Ces deux intellectuels avaient-ils quelque chose à (se) dire de la foi ? Plus qu'ils ne le pensaient eux-mêmes. C'est ce que révèle ce livre épistolaire, introspectif et vivifiant. Le journaliste Sean Rose cultive le doute d'un chrétien qui pressent le vertige de croire. L'écrivain François Bégaudeau a hérité d'un athéisme sans états d'âme, mais désire ardemment se tromper… C'est à la lecture, notamment, des grandes œuvres littéraires que surgit pour lui le questionnement. Pascal, Bernanos… « La langue chrétienne n'a plus cessé de me parler, elle me dit quelque chose », confesse François Bégaudeau. « C'est dans l'intimité de soi avec soi-même qu'on découvre son vide », professe alors Sean Rose.

La correspondance est manifestement un prétexte pour chacun, afin d'explorer les profondeurs de l'intime. Et si les longs échanges ne se répondent pas toujours parfaitement, le lecteur peut suivre les deux cheminements tout aussi pertinents l'un que l'autre. Avec François Bégaudeau, on mesure combien la foi est une question prégnante, insistante, dans un monde qui s'en moque en apparence : « Au cœur de ma communion clandestine avec le Christ, il y a avant tout cela qu'il est venu insuffler en moi l'espoir fol que ma fin ne sera pas la fin. » Se plongeant dans les évangiles, l'auteur d'Entre les murs (Verticales, 2006) sent de solides résistances en lui : « Je n'ose y croire, c'est bien cela. Et je n'ose écrire que j'y crois. »

Son compère ne peut que lui rétorquer que croire n'est guère plus confortable : « La flamme qui s'est ravivée n'est jamais chez moi très vive, elle est précaire, elle est précieuse, je dois veiller sur elle, la couver, la couvrir, quand grâce m'est accordée, de larmes. » Entre le romancier charitable et le croyant sceptique, les allers-retours butent sur toutes les questions existentielles : la violence, la mort, le mal, la finitude de la condition humaine, alors que tous deux aspirent à plus grand qu'eux-mêmes.

Laissant là leurs certitudes, ils entrent de concert dans la « zone grise » faite de turbulences et d'inquiétudes, qui nous conduit à nous dépouiller d'abord. « C'est par la reconnaissance de sa propre misère que commence la foi. » Peut-être en sommes-nous toujours aux commencements.