En ouverture du récit de l'Évangile selon Jean, le Prologue est tout en mouvement. Mouvement de l'écriture, rythmée, musicale. Mouvement du personnage principal, le Verbe de Dieu (Logos) qui se déplace dans le monde même qu'il a créé. Il y révèle Dieu et transforme l'existence de ceux qui mettent leur foi en lui. Dans ce mouvement, il y a un tournant narratif : « Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père » (Jn 1, 14). Le grec eskénosèn (« il a habité ») se traduit littéralement : « il a planté sa tente ». Voyage, errance, précarité. Un peu plus avant, le premier contact du Verbe-Jésus avec le temple de Jérusalem (bâtiment qui inscrit la présence de Dieu dans son peuple) est pour en chasser les marchands. À ceux qui s'indignent, Jésus répond de le détruire, ouvrant l'un des nombreux quiproquos du récit. Le narrateur avertit aussitôt : « Mais lui parlait du temple de son corps » (Jn 2,21). Avec le corps de chair de Jésus, la présence divine retrouve l'une de ses caractéristiques fondamentales : la grâce fragile qui chemine au milieu de son peuple et qui le tire en avant.

 

De la fragilité et de l'hospitalité

 

« Il a planté sa tente », forme grammaticale à l'aoriste, dit le caractère passé, historique, de l'événement. L'événement lui-même est ainsi placé sous le signe du voyage, du séjour passager. Le réseau des significations semble nous orienter alors du côté du déplacement mais aussi de l'hospitalité et de la fragilité. Pour le déplacement, viennent à la mémoire les tentes des patriarches et du peuple d'Israël (livres de la Genèse et de l'Exode). Pour l'hospitalité, celle d'Abraham. Pour la fragilité, c'est l'abri provisoire du corps de chair, « maison terrestre » opposée à la « maison éternelle », à l'« habitation céleste »1.

Le motif de la fragilité, tout d'humanité, apparaît quand Jésus