Une expérience spirituelle peut-elle trouver les mots pour se dire ? Certaines œuvres littéraires et artistiques, porteuses d'une espérance qui ne s'exprime pas nécessairement dans le langage de la foi, sont l'expression d'un surcroît de vie.

De passage à Venise en mai dernier, je suis tombée par hasard sur une création artistique au titre intriguant, The Global Supper, a Collective Meditation on Humanity1. Il s'agit d'une installation, d'une projection vidéo et d'œuvres sur papier de l'artiste allemande Lilli Muller.

L'installation a été réalisée en marge de la 59e Biennale de Venise et présentée dans le décor saisissant du cloître de la Madonna dell'Orto. Je dis saisissant pour l'œuvre elle-même comme pour ses références presque explicites : le cloître se situe en effet à côté de l'église homonyme, paroisse où a vécu Le Tintoret et hôte de plusieurs de ses œuvres. La Cène du Tintoret se trouve, elle aussi, à Venise et Lilli Muller joue sur ces échos à travers presque cinq siècles.

The Global Supper a fait vivre à sa spectatrice une véritable expérience spirituelle. Métaphore revendiquée du dernier repas de Jésus avec ses disciples, l'installation occupe tout le cloître. Il s'agit d'une immense tablée en U, recouverte d'une nappe violette et dressée pour 195 convives qui représentent 195 nations actuelles. Chaque place comporte un set de table agrémenté de l'écusson du pays, un verre rempli de vin rouge, une assiette et, sur l'assiette, comme s'il s'agissait d'une serviette de table, un masque évoquant la pandémie sur lequel est