On a dit de frère Roger de Taizé qu’il avait le don de se mettre à la place d’autrui, de comprendre ce qu’un autre pouvait ressentir. Ceci est particulièrement vrai de la prière. Dans ce domaine comme en beaucoup d’autres, le fondateur de Taizé pouvait comprendre les blocages de l’homme et de la femme d’aujourd’hui, et tout spécialement des jeunes. Il se mettait à leur place, imaginant sans peine ce qu’ils pouvaient ressentir en pénétrant dans une église pour la première fois. Mais frère Roger ne faisait pas que comprendre. Une passion l’habitait, doublée d’une aptitude à créer, à susciter des réponses et des collaborations fécondes. Le sociologue constate, et c’est utile, mais le prophète fait davantage : il ouvre des voies, il transforme les idées en réalités visibles. Pour beaucoup de nos contemporains la prière paraît inaccessible : c’est quelque chose que d’autres peuvent faire, mais pas moi. Cette passion de rendre accessible à beaucoup les sources d’une confiance en Dieu, les sources de la prière, est ce qui a conduit à la création des chants de Taizé.
 

Chercher des voies nouvelles


Avant l’arrivée massive des jeunes à Taizé – et même plusieurs années après –, le français est la langue de la prière communautaire. Comme en témoignent les éditions successives de La louange des jours, le livre de prière de la communauté, les textes bibliques, les psaumes, les cantiques sont nombreux. Même si une traduction est parfois fournie, la participation des non-initiés et de ceux de langues étrangères reste marginale. Frère Roger n’en est pas satisfait et souhaite que tous puissent participer rapidement. C’est ainsi que frère Robert, grand ami de l’Espagne, médecin, épris de musique, doué d’une énergie peu commune, est chargé par frère Roger de chercher des formes musicales aptes à assurer la participation de tous. Il comprend rapidement que cela signifie prier avec des textes courts. Or frère Robert découvre qu’au Moyen Âge des pèlerins priaient souvent avec quelques mots, des chants répétitifs, parfois sous forme de canon. Ainsi en allait-il à Montserrat au Moyen Âge.
Frère Robert associe Jacques Berthier à cette recherche. Compositeur et organiste à Paris, connu de la communauté pour laquelle il a déjà composé dans les années 50, Berthier prend au sérieux la question et prend la mesure du défi. Quelques chants simples sont soumis à frère Robert ; pour éviter de privilégier une langue vivante par rapport à une autre, ils sont dans un premier temps tous en latin, mais, dans les années qui suivent, la plupart des langues européennes sont mises à contribution. Frère Robert fait quelques essais avec les jeunes à Taizé, renvoie à Berthier ce qui ne marche pas, propose des changements. Ainsi chaque chant est-il le fruit d’une collaboration étroite entre le compositeur, qui a l’humilité de revoir son travail, et le directeur de choeur méticuleux qu’est frère Robert.
Les premiers chants compos...

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