Dans ces jours où la défiance et l’incertitude marquent notre société et son avenir, le temps liturgique peut nourrir avec profit notre pensée, nos projets, notre cœur. En effet, les premiers actes du ministère de Jésus excitent la haine des esprits mauvais et de ceux qui s’en nourrissent, mais suscitent la joie chez ceux qui s’étonnent de la vérité manifestée par jésus : guérison, paix, fraternité heureuse sont les signes de son autorité. A sa lumière comment éteindre la haine qui surajoute à l’injustice et à l’indignation légitime qu’elle provoque ?

« Le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu’il n’est déjà ». Ainsi s’exprime Etty Hillesum  à la fin de son journal spirituel  alors qu’elle est au camp de Westerbock.  Pour la jeune femme dont la vie a été bouleversée par l’irruption de Dieu, il s’agit de se changer soi-même, plutôt que de nous préoccuper de haïr ceux que nous appelons nos ennemis. Il s’agit de les vaincre, non de les haïr en devenant comme eux.

Se changer soi-même, c’est ce que recommande Ignace de Loyola quand la désolation nous submerge et menace de nous entraîner dans la haine, le dépit ou la jalousie. Profondément ancrés en nous, ces sentiments nous aveuglent. Ils occupent tout le champ de notre pensée  quand nous laissons notre « mental » en rajouter aux blessures et aux fragilités qui nous marquent. Nous les ressentons alors comme une agression qui appelle indéfiniment une réparation et des coupables. Pourtant, si nous y travaillons, notre fragilité et nos blessures, comme tout ce qui nous limite, peuvent  aussi nous ouvrir à une plus grande vérité dans le rapport à nous-même et à une solidarité  avec d’autres. On peut alors trouver des moyens de mieux vivre avec elles et de réduire ou anéantir par là le mal qui pourrait les étendre et les multiplier.

Comment bâtir un corps ensemble, chacun là où il est,  pour faire vivre cet esprit  de vérité dans les temps qui viennent et désarmer la haine ?