Labor et Fides/ Bayard, coll. Domaine biblique », 2002, 326 p., 22 €.
 
La colère a souvent mauvaise presse dans la mentalité chrétienne — ce qui relève davantage, note Lytta Basset, de l'héritage de Sénèque que de la pensée biblique. Au contraire la colère, qui est beaucoup plus souvent attribuée, surtout par les textes de l'Ancien Testament à Dieu qu'à des humains, est force de vie. Elle tire sa légitimité de la revendication de justice à laquelle tout homme aspire spontanément. Et le Dieu très bon est a priori le premier défenseur de cette justice due à l'être humain.
Si la colère peut dévier en haine de l'autre voire en déni de son droit à vivre, elle porte en elle un dynamisme essentiellement tourné vers la relation, qui s'exprime précisément dans le cri pour se faire reconnaître. Il faut donc qu'elle puisse se dire, à condition d'être vécue comme un appel au frère créé lui aussi par Dieu, qui veut pour tous la justice et la justesse du regard sur les autres, donc aussi sur moi. Ce travail intérieur sur sa propre colère exige lucidité, remise en question, et finalement conversion profonde de soi-même pour éviter qu'elle ne se détourne en rage homicide. Les exemples de Caïn, Job ou Jacob sont étudiés en détail pour soutenir cette thèse séduisante et ouverte.
Un livre difficile, où les données de la psychologie des profondeurs sont constamment appelées en complément aux explications fournies par les auteurs du Talmud et les Pères de l'Église sur le combat de Jacob ou le meurtre d'Abel. Mais un livre singulièrement suggestif.