Y aurait-il une manière ignatienne de porter l’Évangile ? Quelles promesses ce style pourrait-il receler ? S’il vaut la peine de s’interroger à ce sujet, c’est que depuis quelques décennies, les Églises explorent les voies d’une « nouvelle évangélisation ». La tradition ignatienne a-t-elle, dans ce concert, une note spécifique à faire entendre ?
 

Une note originale


Au cours de l’histoire, bien des façons d’annoncer l’Évangile ont été mises en oeuvre, en fonction des époques et des contextes. On pourrait citer, par exemple, la prédication au tout-venant (les Actes montrent Paul haranguer les foules ; au XIIIe siècle, les ordres mendiants remettront cette forme à l’honneur), à distinguer de l’enseignement adressé à la communauté, qui vise à ce que celle-ci, affermie dans sa foi, diffuse à son tour l’Évangile (les lettres de Paul en sont de beaux exemples, comme les textes des Pères de l’Église). À ces deux formes les plus évidentes, on doit ajouter encore une autre : un exposé de la foi systématique qui articule différents arguments et montre la force de la proposition chrétienne lorsqu’elle rencontre les objections. À côté de ces présentations de l’Évangile sur le mode du discours, on ne doit pas oublier la prédication en acte, par le changement de vie (les Pères du désert et, dans leur sillage, toute la tradition monastique annoncent l’Évangile d’abord de cette manière), ni la transmission et l’apprentissage de gestes simples, chargés de faire entrer dans une attitude spirituelle (c’est ainsi que l’Évangile a été porté durant des siècles dans les familles), ni, bien entendu, l’appel à une autre manière de se rapporter les uns aux autres (en témoignent les initiatives de solidarité envers les plus faibles, extrêmement nombreuses au cours de l’histoire de l’Église ; la tradition franciscaine en a d’ailleurs fait la pierre angulaire de sa manière de proclamer l’Évangile).
Bien entendu, chacune de ces manières fait partie du trésor de l’Église, et il serait absurde de vouloir miser sur l’une ou sur l’autre