« Veilleur, où en est la nuit ? » Celui qui interpella Isaïe par ces mots en fut pour ses frais et reçut une réponse mystérieuse qui défie les exégètes : « Le matin est venu, comme la nuit1. » L'image nous reste, pourtant : le prophète biblique ne serait-il pas un veilleur ? Certes, Dieu a établi plusieurs prophètes comme « guetteurs »2 ; mais seul Habaquq assume cette métaphore pour lui-même, attendant la parole du Seigneur avec la vigilance d'un soldat dans la nuit :

 

Je tiendrai bon à mon poste de garde,
Je resterai debout sur les retranchements.
Je guetterai pour voir ce qu'il dira contre moi
Et ce que je répondrai au rappel à l'ordre.
Le Seigneur m'a répondu, il m'a dit :
« Écris une vision3 ! »
 

Son attente n'est pas paisible : ce qui vient risque d'être douloureux. Mais la métaphore glisse de l'observation militaire à l'écoute, la réponse, l'écriture. L'œil, l'oreille, la main qui tient la plume s'entrelacent ; le texte évoque une vision, qu'il s'agit moins de regarder que d'écrire.

Ces deux versets résument à merveille la mission d'autres prophètes, même s'ils ne s'identifient pas au veilleur : Samuel dans sa jeunesse comme devenu vieux, Élisée regardant le char de feu emportant son maître, Jérémie recevant sa vocation devant un amandier, tous ont aussi l'œil perçant. Leurs histoires, dont nous allons lire des extraits avec la perspicacité du veilleur, nous réservent quelques surprises. Nous essaierons de comprendre la manière de voir qui constitue les prophètes.

Samuel et la lampe du sanctuaire

L'appel nocturne du jeune Samuel4 est de ces histoires que l'on croit bien connaître. Entendant un appel, un enfant se réveille au milieu de la nuit, va voir le vieux prêtre Éli qui le renvoie se coucher par deux fois. La troisième, le vieil homme comprend que c'est la voix du Seigneur qui a réveillé