La vie de Thérèse après sa mort (1873-1897) est une vie de gloire… grâce à un livre, paru un an après, l'Histoire d'une âme, best-seller du XXsiècle spirituel, dont la durée de parution fut pourtant fort courte (cinquante ans) avant de céder la place aux manuscrits originaux. Claude Langlois, au long d'une enquête passionnante, raconte les péripéties de cette aventure éditoriale, semée de multiples recompositions et transformations pour répondre aux attentes d'un public immédiatement conquis. Succès paradoxal, a priori improbable : dans un carmel provincial récent, sans prestige, la vie banale d'une moniale qui meurt jeune (elle n'a rien fait et elle n'est pas la fondatrice de son couvent). Mais elle a conscience d'être une maîtresse spirituelle qui délivre sa « petite doctrine » (simplifiée et défigurée en « enfance spirituelle ») et qui, elle le sait, fera du bien aux âmes. Le peuple chrétien lui en saura gré, recevant avec enthousiasme et gratitude cette vision d'une sainteté possible pour tous, dans la confiance au quotidien, sans exigence héroïque, ni accablement de culpabilité pénitentielle. Pourtant les objections ne manqueront pas : il n'y a nul témoin de ce qu'elle présente et affirme hormis elle-même ; de son vivant, elle n'a pas de miracle à son actif ; une doctrine nouvelle ? voilà qui est suspect. Mais, les papes aidant, le génie de Thérèse balaie tout cela et les chrétiens approuvent chaleureusement. Thérèse nous ouvre le chemin de la modernité mystique.