Plusieurs publications récentes abordent de façon renouvelée la mystique dans la Compagnie de Jésus 1. Un point nodal de ces études est la naissance, dès le vivant de saint Ignace, et en particulier dans le contexte mystique espagnol, de manières de faire qui, au cours du généralat du P. Mercurian, dans les années 1570, seront sanctionnées et réprimées. Au jugement de la Compagnie, elles s'écartaient de la tradition du nouvel Institut. La crise traversée par le P. Cordeses soulève de nombreuses questions, qui gardent toute leur force, non seulement pour les jésuites, mais aussi pour les femmes et les hommes qui essaient de vivre aujourd'hui selon l'inspiration de saint Ignace : quelle place a la mystique dans la tradition ignatienne ? qu'est-ce qu'une prière apostolique ?

L'itinéraire vers la perfection d'un jésuite éminent


Antonio Cordeses naquit en Espagne en 1518, entra en 1545 dans la Compagnie où il exerça des charges importantes jusqu'à la fin de ses jours (1601), il fut ainsi trois fois provincial 2. Pendant ses études au collège de Gandie, fondé par le duc et grand d'Espagne, et futur saint, François de Borgia, il connaît l'atmosphère d'oraison et de recherche passionnée de Dieu que véhicule « le cercle de Gandie », en proximité étroite avec le contexte franciscain du puissant renouveau de la spiritualité qui travaillé alors l'Espagne 3. Saint Ignace doit intervenir en 1548 pour freiner l'ardeur des PP. Onfroy et Oviedo, qui, en lien avec le franciscain Juan de Texeda, priaient quotidiennement de longues heures, dans un climat exalté, propice aux prophéties sur la réforme de l'Eglise 4. Les ennuis de Cordeses commencent à Coïmbre. Après avoir été provincial d'Aragon, il avait été pressenti pour l'être au Portugal, mais après la mort en 1564 du P. Laînez, successeur d'Ignace à la tête de la Compagnie, la nomination est