Lorsqu'il s'agit d'exercer une emprise sur autrui, les humains disposent de ressources aussi multiples que subtiles, dont la perversité s'avancera masquée si leur activation reste inaperçue, plus encore si elle est mue par la conviction de bien faire. Et puisque la Bible est faite (aussi) d'un regard sans complaisance sur les humains, elle offre – notamment dans ses récits – bien des exemples de ces comportements, qu'il est permis de lire comme autant d'invitations à la lucidité vis-à-vis de soi-même et des dynamiques dans lesquelles on se trouve engagé. C'est que les récits ont cette faculté de mettre à nu logiques et mécanismes qui, dans le concret de la vie, passent si souvent inaperçus.

 

Des gens de pouvoir

Le roi Achab possède un palais de plaisance près de la ville de Yizréel. Il lorgne sur une vigne qui jouxte son domaine : il se verrait bien en faire un potager. Il approche le propriétaire, Naboth, et lui propose un marché intéressant : en échange de sa vigne, il lui en donnera une meilleure ou, s'il préfère, le prix de celle-ci. Mais, voilà : Naboth n'a pas les mains libres. La loi lui interdit de céder les biens fonciers qu'il a reçus de Dieu lorsqu'il en a hérité de ses pères et qu'il devra léguer à ses héritiers. Accepter, dit-il au roi, reviendrait à être sacrilège. Achab s'en va donc, profondément contrarié par ce refus justifié par la tradition du peuple dont il est le roi. Rentré chez lui, il se couche, se met à bouder, refuse de manger. Sa femme Jézabel vient le voir et demande ce qui ne va pas.