mon agir et jusqu’à ma tendance au bien se trouvent comme atrophiés, paralysés. Un « climat » bienveillant qui, au contraire, passe par l’accueil, l’écoute, l’empathie, le conseil et le soutien, vient libérer en moi l’énergie vitale en suscitant ma liberté. Pourtant, perçue souvent comme une simple « disposition », voire un trait de caractère, la bienveillance se trouve rarement définie comme une vertu cardinale de l’éthique. Plus étonnant, elle est encore plus rarement donnée comme une fin consciente de l’éducation, l’objectif-clef d’une pédagogie qui voudrait favoriser la vie bonne, pour l’individu comme pour les communautés. Est-elle même seulement comprise comme ce qu’il s’agit de développer en chacun d’entre nous pour atteindre ce que les Antiques appelaient la vie réussie ? Par une résistance secrète, dont il faudrait chercher les causes, quelque chose en nous – et particulièrement si nous prétendons réfléchir sans être dupes des « bons sentiments » – vient nous interdire de faire de la bienveillance, avec ses accents de « bonté » ou de « désintéressement », la clef d’une éthique concrète, articulant le rapport à soi et la relation aux autres. Malgré l’évidence de ce que j’éprouve en moi, malgré l’omniprésence du bénévolat à toutes les échelles de la vie sociale, l’idée selon laquelle chacun d’entre nous ne peut être mû