Avec sa manière bien à lui de ruminer sur l’humaine condition, de creuser et creuser à nouveau sur les « choses premières », Maurice Bellet s’arrête ici sur le désarroi de tous ceux qu’habitent le mal d’être, quand tout autour d’eux semble s’effondrer, que le chemin se dérobe. Avec des accents qui rappellent sa Traversée de l’en-bas (Bayard, 2013), il invite en trois méditations à regarder cette réalité en face. Un premier temps assez exigeant évoque ce moment de désert, l’énigme d’une traversée qui ne fait qu’aboutir sur le vide, moment de transgression et de remise en question des problématiques admises. Que se passe-t-il quand la foi se défait ? C’est le deuxième temps méditatif, marqué par le désarroi et le doute des croyants, où va comme s’épurer et s’éprouver la foi primordiale ; ainsi de la perception de Dieu ou celle de Jésus Christ : « Ce que signifie Jésus Christ lui-même et en personne, c’est déjà que tout passe en l’être humain, en chacun, chacune et toute l’Humanité. Il n’y a plus de puissance extérieure qui imposerait à l’Homme sa loi. Ce n’est pas un constat tranquille. » En effet… Comment rebondir alors ? Comment trouver une sorte d’issue à ce chemin sans boussole ? Un dernier temps invite à « reprendre et persévérer », à entendre ce « Nom mystérieux que Moïse entend dans le buisson ardent, car il est, à travers les tourments et la violence, ce qui témoigne parmi les humains de l’indestructible naissance où il vit que « tout cela était bon » et l’homme plus que le reste ». Et l’ouvrage de s’achever sur un appel très paulinien à redonner à la charité toutes ses lettres de noblesse : « Elle n’est pas dans le savoir, dans l’ascèse, dans la pauvreté volontaire, pas même dans le martyre. Elle n’a pas besoin de ces grandeurs-là, si admirables qu’elles soient. Elle est humble. Elle est dans cette douceur, cette divine douceur qu’auprès d’elle on peut goûter sans crainte, car il n’y a pas d’arrière-pensée. » Marquée par la problématique d’une génération qui a voulu pousser jusqu’au bout l’exigence critique, la prise au sérieux des remises en question radicale, cette nouvelle réflexion de Maurice Bellet se conclut dans ce choix final et assez traditionnel de la charité, cette « divine douceur » qu’il évoquait déjà dans son beau petit livre L’épreuve (DDB, 1992).