Fidélité, 2010, 393 p., 24,95 €.  
 
Les deux auteurs, disent-ils, ont réfléchi et travaillé à ce livre pendant de longues années, à partir de la conscience de leur propre fragilité et de l’accompagnement commun de personnes souffrantes. Le premier, le cardinal Godfried Danneels, est archevêque émérite, passionné du Christ et de son Église, faite de saints et de pécheurs ; la seconde, Iny Driessen, est mariée, maman de six enfants, et a étudié la philosophie biblique et les sciences religieuses. Aucun d’eux n’en est à son premier livre. Ici, ils parlent en « nous », sans dévoiler ce qui est de l’un et ce qui est de l’autre. À partir de la question de la souffrance et du mal qui se pose à tout homme, croyant ou incroyant, philosophe ou illettré, non pas seulement de façon objective (pourquoi le mal ?), mais dans les blessures de sa propre vie (pourquoi ce mal pour moi ?), les auteurs examinent d’abord le contexte culturel dans lequel évolue cette question pour nos contemporains, puis ils en font une relecture où se croisent les récits bibliques et certains récits, souvent mortifères, de ceux et celles qu’ils ont accompagnés. L’objectif est délibérément pastoral et spirituel. Un long parcours, qui peut sembler parfois un peu touffu, où n’est pas totalement absent l’écueil qui consiste à utiliser l’Écriture pour illustrer ses thèses, mais somme toute de lecture relativement aisée. Toute la Bible est sollicitée, ancien et nouveau Testament, pour aider les lecteurs à découvrir ou redécouvrir que leur Dieu est proche de celui ou celle qui souffre, en son corps, son âme, son esprit. On peut d’ailleurs regretter que le thème de la « colère » devant le mal injuste (celle de Dieu à travers ses prophètes) ne soit pas développé davantage. La troisième et la quatrième parties exposent le noyau, le coeur de la foi qui anime les auteurs : que personne ne peut se guérir soi-même (« C’est moi le Seigneur qui te guérit », Ex 15,26) ; puis, que celui qui nous sauve ne le fait pas de l’extérieur, mais qu’il est lui-même un « sauveur blessé de la crèche à la croix ». La cinquième partie, sans doute celle vers laquelle est tendu tout l’ouvrage, aborde la question délicate de l’accompagnement de souffrances extrêmes, celles des enfants et des adultes abusés. À partir de courts témoignages, le lecteur est invité une nouvelle fois à s’arrêter devant leur douleur, leur désespoir et leur angoisse. Les auteurs lui proposent aussi discrètement de partager avec eux la conviction de Jean de la Croix selon laquelle « n’importe quelle expérience de la vie, quelque négative qu’elle soit, peut devenir un sacrement de l’amour transformateur de Dieu ». Ceux et celles qui sont appelés à accompagner des frères ou soeurs écrasés par de telles souffrances trouveront dans ces pages des repères tirés à la fois de la longue expérience de leurs auteurs et de l’attitude de Jésus devant tout « blessé » rencontré sur son chemin : il voit, il écoute, il touche, il dit la parole de compassion, il guérit, il appelle à la vie, à la foi, et même au pardon. Dans une telle optique, ne faut-il pas dissocier le besoin de reconnaissance de l’agression subie et celui de la justice humaine ? La décision que prendra une victime de rendre public ce qu’elle a vécu et de « porter plainte » contre son agresseur demande beaucoup de discernement et de précaution. Depuis les jours de Pâques-Pentecôte, la puissance de guérison qui est en Dieu est confiée à l’Église : c’est elle, et donc chacun de nous, qui a reçu mission d’être le prochain de tout homme blessé ; sans oublier qu’à travers les sacrements, l’Église est aussi réellement pour tout croyant les lèvres et les mains de ce Dieu qui « relève ».