La maladie est, pour le malade, une expérience vécue. Brutalement ou insidieusement, une sensation nouvelle ou la perturbation d’une fonction corporelle viennent l’alerter et l’amener, dans nos cultures, à se poser la question : « Quoi ? » Dans d’autres cultures, ce qu’il lui semblerait urgent de faire ne serait pas de nommer le mal mais d’en trouver la cause, le responsable, pour répondre à la question : « Qui ? » Mais dans les pays occidentaux, tout le monde ayant plus ou moins intégré l’adage médical qui affirme que « la pire des maladies est l’absence de diagnostic », il nous faut être rapidement en mesure de nommer la maladie – la question de sa cause ou de son explication ne venant que dans un second temps.


La maladie du malade

« Qu’est-ce que j’ai ? » Selon son tempérament, le malade imagine tout de suite le pire et se croit atteint d’un cancer gravissime à la moindre douleur ou, au contraire, il ne se résout que trop tard à consulter, car il est toujours disposé à considérer que « ce n’est rien ». La consultation médicale classique consiste tout d’abord en un dialogue qui vise très précisément la nomination de la maladie. Le médecin fait alors office de traducteur, il écoute les signes que lui raconte le patient et il les note dans son dossier dans une autre langue, le mal de tête devenant céphalée et l’essoufflement bruyant dyspnée asthmatiforme. Le patient, qui dans un premier temps est bien le seul à savoir ce qui lui arrive, se trouve très vite dans une posture inconfortable, car la reformulation par le médecin de ce qu’il vient d’exprimer lui fait comprendre que, bien qu’il parle de lui-même, il ne sait pas de quoi il parle.
Un homme de 32 ans consulte dans un grand hôpital pour demander à un chirurgien orthopédiste l’ablation de vis. Invité à se mettre en