A l’aube des vacances qui se profilent, voici une invitation suggestive, qui lie dans un même appel l’injonction quasi-médicale et le conseil spirituel. Le repos d’été, c’est fait pour l’âme autant que pour le corps, car sans repos de l’âme, sans paix intérieure, il n’y a pas de vraie détente du corps. Et sans repos suffisant du corps, il est bien difficile de prendre soin de son âme, de la nourrir  de ce qui l’apaise au plus profond et qui nous met tout entier, corps et âme, dans une écoute juste du monde et des autres. C’est à cela  et encore bien plus, que nous invite le dernier livre de Jean-Guilhem Xerri, médecin biologiste et psychanalyste, qui fut aussi responsable de « Aux captifs la libération », association au service des gens de la rue. Un livre bien profitable à lire cet été.

 

Prenez soin de votre âme. Petit traité d’écologie intérieure. Cerf, 2018.

Ce  n’est ni un livre difficile comme le laisseraient croire ses 400 pages, écrites gros, dans un style très alerte et même oral parfois, ni un manuel de développement personnel que pourrait évoquer sa couverture d’allure méditative et connectée…  C’est un véritable ouvrage spirituel, lumineux et nourrissant qui propose une lecture très originale et actuelle des Pères du désert, les premiers à avoir expérimenté et formulé la quête personnelle de Dieu dans l’univers chrétien.

 

Ouvrage lumineux. L’auteur, en effet, montre que bien des pathologies actuelles (addictions et dépendances de tous ordres, souffrances psychiques, perte de sens, etc.) ne s’expliquent pas seulement par les sciences humaines ou les neurosciences, mais renvoient à une dimension spirituelle que l’homme moderne a bannie de sa vision et de sa perception scientifiques. Lisant les Pères du désert, ces hommes et ces femmes qui quittèrent les cités opulentes du Moyen Orient au IV° siècle pour trouver Dieu dans la solitude d’une vie sobre et méditative, il découvre à quel point ils étaient  familiers de ces tensions intérieures qui nous travaillent tant aujourd’hui. Ces moines les avaient remarquablement identifiées : avidité, vanité, acédie,… et ils les traitaient par une garde du cœur, une vigilance, et un combat spirituel intelligents et tactiques, appuyés sur  la foi et la quête de Dieu.

 

L’auteur nous livre aussi une nourriture spirituelle consistante, car il ne se limite pas au constat et au diagnostic. Il invite ses lecteurs à vivre « en 3 D », à la manière de ces hommes et femmes du désert, autrement dit à prendre en compte le corps, l’âme et l’esprit, trois pôles fondateurs de l’homme et de ses capacités, pour guérir et éviter les pathologies spirituelles. Pas d’intériorité durable et vraie sans sobriété, sans hospitalité, sans méditation, sans attention et ouverture à l’autre. L’accompagnement d’un ancien plus expérimenté est une aide précieuse sans laquelle on aura bien du mal à trouver son équilibre et sa juste place (« la volonté de Dieu »)….

 

L’aspect sans doute le plus intéressant, et en même temps questionnant, est cette continuité anthropologique que souligne Jean-Guilhem Xerri entre les moines du désert et nous-mêmes aujourd’hui. Ils ont anticipé nombre de découvertes de la psychanalyse et des neurosciences dans un contexte de référence bien différent du nôtre. Nous n’avons plus la même perception de la nature humaine et l’articulation entre nature et surnaturel ne s’évoque plus dans les mêmes termes. Demeure une indispensable « écologie de l’âme » dont l’intention et la pédagogie se transmettent pour que chacun accède à la liberté où il peut reconnaître et nommer Dieu. « L’humain est inachevé à la naissance et il est appelé à faire advenir son humanité ».

 

Belle lecture et bon repos, dans votre suite de Jésus-Christ !