Ce livre court et accessible est une « invitation », comme l'indiquent à la fois son titre et la conclusion de son auteur. Il invite le lecteur à faire de sa vie « une existence spirituelle ». Et cette intention révèle d'abord un parti pris heureux. L'auteur, Henri Laux, est jésuite et enseigne la philosophie au Centre Sèvres. Mais il est aussi un lecteur assidu des auteurs mystiques, particulièrement de Jean de la Croix et de Jean-Joseph Surin dont il a édité Questions sur l'amour de Dieu en 2008, dans la collection « Christus » (DDB, n° 95). L'expérience mystique fonde l'invitation de l'auteur à faire de la vie, dans toutes ses dimensions, une réponse à Dieu qui invite lui-même toute personne à vivre de son Esprit. Voilà qui, dès le premier chapitre, met à distance des nombreuses voies spirituelles, aussi honorables et pertinentes soient-elles, qui s'offrent aujourd'hui à quiconque cherche du sens et un mieux-être intérieur. La singularité de la spiritualité chrétienne est celle d'une écoute et d'une rencontre vivante « avec celui qui est et désignera jusqu'au dernier jour le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Ce qui fait obstacle à une existence spirituelle aujourd'hui n'est donc pas tant le matériel, le temporel, le corporel et ses passions, mais l'« immédiateté » dans les décisions, les réactions, les relations qu'entretient une certaine sécularisation des pratiques chrétiennes et religieuses. Répondre à Dieu « oblige » à respecter les médiations comme Jésus l'a fait, à vivre dans une présence attentive aux enjeux du présent et de l'avenir, à la communauté, aux drames de l'existence pour ne pas laisser la mort défigurer la vie mais vivre ceux-ci comme une expérience pascale (chapitres 1 et 2). Mais le livre va bien au-delà de cette situation actuelle du spirituel. La vie de l'Esprit se reconnaît aussi dans le discernement éthique et l'engagement de la raison, comme on le voit dans l'Évangile : Jésus ne se dérobe jamais devant l'autre et il fait de chaque rencontre humaine une œuvre de l'Esprit. La vie spirituelle a toujours à apprendre de la vie éthique que l'absolu se réalise dans le relatif, dans le temps et l'Histoire, dans la patience (ch. 3). L'obstacle majeur que rencontre toute vie spirituelle, c'est la victoire du mal, l'écrasement provoqué par le malheur senti comme une injustice. Où donc est Dieu dans une souffrance qu'on ne peut éradiquer et qui anéantit tout projet ? Sinon dans une traversée improbable et indéfinie, où peuvent se nouer de nouveaux liens, une nouvelle créativité, un autre rapport au temps, où peut renaître une certaine sérénité, une joie d'aller de l'avant, une espérance que Dieu paraisse un jour et donne de vivre comme s'il était là, insaisissable et invisible (ch. 4). S'adresser à Dieu jusqu'à pouvoir lui dire « mon Dieu » est donc tout l'inverse d'un repli sur une intériorité épurée. C'est au contraire l'invoquer à partir et du côté de nos failles, dans le dénuement provoqué par son silence et son absence, c'est vivre la négation et la nuit en relation amoureuse, comme le lieu d'appel d'un service plus spacieux et d'une « fraternité mystique » (ch. 5). Des ermites du mont Athos aux grands mystiques d'hier et d'aujourd'hui, comme Madeleine Delbrêl, les spirituels l'ont vécu et évoqué avec force et avec fruits. La vie dans l'Esprit saint, c'est la recherche de ce qui agrandit des espaces de vie en soi et dans le monde. Ce petit livre qui articule diverses interventions et articles de l'auteur nourrit le désir d'aller de l'avant.