Qu’on le veuille ou non, les événements tragiques (guerres, attentats, morts brutales, etc.) nous servent de points de repère tout au long de notre vie. À l’égal et parfois davantage que les événements heureux (réconciliations, armistices, naissances, mariages, etc.). Car le tragique a un tel pouvoir d’imprégnation dans nos esprits qu’il resurgit à la moindre épreuve endurée. Quand l’événement est collectif, il nous met dans un état de sidération que nourrissent aussitôt sur nos écrans les images qui l’ont enregistré, puis les documentaires ou les oeuvres de fiction qui s’en inspirent. Quand l’événement est individuel, qu’il touche un être proche ou lointain, et a fortiori si nous en sommes les acteurs, nous nous trouvons au fil du temps d’étranges liens de parenté avec certains personnages des tragédies grecques, comme s’il avait fallu participer de leur fraternité dans le malheur pour devenir l’homme ou la femme que nous sommes à présent. Reste que la complaisance dans le sentiment tragique de la vie ne mène qu’à l’éternel ressassement de ces jours où l’effroi nous a saisis et abandonnés sur les rives du non-sens. La passion du Christ, tragédie des tragédies où le Dieu créateur lui-même est mis à l’épreuve, nous libère paradoxalement de cet effroi. En nous y faisant replonger par les sacrements, par la contemplation attentive de chaque instant précédant la résurrection, Jésus-Christ nous fait sortir de ce fatalisme auquel tout semblait nous condamner.