« Dépasser » est un beau verbe de la langue française, composé du préfixe « dé » qui marque l'intensification et du verbe « passer » qui vient de « pas », synonyme de « marcher ». Dépasser, c'est étymologiquement marcher plus vite, presser le pas, passer devant les personnes qui nous précèdent. Et c'est au prix d'un effort : nous prenons pour un moment un rythme plus intense. Dépasser et se dépasser sont alors liés.

À ce sens littéral s'adjoint un riche sens figuré : dépasser les limites (ou, plus familièrement, les bornes), l'attendu, l'habituel, le permis, le possible, le concevable, l'entendement, l'imagination, les espérances… Ici, dépasser et se dépasser peuvent aussi être liés : lorsque quelqu'un dépasse ce qui était attendu de lui, c'est qu'il était en quelque sorte identifié à un ensemble de capacités, de potentialités. En les dépassant, il s'est dépassé. En revanche, si quelqu'un dépasse ce qui était permis, peut-on dire qu'il se dépasse ? Ne devrait-on pas plutôt dire qu'il s'est mis en retrait de ce qui était attendu de lui ? Ou qu'il a été dépassé par ses émotions, son enthousiasme, sa colère ?

Pour répondre à ces questions, il convient de s'interroger sur ce qui pousse à accélérer le pas. Pourquoi un alpiniste entreprend-il une ascension, sachant que d'autres, et les meilleurs, y ont peut-être perdu la vie ? Pourquoi quelqu'un risque-t-il la prison en prenant chez soi une personne en situation irrégulière ? Comment comprendre le geste de ces soldats qui, pour préserver la vie d'otages, donnent la leur ?

Pourquoi se dépasser ? Est-ce pour soi ? pour autrui ? contre soi ? contre autrui ? Ainsi, les soldats se dépassent pour les otages et, en même temps, leur but est de dépasser l'ennemi qui menace la vie des otages et la leur. L'alpiniste se dépasse en ouvrant une nouvelle voie et, en même temps, il dépasse les alpinistes qui