Nous touchons là, me semble-t-il, à l'ultime secret d'Ignace. L'accueil du temps qui vient, libérant en lui des forces toujours renouvelées, l'ouvre pleinement à l'Esprit de Dieu. […]

Ce temps, qui est toujours à mieux déterminer et qui est déjà porteur d'un temps nouveau, n'est rien d'autre que le temps de la rencontre avec Dieu. Ou plutôt, pour garder le vocabulaire ignatien, c'est là, et là seulement, en ce point d'exacte vérité, que l'homme « trouve Dieu ». Non pas dans une contemplation qui l'écarterait de sa tâche humaine, mais dans la soumission à l'Esprit qui le purifie de tout égoïsme et le met au service des autres. Saint Ignace, on le sait, répète inlassablement que « l'homme ne sert pas Dieu seulement quand il prie » ou alors, poursuit-il, « elles seraient bien courtes, les oraisons qui n'atteindraient pas vingt-quatre heures par jour (si c'était possible !), puisque l'homme doit se donner à Dieu aussi complètent qu'il le peut ». Et il confiait lui-même à la fin de sa vie qu'il « croissait toujours en dévotion, c'est-à-dire dans la facilité à trouver Dieu, et maintenant plus que jamais durant toute sa vie. Toutes les fois et à toute heure où il voulait trouver Dieu, il le trouvait ». Ce fut l'expérience qui le combla de plus en plus même « mis avec le Fils », même entraîné au sein des relations entre les Personnes divines, « en toutes choses, actions, conversations, il sentait et contemplait la présence de Dieu et l'attrait des choses spirituelles ». Le père Nadal […] dit : « Nous voyions cette grâce et cette lumière de son âme resplendir en quelque sorte sur son visage, se manifester dans la clarté et la certitude avec lesquelles il agissait dans le Christ. » Cette clarté, cette certitude, sont la marque que, dans l'action quotidienne, le temps a été exactement défini : tous les éléments ont été pesés ; les décisions sont prises en fonction de « ce qui convient » et de « ce qui est discerné selon l'Esprit » ; les tâches humaines entreprises et poursuivies dans la charité sont devenues le moyen d'exprimer la fidélité à Dieu à travers la fidélité aux exigences du corps, du travail, de l'œuvre à accomplir et de toutes les « circonstances » dont il faut sans cesse percevoir l'évolution. C'est dans cette fidélité-là qu'Ignace trouve sa joie et sa paix.

 

L'accueil du temps qui vient, Etudes sur saint Ignace de Loyola, Christus-Lessius, 2015, pp. 327-328.