Ces sermons, prononcés par Louis Bouyer (1913-2004), alors qu'il était jeune vicaire à la paroisse luthérienne de la Trinité dans le XIIIarrondissement de Paris, ont été retrouvés à l'abbaye de Saint-Wandrille où il vécut plusieurs années vers la fin de sa vie. Ils semblent avoir constitué « une base de travail dans laquelle il puisait à sa convenance et qu'il modifiait selon les nécessités du moment » (Introduction). L'editor du volume les a organisés suivant l'année liturgique – l'Avent, Noël, l'Épiphanie, le Carême, Pâques, le Temps pascal, la Pentecôte, et puis les dimanches du Temps ordinaire –, ce qui permet un certain regroupement par thèmes, persuadé que, comme « le calendrier de l'Église évangélique luthérienne est très voisin de celui de l'Église catholique, […] le pasteur Bouyer devenu oratorien n'aurait pas désapprouvé ce choix ». Il souligne à juste titre « l'indiscutable universalité chrétienne de la prédication du pasteur Bouyer » dont la « cohérence de la pensée montrait, dès ce moment, le grand théologien tout à fait orthodoxe qu'il fut ensuite ». Le volume est doté d'un important appareil critique qui permet de situer l'ensemble, et d'un important index scripturaire.

Malgré le jeune âge du prédicateur, on est frappé d'emblée par la richesse et la justesse théologiques de ces sermons et, loin de tout moralisme, par le souci de mettre la théologie au service de la vie spirituelle des auditeurs. Les sermons sont résolument centrés sur le Christ, et sur son éventuelle présence en nous. On trouve aussi une insistance sur les sacrements, tout particulièrement l'eucharistie, sur les grands dogmes chrétiens – notamment la Trinité et l'Incarnation –, sur la nature de la foi, sur le rôle de la raison et celui de la conscience, sur la nécessité et la puissance de la grâce, sur l'aspiration chez tout homme à une connaissance de Dieu (connaissance qui est bien autre chose qu'un simple savoir) et sur l'Église.

Comment ne pas penser, en lisant ce volume, aux sermons anglicans de John Henry Newman dont le père Bouyer fut un fin connaisseur (son livre de 1952, Newman. Sa vie. Sa spiritualité reste toujours actuel) et qu'il va parfois jusqu'à paraphraser ? Comment ne pas être frappé aussi par la continuité de pensée chez les deux hommes, avant et après leur adhésion au catholicisme, respectivement en 1845 et 1944 (ce qui a permis à un spécialiste de Newman d'énoncer le paradoxe selon lequel le meilleur de sa spiritualité catholique se trouve dans ses sermons anglicans !) ? Ce livre présente beaucoup plus qu'un intérêt historique ou biographique, mais contient une richesse de pensée dont tout prédicateur aujourd'hui pourrait avec grand profit s'inspirer.