« Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite ! », insiste Jésus dans l'évangile de Jean (16,24). L'absence de complément permet de comprendre ainsi : « Soyez en demande ! » Voilà ce qui est déterminant pour vous acheminer vers la joie « par-faite », « par-achevée », « accomplie » que Dieu vous destine. Si le Christ parlait ainsi, c'est qu'il percevait en l'humain une force susceptible de « désirer ce qui descend du ciel ».
Il faut aller plus loin. Pour lui, le désir tend à la joie, il est même orienté vers l'expérience d'une plénitude de joie dès ici-bas. En effet, il vient de dire : « Si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera » (16,23). L'aboutissement du passage (« afin que votre joie soit parfaite ») éclaire rétrospectivement la nature même du désir : si nous prions dans le nom du Christ, toutes nos demandes, dans le fond, creusent en nous l'attente de cette joie pleine dont Jésus faisait l'expérience. Une joie qui faisait envie à ses contemporains. Une joie bien incarnée dont il s'agit de reconnaître la légitimité dans l'existence terrestre : « Maintenant je vais à toi et je dis cela dans le monde afin qu'ils aient ma joie parfaite en eux » (Jn 17,13). Si nous prenons au sérieux les paroles des évangiles, nous ne pouvons renvoyer la joie dans l'au-delà ni en faire le privilège exclusif de Dieu. « Qu'importe qu'il n'y ait jamais de joie en moi, puisqu'il y a perpétuellement joie parfaite en Dieu ! », écrit Simone Weil 2 sans tenir compte de ce que Jésus a expérimenté : « Tout ce qui est à moi [le Fils] est à toi [le Père], comme tout ce qui est à toi est à moi » (Jn 17,10) 3. Jésus n'a cessé de témoigner d'un Dieu qui trouve sa joie à donner aux humains le meilleur de lui-même. Il avait le secret de la joie, mais il nous l'a dévoilé : ses paroles et son expérience sont racontées pour nous convaincre que la joie parfaite est à portée de tout être humain marchant sur ses traces.
Ne nous méprenons pas sur l'expression johannique de « joie parfaite » ! Il n'y a pas à redouter une sorte de noyade en Dieu dans une extase où l'on perdrait conscience de sa propre identité : il vaut mieux penser à la maturation d'un fruit qui « accomplit » ou « par-fait », c'est-à-dire parachève peu à peu sa destinée de fruit. Le processus s'inscrit si bien dans les réalités terrestres que l'on peut parler du poids de la joie. En effet, la joie est lestée de toutes les expériences doul...
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