Comment peut-on comprendre que les sociétés qui valorisent l’autonomie des sujets, leurs capacités d’action, soient en même temps celles dans lesquelles un nombre croissant de personnes et de groupes tendent à se dévaloriser sous le mode de la dépression ou de l’impuissance?

La Bible recèle un personnage attachant qui peut nous rejoindre dans la quête d’une juste estimede soi, pour peu qu’on y prête attention : Gédéon – dont Remi de Maindreville nous raconte l’histoire dans ce numéro de
Christus. Dernier de la famille sans statut ni prétention, il est l’homme que Dieu choisit pour rassembler et libérer son peuple exténué par les razzia incessantes de Madiân, dans les montagnes méridionales de la Terre promise. Cette pédagogie de la confiance se perpétue dans l’expérience même des apôtres. Ces hommes ont été ressaisis par l’Esprit Saint : bien au-delà de leurs défaillances personnelles, ils ont appris à croire que la victoiredu Christ ressuscité s’inscrivait en eux, qu’ils y participaient et avaient mission de l’annoncer.
En ce sens, la grâce de« s’aimer humblement soi-même » serait bien une grâce de la juste estime de soi. Une grâce qui se reçoit, peut-être sans même savoir qu’elle est reçue. Accepter une part d’ignorance quant aux effets de l’action ou de la relation, écrit Agata Zelinski dans ce même numéro, c’est entrer dans le paradoxe d’une compassion non sentie : « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite.”

Yves Roullière