TABLE RONDE

Comment l'indifférence, qui caractérise l'atmosphère religieuse dans laquelle nous vivons, interroge-t-elle la foi des chrétiens ? Celle-ci s'est trouvée confrontée à l'athéisme militant dans la première moitié du XXe siècle, puis à la critique des maîtres du soupçon avec le développement des sciences humaines, enfin à la contestation des années 70. Aujourd'hui, elle se trouve plongée dans le climat d'une tolérance un peu molle, qui relativise la question de la vérité la profession de la foi chrétienne ne semble pas déranger grand-monde. Comment donc les chrétiens sont-ils amenés à vivre leur foi dans cette atmosphère de désaffection ? Nous avons réuni autour de cette question plusieurs voix, dont la diversité pouvait enrichir notre réflexion Jacques Arènes est psychanalyste ; Marie-Amélie Le Bourgeois, ursuline, ancienne responsable diocésaine de la catéchèse à Bourges ; Arnaud de Rolland, jésuite, aumônier d'étudiants en grandes écoles à Pans ; Claude Flipo, rédacteur en chef de Christus, Yves Roullière, rédacteur en chef adjoint de Christus.


Claude Flipo
: Comment ressentez-vous cette désaffection ?

Jacques Arènes : Dans le milieu analytique de mes collègues, traditionnellement anti-chrétiens, on constate un changement d'attitude. II y a quinze ans, devant une certaine virulence chez des gens qui connaissaient bien le christianisme, il ne fallait pas trop se dire chrétien. Maintenant, c'est différent. Je peux tout à fait me dire catholique parmi les psychanalystes. Ce n'est pas un problème. Les gens le savent, mais ils ne perçoivent pas les enjeux. Autrefois, ceux-ci étaient clairement posés en fonction de l'athéisme ou de l'agnosticisme, tandis qu'aujourd'hui ces personnes tiennent le christianisme pour une réalité un peu exotique aimablement perçue. Pour eux, le Bible est un texte fondateur mythique. Ils en retiennent des images, des « flashs », comme ces touristes qui reviennent des pays du tiers-monde.

Marie-Amélie Le Bourgeois
: Le mot que j'aimerais prendre, plutôt que celui d'indifférence, c'est le mot de légèreté. Légèreté chez ceux qui s'opposent à la foi comme aussi chez les croyants. Nous vivons dans une culture où beaucoup de choses sont plus légères. Je pense aux messages électroniques. On écrit n'importe quoi, on ne s'occupe pas trop du contenu ni de l'orthographe. On appelle « temps réel » le temps instantané, alors que le temps de l'attente ou de la maturation est un temps bien réel, que je sache ! On passe d'une époque où certaines valeurs avaient du poids, une durée, et même un caractère absolu, à un temps où tout devient léger, éphémère, relatif. Ainsi en est-il pour ce que l'on met derrière le mot « homme » ou le mot « Dieu »...
Un exemple caricatural nous a été donné dans le traitement médiatique de la guerre en Irak : on comptait les morts d'un côté, pas de l'autre. Quant au nom...
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