Notre rapport à l'Histoire est problématique quand nous cédons à la tentation de fabriquer un « roman collectif » qui crée un renforcement identitaire et fabrique de l'exclusion. L'Histoire n'est pas un rempart pour nous protéger des autres, elle doit être le fruit d'une élaboration collective qui n'occulte ni n'exalte faussement le passé.

« Les Français ne se souviennent pas de ce qui s'est passé il y a six mois, comment voulez-vous qu'ils se souviennent de ce qui s'est passé il y a dix ans ? », s'interroge un Valéry Giscard d'Estaing un brin désabusé, dans un documentaire consacré à l'exercice du pouvoir. « Au moment où l'on devient Français, on vit comme un Français et nos ancêtres sont les Gaulois », tonne Nicolas Sarkozy le 20 septembre 2016, en pleine campagne pour la primaire de la droite en vue de l'élection présidentielle, dans une allusion aux accents de fin de XIXsiècle. Deux anciens présidents de la Cinquième République évoquent le passé. Bien qu'il s'en défende, le premier semble être resté un peu amer de ne pas avoir été reconduit dans ses fonctions en 1981. Le second, sur un ton agressif, convoque l'Histoire afin de galvaniser son auditoire. Les deux allusions nous laissent perplexes et nous interrogent : quel est notre rapport au passé ? Est-il encore possible de s'inscrire dans un « roman national » ? Les réponses ne vont pas de soi, d'abord parce que le fameux « roman national » est une fiction qui ne résiste pas à la critique historique. Cette contestation ne doit pas empêcher d'ausculter l'inscription de plus en plus douloureuse de l'Homme contemporain dans le temps : vivant dans le « nu-présent », la réception de son passé et donc la projection dans son avenir sont possiblement mises à mal. Enfin, les heurts possibles entre la mémoire et l'Histoire doivent stimuler notre manière