Ce nouveau livre de poèmes de Christophe Langlois est, d’un bout à l’autre, marqué par l’esprit d’enfance. La propre enfance du poète, certes, bien présente en ces pages, mais surtout l’enfant qu’une fois adultes, il nous faut être à nouveau pour reprendre notre souffle, revivre une « seconde innocence ». Aussi l’auteur évite-t-il avec soin les pièges de l’évocation nostalgique. Il ne revient pas, même en songe, sur son enfance ; il l’investit, l’incarne autrement : « Je suis redevenu comme un enfant / En tout lieu, je m’endors tout le temps / Partout, aux informations, à la banque / Toujours une nouvelle nuit me manque / Les voix écoutées plutôt que les mots / L’intention détectée aussitôt. » Ici, le « je » s’impose avec force et orgueil, puis s’efface. Seul compte désormais le discernement d’« esprits » dont il est si difficile de situer l’origine. Les poèmes sont le lieu d’innombrables pas de côté et rebuffades, avant « l’acide verdeur de l’acceptation » des dons reçus, qui suppose conversion, ou plutôt « reconversion » : chacun « Arrivant à mi-parcours confusément / Sent le mensonge qui consisterait à continuer à ce train / La force s’inverse / L’effort reste sans effet / La tentative échoue ». Abandonné, le poète ressent alors le besoin impérieux de restituer ces bribes de Royaume, ces instants de grâce qu’il appréhende comme « l’enfance du monde ». Manne qui nous fait changer de dimension, de regard. Le dialogue à bride abattue avec le Christ peut enfin se rouvrir : « Tu es roi. / […] Prends ce que je te donne / Et connais-moi. »