Loin de raconter l’histoire d’une « rencontre » entre le Bouddha et Jésus, ce livre nous plonge dans l’expérience intérieure de son auteure Carrin Dunne. Cette Étasunienne, attirée par la tradition chrétienne de sa naissance et par le bouddhisme, examine ces « deux attraits [pour] voir ce qu’ils signifient l’un pour l’autre ». Publiée pour la première fois aux États-Unis en 1978, la réflexion de l’auteure rejoint pourtant la préoccupation de nombre de nos contemporains baptisés qui s’intéressent, eux aussi, au bouddhisme.

Dunne précise d’abord que le Gotama et le Jésus du livre sont « le Gotama en moi » et « le Jésus en moi ». Elle précise aussi qu’elle ne se préoccupe ni des anachronismes qu’implique « le fait de rapprocher deux personnages fort éloignés dans le temps et l’espace », ni du fait que son Gotama et son Jésus manifestent « une connaissance des réalités plus proches de notre époque que des leurs ». Elle prend aussi sa distance avec les Écritures des deux traditions en soulignant que ni Jésus ni Gotama n’ont laissé d’écrits et que ceux que nous avons sont passés ici par un filtre qu’elle « n’a pas trop envie de justifier ». Elle exprime enfin sa conviction « qu’une part authentique de ce que Jésus est, de ce que le Bouddha est, c’est ce qu’ils sont dans les esprits et les cœurs des hommes ».

Ces précisions lui permettent de s’exprimer librement, de manière poétique et agréable à lire, sur la rencontre entre le Jésus en elle et le Gotama en elle. Nous y découvrons de belles réflexions sur le silence et les limites, voire le danger, des mots quand il s’agit de « dire » l’indicible, sur la nature du soi illusoire qui menace ceux qui suivent les voies proposées par Gotama et par Jésus, sur la manière de dissiper cette illusion, sur Dieu, sur la mort… bref, sur les divers espaces qui s’ouvrent quand chrétiens et bouddhistes désirent se rencontrer en profondeur.

Cette liberté choisie par l’auteure ne va pourtant pas sans créer quelques difficultés. Une telle rencontre, qui se passe dans le cœur, l’esprit et l’intelligence d’une seule personne, née et élevée dans un milieu très occidental, tend à mettre en évidence des convergences que le Juif de Palestine qu’était Jésus et l’Indien qu’était Gotama n’auraient sans doute pas pu imaginer. Et le grand absent de ce dialogue, malgré tout ce qui y est créatif et stimulant, est l’altérité qui constitue l’un des plus grands défis dans la rencontre du Bouddha et du Christ.

Dennis Gira