L'historien couronne ici, de manière magistrale, son patient travail d'archéologue des écritures thérésiennes. Chacun des trois « manuscrits autobiographiques » avait fait l'objet d'une étude minutieuse. Il ressortait du manuscrit A que la relecture de son enfance par Thérèse s'organisait autour de la révélation de juin 1895 (découverte de « l'amour miséricordieux » et offrande d'elle-même à cet amour). L'apport décisif de ce dernier ouvrage est de montrer que l'amour miséricordieux est devenu, pour les deux années qui lui restaient à vivre, le cœur même de sa « petite doctrine ». La démonstration en est faite par l'examen des modifications qui ont été apportées par Thérèse au manuscrit B, et par une relecture très éclairante du manuscrit C.

L'importance prise, pendant les deux dernières années, par la relation aux novices et surtout les « épîtres testamentaires » à ses deux « frères », les abbés Adolphe Roulland et Maurice Bellière, montrent une Thérèse qui ne se contente pas de vivre de la miséricorde mais qui s'efforce d'en « prêcher » la doctrine aux « petites âmes » dont elle se sent plus responsable que jamais. Ce n'est plus seulement « l'écriture de soi » (Ms A, 1895) qui est placée sous le signe de la miséricorde, mais aussi, jusqu'à la fin (1897), les écritures pour autrui.

C'est donc bien la miséricorde d'un Dieu bon qui peut être considérée comme la clé de voûte de la « petite voie, toute de confiance et d'amour ». En proclamant Thérèse docteure de l'Église, Jean Paul II ne se croyait pas autorisé à lire chez elle une « véritable doctrine », seulement « des éclairs de doctrine ». Le travail très rigoureux auquel s'est livré Claude Langlois, à l'écart de toute polémique, montre ce qu'avait d'approximatif, en effet, l'expression « voie d'enfance ». Il permet surtout d'articuler avec une parfaite netteté la logique d'une expérience personnelle qui, en se formulant pour elle-même, devient doctrine, et doctrine merveilleusement contagieuse dans sa complexe simplicité.