Le dernier livre d'Anne Lécu, religieuse dominicaine, auteure entre autres de Tu as couvert ma honte (Cerf, 2016) et Ceci est mon corps (Cerf, 2018), est une invitation à flâner parmi les parfums de la Bible, « se perdre dans un vagabondage onirique qui ne suit pas le temps chronologique, mais un simple effluve, un presque rien, qui toujours menace de se volatiliser, de se perdre ». On se laisse seulement guider par ce qu'éveillent ou réveillent à l'intime de notre relation à Dieu les mille et une fragrances évoquées dans la Bible, « Livre parfumé » par excellence. Mais ce livre est aussi un parcours spirituel. Le Messie, le Christ, est l'Oint, marqué par l'onction de l'Esprit, comme les rois d'Israël, à qui l'on offre les parfums révélateurs de sa divinité (l'encens) et de son humanité livrée à la souffrance et à la mort (la myrrhe). De la puanteur de l'étable à la fétidité de la croix, la « bonne odeur du Christ » qui annonce la victoire sur la mort naît justement là où menacent des odeurs qui font fuir. Elle entraîne ceux qui la cherchent jusqu'à l'expérience amoureuse du « nard » qui mêle à son odeur celle de la peau de l'être aimé. Une très belle lecture du Cantiques des cantiques accomplit en quelque sorte ce parcours en quatre étapes. Dans le registre des Exercices spirituels, ce livre est riche de remarques donnant à « sentir et goûter » la parole de Dieu, une véritable « application des sens ».