À l’occasion d’un reportage pour le treizième centenaire du Mont-Saint-Michel en 2008, le chemin d’un jeune journaliste croise celui d’une octogénaire décidée. Trois ans plus tard, le voici sur la route du Mont, pour un périple à pied de 450 km, embarquant avec lui dans l’aventure sa femme et ses deux très jeunes enfants.
Au-delà de l’audace du projet, qu’on pourra juger imprudent, ou inspiré, de l’admiration ou de la raillerie qu’il peut susciter, ce récit retient l’attention pour la quête dont il témoigne. Sans nostalgie, mais avec le désir de mettre ses pas dans ceux des « miquelots », ces pèlerins qui s’élançaient autrefois vers le Mont, l’auteur cherche d’abord à renouer avec un esprit et à retrouver, même en pointillés, les traces d’une tradition ancienne. Comme « un appel à une vie plus libre, où la gratuité aurait un sens », et avec le désir de rompre avec un mode de vie qu’ils jugent effréné et consommateur, nos pèlerins d’aujourd’hui seront hébergés dans des paroisses, chez des couples, des familles ou des sœurs.
Le livre raconte ces rencontres, toujours chaleureuses, et les surprises heureuses que parfois elles réservent. À l’épreuve de la route, l’auteur se découvre une patience ou une violence insoupçonnées dans le savoureux compagnonnage avec l’âne Cakao qui porte le barda. Le temps de la marche est propre à la redécouverte d’un rythme humain, et cette manière de « conquérir le mont à la lenteur des pas » en fait un « pèlerinage profil bas », comme il le dit avec humour. 
S’il partage quelques-unes de ses affres de jeune père, François-Xavier Maigre reste pudique quant à son cheminement intérieur ou celui du couple, même s’il rappelle ces mots de l’écrivain Jacques Lanzman : « Marcher dix jours avec quelqu’un, c’est vivre dix ans avec lui. » Un mois plus tard, au terme de l’aventure, lorsque « paradoxa-lement, l’achèvement d’un pèlerinage vous laisse un grand vide », une même discrétion s’impose.
Natalie Héron