Qu'est-ce que la douceur ? Que peut dire la philosophie de cette réalité qui, à bien des égards, échappe à la compréhension, tant elle a de facettes ? Qu'y a-t-il de commun entre la douceur d'un galet et celles d'une mélodie, d'un climat, d'une personne ? Et comment cerner ce qui vient d'abord par notre sensibilité et que l'intelligence peine à penser ? Ce sera donc par les sens que nous pourrons commencer à la comprendre, par la manière dont elle se donne à sentir, à goûter et, peu à peu, à découvrir sa dimension plus spirituelle, lorsqu'elle ouvre un monde. Dans cette exploration, nous serons notamment guidés par Anne Dufourmantelle1 qui, dans La puissance de la douceur, a longuement médité cette réalité.

Création

La douceur est sensible, c'est par les sens que nous y accédons. Mais des sens, aussitôt, elle passe au sens, elle ouvre un monde, elle devient spirituelle en transformant ce que nous vivons en espace plus habitable. La douceur d'un geste ou d'une parole peut faire, d'une épreuve, une tente de rencontre. La douceur est créatrice de monde, si le monde est le lieu où chacun a place : « Heureux les doux, car ils habiteront la terre. »

Le romancier tchèque Bohumil Hrabal, dans son joyeux roman La chevelure sacrifiée, décrit une telle expérience : « Tous les soirs, nous nous tenions sous la lampe à chaîne allumée, son abat-jour vert était si grand que nous pouvions tous deux rentrer dessous, c'était un lustre comme un parapluie sous lequel nous nous tenions dans cette averse de lumière2. »

À l'image de cette tente lumineuse, la douceur est sensible. Elle vient dans la présence aux choses, aux animaux, aux autres humains, à soi-même, à Dieu peut-être. Elle révèle comme une bonté à l'origine de toutes choses, une bonté qui se donne dans le pelage soyeux d'un chat, le parfum et le jus d'une pêche mure, l'arrondi vert des volcans du Cantal, les échos d'une